Espace de programmation et de création, d’expériences et d’innovations, le 109 a pour vocation d’être un lieu de vie et de convivialité pour les artistes et les publics. Ouvert à toutes pratiques artistiques et culturelles d’aujourd’hui, ainsi qu’aux expressions spontanées, l’établissement devait accueillir l’ensemble de ces propositions dans les bâtiments des anciens abattoirs à l’est de la Ville de Nice, rassemblant des ateliers d’artistes et des espaces de représentation.
Le projet fut initié par le maire de Nice, nouvellement élu en 2008, prenant exemple sur le PS1 à New-York et surtout sur le 104 à Paris. Malheureusement, ces deux lieux vont rapidement subir de sérieux problèmes économiques liés à la crise.
Le 104, par exemple d’une superficie de 40,000 m², tout comme le 109, disposait d’un budget annuel de 12 millions d’euro dont 4 provenaient de sponsors privés et 8 de la mairie de Paris. La crise ayant frappé, les deux directeurs vont démissionner et la mairie retirer son soutien. Depuis, le 104 renaît à nouveau, avec des ambitions plus modestes.
On se rend bien compte que la ville de Nice, faute de l’existence même d’entreprises pouvant devenir des sponsors, ne peut, en tout cas à l’heure actuelle, financer un tel projet. Les annonces pharaoniques faites lors de la conférence de presse inaugurale, prévoyant jusqu’à la construction d’un téléphérique menant à l’observatoire astronomique semblent bien compromises…
A part la Station, un collectif d’artistes très dynamique et reconnu dans le milieu de l’art contemporain, installé dans une petite partie des locaux (1000 m²) depuis leur réouverture, le programme d’activité du 109 jusqu’à aujourd’hui est très loin des objectifs affichés…
Rappelons que la ville de Nice gère pas moins de 17 musées, ce qui à l’évidence est disproportionné par rapport à ses capacités financières et pose le problème de l’existence même d’un projet aussi ambitieux.
L’ancien directeur de la Fondation Maeght, Jean-Louis Prat, expert en la matière, critiquait déjà, il y a quelques années, avant même le projet du 109, une telle dispersion et conseillait de concentrer les efforts sur les lieux les plus importants.
Au delà du problème budgétaire, il faut, pour animer ces lieux, des personnes hautement qualifiées, entourées d’équipes à la hauteur. Or ce n’est certainement pas la direction actuelle du 109, totalement inconsistante et d’une attristante incompétence qui pourra répondre à cette mission.
En 2011, l’exposition bâclée ici Nice, réunissant 50 artistes qui n’avaient comme seul dénominateur commun qu’une appartenance de près ou de loin à la Ville. Une exposition, désarticulée, vide de sens, entièrement tournée vers son propre microcosme. Un parfait exemple de ce qu’il ne faut pas faire.
Bref, en cet automne 2012, l’avenir du 109 reste incertain malgré les annonces et les rares événements qui y ont eu lieu, assimilables à de grandes fêtes «jeunes » bruyantes, très loin d’un programme culturel bien construit. Ce n’est certes pas avec de semblables entreprises que l’image des arts plastiques à Nice pourra rivaliser avec la prestigieuse Biennale de Lyon ou avec son modèle, le 104 parisien…
L’absence d’une véritable politique culturelle de la ville de Niice est ici criante.
Heureusement, la Station organisant en professionnels ses propres événements et ses propres expositions relève le débat…
Essayons d’imaginer ce que devrait être le 109 :
Le 109 vu sa taille, pourrait accueillir la création contemporaine dans toute sa diversité, intéressant toutes les disciplines artistiques, sans hiérarchie de genres : arts plastiques, théâtre, danse, musique, cinéma, vidéo, mais aussi arts culinaires, numériques et urbains…
Le lieu devrait s’ouvrir à de multiples formes d’associations, à des artistes en résidence tout au long de l’année et permettre une coopération active entre tous ces acteurs accompagnant ainsi l’émergence de nouvelles formes d’art. Notamment, celles d’un « art relationnel » animant le lieu, créant des affinités entre les
artistes, leurs oeuvres et les publics et de s’inscrire durablement dans la cité.
Un lieu de vie culturelle pour tous, situé à l’est de la ville de Nice, dans un quartier populaire, le 109 devrait constituer un espace artistique de service public .
Il devrait établir des relations directes avec les habitants, en favorisant les pratiques amateurs et les activités destinées aux enfants.
Il devrait tisser des partenariats avec des associations, avec l’Université de de Nice Sophia Antipolis, avec les établissements scolaires, avec les comités d’entreprises, bref avec tout les acteurs sociaux ou les groupes d’individus environnants.
Pour cela, la desserte du lieu par les transports en commun est nettement insuffisante.
Le 109 devrait aussi chercher à rassembler, à mettre en question et en présence l’ensemble des artistes, créateurs, individus, associations, institutions et décideurs…
En tant que forum des dynamiques culturelles et lieu de dialogue avec les citoyens, il devrait ainsi contribuer à l’instauration d’une politique culturelle durable.
Lieu de recherche et d’innovation, le 109 devrait mettre en place un programme d’actions avec des entrepreneurs, des créateurs et des chercheurs. Soutenir l’émergence d’idées originales, l’expérimentation et la diffusion de projets innovants, le développement de jeunes entreprises innovantes faisant appel à la création.
Ainsi, le 109 devrait suivre plusieurs axes forts :
valoriser l’expérimentation, par l’installation de dispositifs innovants en lien avec des problématiques
urbaines et / ou artistiques dans ses espaces.
accueillir des manifestations d’envergure notamment liées aux arts numériques et au rapprochement des
domaines de la création et de l’innovation. Par exemple, un festival pluridisciplinaire annuel.
s’intéresser aux nouveaux modes de fabrication numérique, accessible autant aux entrepreneurs, aux créateurs et au grand public.
nouer des collaborations avec le monde de la recherche en art pour soutenir l’émergence de jeunes entreprises innovantes dont le département des Alpes Maritimes à tant besoin.
Ces quelques pistes donnent la mesure de la difficulté de mener à bien un tel projet et des moyens qui seraient nécessaires. Difficulté de réunir une équipe pluridisciplinaire hautement qualifiée, animée par un
grand souffle, une vision, donnant les grandes orientations et dominant le sujet.
Nous en sommes malheureusement très loin !
Christian Depardieu, rédacteur en Chef de performArts