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22 novembre 2024

confidences dérangeantes d’un homme d’église

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Confidences_derangeantes-3-2.jpg A l’ultime instant de son agonie, la petite histoire rapporte que Charles de Montesquieu, auquel un prélat tentait d’arracher une adhésion au christianisme avec force invocations et menaces, aurait soupiré : « Dieu est grand mais les hommes sont petits » . Une semblable conclusion doit effleurer le jeune Père William Nasarre lorsqu’il vient annoncer à son évêque sa décision, trois ans après son ordination, de « quitter son ministère ». Il s’en explique dans ses « confidences » dérangeantes d’un homme d’église ». Des confidences, pas des confessions.

La grâce, il prétend l’avoir reçue à l’âge de huit ans lorsqu’il assiste à son premier office : la « magie » des ors liturgiques de l’église opère en lui une première transformation. Le rituel œuvre ex opere operato, c’est-à-dire par sa mise en œuvre même. Encore la théologie chrétienne exige-t-elle une double condition pour y parvenir : que le ministre effectue le rite selon l’intention de la communauté croyante et que le fidèle y participe en esprit de foi. L’ouvrage nous raconte comment les affres du premier sont venues à bout du second.
La « magie » dont William Nasarre admet qu’elle reste « éloignée des mystères de la foi », abâtardit ce rite, lui ôte en quelque sorte sa charge symbolique et sa force productive. Dans ses souvenirs, le futur prélat puise de nombreux éléments qui contribuent, certes dans l’après-coup, à instaurer le doute sur sa vocation ecclésiastique. Garçon « sensible et émotif », « parcouru d’aspirations qui ne trouvaient toujours à s’exprimer », le jeune William reconnaît « l’intimidation » causée par un père qu’il se plaît à « remplacer par Dieu » et avoue le conformisme social dans sa fréquentation d’une jeune fille. Bref, il réunit tous les ingrédients d’un lien névrotique de culpabilité à la religion tels qu’ils sont si finement décrits par le Père jésuite et psychanalyste Antoine Vergote, référence en la matière et figure autrement reconnue que celle de son collègue Tony Anatrella récupéré par le Vatican. Des cinq années de séminaire, l’auteur ne nous livre malheureusement que les aspects les plus anecdotiques : l’omniprésence d’une sexualité hétéro ou homosexuelle pas toujours sublimée, les blagues grivoises après le souper et les surnoms, pas vraiment chrétiens on en conviendra, dont sont affublés séminaristes et Pères enseignants. On est loin des infinies précautions du Vade Mecum à l’usage des prêtres, rassemblées par l’ethnologue Pascal Dibié dans sa « tribu sacrée » (Editions Métailié 2004) avec un principe essentiel posé par les Pères de l’église : tout ce qui est au-delà de la nécessité « vient du Démon ».

Son récit nous éclaire davantage sur l’intérêt prononcé de la hiérarchie catholique pour les pulsions de ses novices. Une impitoyable traque sur fond de terrorisme intellectuel et de perversion si on en croit l’auteur. William Nasarre quitte le service de Dieu par amour d’une créature terrestre. Homme ou femme peu importe. Sauf pour l’Evêque de Bayonne lequel s’acharne à découvrir l’orientation sexuelle de son séminariste probablement pour tenir à jour les statistiques de la Curie. Car si telle est bien l’église que nous décrit de l’intérieur l’ancien prélat, on comprend mieux la chute des vocations : 200 novices dans les périodes fastes de ce diocèse, moins d’une trentaine lorsque William Nasarre y accomplit sa formation. L’indépendance n’est pas permise : critiquer le christianisme, certes, mais le contester est impossible, lui dictait-on déjà au séminaire.

La mort de sa mère puis son accession à la prêtrise seront vécues comme autant de passages qui achèveront sa maturation. L’homme d’église sera homme avant tout. La question du célibat sera, si l’on ose dire, au cœur de son divorce avec l’église. Et plus généralement celle de la sexualité des prêtres dont il rappelle qu’elle fut autorisée dans les premiers temps de la chrétienté. Séminaire ou psychanalyse ? En terminant son ouvrage par une vive critique de l’instruction papale concernant les vocations de prêtres aux « tendances homosexuelles », William Nasarre semble vouloir « consacrer » un hymne qu’il dédie à une liberté retrouvée. Une mort et une résurrection. Mais celle d’un homme cette fois-ci.

William Nasarre, Confidences dérangeantes d’un homme d’église, Editions Jean-Claude Gawsewitch, 2006, 221 p., 17,90 Euros.

Jean-Luc Vannier

Jlvannier@free.fr Tel: 06 16 52 55 20

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