Maxime Chattam nous propose un diptyque où le Temps est au centre de tout, deux histoires sombres pour sonder les abysses des hommes, deux histoires que Nice Premium vous fait partager.
Le 20ème siècle en est à son commencement, Paris grouille d’activités, l’Exposition Universelle est prête à ouvrir ses portes, l’aube d’une révolution industrielle est devant nous.
Dans cette atmosphère de découvertes, d’inventions, de progrès, Guy de Timée va plonger dans les abysses du Mal. Ayant fui une vie qui ne lui correspondait plus, il trouve refuge au Boudoir de Soi, un lupanar stricte mais chaleureux.
C’est devant ce lieu qu’il va rencontrer pour la première fois, la face sombre du monde. Une courtisane du Boudoir, Milaine, est retrouvée sauvagement assassinée, suant du sang et les yeux entièrement noirs. Il n’en faut pas plus à notre écrivain en mal d’inspiration pour se lancer dans cette enquête, qu’il sent décisive pour sa vie. Avec l’aide de Faustine, prostituée sublime aux yeux bleu et au pouvoir ensorcelants, et Martial Perotti, un jeune inspecteur amoureux de Milaine, Guy entrera dans un monde nouveau, sanglant et dangereux.
Pour cette nouvelle histoire, Maxime Chattam nous entraîne dans le Paris de 1900, dans cette richesse d’un monde où tout est encore à faire, il est très agréable mais aussi très énigmatique de situer le récit au moment de l’Exposition Universelle. L’auteur en décrit une bonne partie et l’on sent que ça a été un événement incroyable, riche, bouleversant. On passe d’un pavillon à l’autre, d’une nouveauté à l’autre, des choses qui nous sont aujourd’hui si familières… c’est très intéressant d’avoir ancrée une histoire policière dans ce contexte là, sans toutes les nouvelles technologies, les empreintes, l’ADN, très audacieux. A cette époque, on ne se fie qu’aux preuves et aux déductions. D’ailleurs on sent, chez le personnage de Guy, les prémices du profilage. Ça donne tout un aspect à ce thriller vraiment passionnant et terriblement bien raconté.
Le livre est écrit à la troisième personne avec un narrateur omniscient, contrairement à ce que peuvent laisser présager les premières pages du livre. Le récit est assez sombre mais ses personnages en sont la colonne vertébrale. On s’attache à Guy, à Faustine, à Martial mais également aux personnages secondaires comme Julie, Gikaiko ou Hencks, le chasseur.
On cherche avec le trio jusqu’à la fin qui peut être Hubris, ce terrible assassin qui tue femmes, hommes et adolescents sans distinction, qui met en scène de façons effroyables ses crimes. Le suspense est continu et même si l’année de l’histoire peut déstabiliser légèrement au départ, on se fait vite à cette vie de fiacres et sans téléphone !
Mais malgré ses points forts, Léviatemps souffre de certaines lacunes. Le roman est parfois trop bavard, le héros n’a jamais tort et ses déductions sont parfaites à tous les coups.
La fin est surprenante mais peu crédible. On peut regretter l’absence de vérification, de confirmation des suppositions de Guy, l’histoire d’Hubris s’enfonce dans les limbes en laissant le lecteur inassouvi.
[Spoiler : et puis deux tueurs, c’est bien trop pour un seul livre, c’est improbable. On se demande si l’auteur a trop voulu en faire ou si son désir était d’intégrer plus de morbide à une histoire qui en possédait déjà suffisamment…]
Aux lecteurs que Léviatemps a déçu, ne perdez pas une seconde et plongez-vous dans Le requiem des abysses !
Cette seconde partie reprend à l’endroit exact où l’on avait laissé Guy et Faustine, en exil, dans la campagne française de 1900, au cœur du Vexin, région naturelle située entre les Yvelines et la Haute-Normandie. Ils tentent de s’y reconstruire, d’y panser leurs plaies quand une adolescente d’un hameau voisin est portée disparue. La nuit suivante, toute sa famille est sauvagement assassinée.
L’horreur recommence. Un nouveau prédateur apporte le chaos sur terre.
Et Guy ne peut évidemment pas rester sans s’impliquer, sans tenter d’aider les gendarmes du coin, dépassés par cette violence.
Le Requiem des Abysses commence comme un thriller classique, l’enquête y est menée tambour battant, le suspense croît à mesure que l’intrigue s’installe. Les suspects défilent, l’atmosphère des campagnes françaises du début du 20ème siècles s’alourdit. Des terreurs ancestrales remontent.
Les crimes sont sordides et relativement bien décrits, c’est beaucoup plus glauque que dans Léviatemps, le sadisme y est plus présent.
La moitié du livre passée, subitement, le roman prend un virage à 180°. Le Requiem des Abysses ouvre une seconde intrigue. Maxime Chattam offre au lecteur deux histoires dans une pouvant presque faire de ce diptyque, une trilogie…
L’histoire entière est très intense, poussant les héros dans leurs derniers retranchements. Un événement fera basculer Guy à la rencontre de ses abysses. Guy veut d’ailleurs trop en faire, il est sur tous les fronts, perdant un peu de crédibilité, mais se remet progressivement en cause.
Le Requiem des Abysses cache une œuvre bien plus complexe qu’il n’y paraît et là où Léviatemps avait déçu, ce second opus le surpasse pour offrir un final grandiose.
Ce diptyque sur le Temps se révèle dans Le Requiem des Abysses, on en prend toute la mesure, Léviatemps ne nous avait pas fourni toutes les réponses, Le Requiem des Abysses comble ces lacunes dépassant les attentes.
Quant à l’épitaphe qui conclut l’histoire de Guy, elle ne peut que laisser songeur quant aux similitudes du temps qui passe et qui somme toute ne fait que se reproduire ; la fin d’un siècle, le début d’un autre, tout recommence, le monde bouge mais n’avance pas. Un diptyque historique et effrayant, à la conclusion très forte, où Maxime Chattam nous montre un nouveau talent, celui de ressusciter le passé…