Paul, interprété par Romain Duris, toujours habité, ne va pas bien. Au fil des scènes, des informations sont distillées en désordre sur son état dépressif qui l’oblige à revenir vivre, à trente ans passés, avec son père et son frère. Une rupture longue et douloureuse avec une femme qui lui a donné un enfant. Il s’agit sans doute des séquences les plus prenantes du film. Paul doit faire face au délitement progressif des sentiments, aux explications cruelles mais inévitables avec Alice. Le parti pris du réalisateur rend parfaitement compte de l’égarement de Paul. Les souvenirs heureux se mêlent aux plus douloureux. L’histoire n’est pas chronologique. Elle suit plutôt le cheminement intérieur de Paul, qui passe également par ses relations avec son père, excellent Guy Marchand, et son frère, Jonathan.
Interprété par un Louis Garrel enjoué, cet adolescent volage est le contraire de Paul. Jouissant de la vie et de ses rencontres impromptues, Jonathan ne se pose pas de questions et tente d’amener son frère dans cet univers joyeux et indolore. Il passe une bonne partie du film à convaincre son grand frère, vivant en ermite dans une petite chambre, de se rendre avec lui au Bon Marché. Au départ, Jonathan apparaît comme le versant léger du film. Mais petit à petit, il gagne en profondeur. Il ira jusqu’à sauter d’un pont, imitant le geste de Paul, pour mieux le comprendre.
Secrets de famille
Le film explore aussi les relations que peuvent entretenir les différents membres d’une famille. Autant de personnalités, autant de secrets et d’anecdotes à partager. Mais il en est un qui surpasse les autres : le suicide de la sœur à 17 ans. Comme dans de nombreuses familles dans ce cas là, le sujet n’est pas vraiment tabou, mais personne n’en parle. Les parents semblent avoir oublié, les enfants s’interrogent. Plutôt que d’en parler pour tenter de comprendre le mal-être de son fils, le père est pragmatique. Il veut le sortir de la maison, l’obliger à manger pour lui redonner goût à la vie. A côté de la plaque. Finalement, Paul sort peu à peu de sa torpeur en parlant à son père de sa sœur et de son saut du haut d’un pont en forme de SOS. Seule sa relation avec Alice reste dans l’ombre. Comme si il fallait la protéger, malgré la rupture.
Sur des sujets sombres comme la dépression et le suicide d’un membre de sa famille, on se serait attendu à une mise en scène sobre et sans grande originalité. Pourtant, c’est tout le contraire. La bande son jazzy, les dialogues tantôt comiques tantôt graves, et autres originalités comme la salle prise à partie dès le début du film par Jonathan. Tout concourt à surprendre le spectateur. Dans son genre, le cinéma d’auteur, Dans Paris est une réussite. Jamais ennuyeux ou incompréhensible, ce film drôle et nostalgique gagne à être connu.