Le 11 septembre dernier, Nicolas Sarkozy remettait des médailles d’honneur aux pompiers New-Yorkais. Cette visite a été perçue par de nombreux pompiers tricolores comme un décalage avec ce qui se passe en France. Car cela fait bientôt deux semaines que les camions rouges se sont recouverts d’inscriptions blanches où l’on peut lire : « en grève ». Le mouvement est suivi par 90% du personnel Niçois.
L’élément qui a mis le feu aux poudres dans les casernes est un décret datant du 1er août dernier. Ce jour là, la bonification de 16 points d’indice (environ 72 euros par mois) dont les pompiers chefs d’équipe, d’agrès ou de groupes, devaient bénéficier, a été supprimée. Et les adjudants-chefs qui bénéficiaient déjà de cette bonification depuis 1991 se la voient du même coup retirer. « Cette situation est vécue comme une injustice », explique le Colonel Yves Cavalier de la caserne de Magnan à Nice. » Cette prime a été appliquée à toute la fonction publique territoriale et elle a été retirée seulement aux pompiers. C’est comme si on vous donnait quelque chose que l’on vous reprenait aussitôt : leur mécontentement est légitime ».
C’est sous le poids des présidents des services départementaux que la bonification a été supprimée : ils n’auraient pas les moyens de financer cette prime.
« Notre profession a un régime spécifique budgétaire, alors c’est vrai qu’on touche déjà des primes liées à la fonction. Mais il ne faut pas se méprendre : les salaires sont bas, confie un sapeur-pompier. Personnellement, ce n’est pas de l’argent que je demande mais de la reconnaissance ». Le mot est dit. Le manque de reconnaissance est le sentiment le plus exprimé par les pompiers. « Une reconnaissance qu’on a déjà dans les textes puisqu’on est reconnu comme exerçant un métier à risques, explique un sapeur. Seulement, ces textes ne sont pas reliés à des choses concrètes : mon salaire n’a pas augmenté, je n’ai pas l’assurance de ce que je deviendrai si je me blesse en travaillant. Les blessés sont très mal accompagnés, quand l’administration veut bien reconnaître leurs blessures. En plus, on a les inconvénients qui vont avec le statut de métier dangereux : les mutuelles et les assurances-vie augmentent, les crédits sont plus difficilement acceptés ».
La dangerosité, voire la pénibilité du métier comme le soulignent certains, est le véritable fond du problème. Depuis 1999, la question de la retraite à taux plein dès 55 ans reste en suspens. Les syndicats dénoncent le blocage des discussions. « Aujourd’hui, un pompier de 25 ans devra partir à la retraite à 65 ans, constate un sapeur. Pas besoin de vous dire qu’à cet âge-là, on a moins la forme physique. Certains dits « inaptes » au travail sont reclassés dans des bureaux. Pour un homme qui a donné 30 ans de sa vie pour sauver d’autres vies, c’est très dur d’être foutu à la casse. »
Pour André Gorreti, président fédéral de la Fédération Autonome (syndicat majoritaire dans les A-M), « cette histoire d’indice est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ». La grève reste pourtant symbolique, tous continuent à assurer leurs missions. « Ce sont des fonctionnaires responsables », assure le Colonel Yves Cavalier. A l’appel de plusieurs syndicats, une manifestation nationale est prévue à Paris le 25 septembre tandis que se tiendra le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. C’est lui qui décide de valider ou non les textes concernant les pompiers. Le lendemain aura lieu la Conférence nationale des services d’incendies et de secours. Les syndicats comptent sur leur manifestation pour « mettre un coup de pression » sur ces réunions.
» Aux yeux de tous, nous sommes des héros, des guerriers pouvant tout encaisser; pourtant, nous avons aussi nos propres limites. Nous ne sommes pas des gueulards, mais des hommes à qui on n’a pas tenu des promesses », déplore l’un de ces guerriers.