De tous temps et sous tous les cieux, les hommes politiques, que les circonstances électorales positionnent à l’opposition se doiventt d’effacer la mémoire de ce qu’ils auraient pu, ou aurait du, faire quand ils étaient au pouvoir et, donc, de critiquer sans répit leurs adversaires qui, eux, sont temporairement au pouvoir. C’est la logique politique que tout le monde applique alternativement.
On peut compter sur l’indéfectible ténacité de Christian Estrosi pour accomplir cette tâche sans perdre la moindre occasion, surtout que le thème du matraquage fiscal est l’un de ses préférés.
Mais, la référence théorique à laquelle le maire de Nice fait souvent appel, demande toutefois quelques précisions. En fait, la courbe de Laffer n’a jamais dépassé le stade de l’idée « belle à écouter » (« Nice sound » disent les anglophones) sans jamais acquérir les titres de noblesse de la dignité académique. .
Si personne ne nie qu’un taux d’imposition de 100 % réduirait les recettes de l’État à peau de chagrin, l’évolution de la relation aux alentours du taux d’imposition optimal est remise en question.
Les économistes critiques, comme le Prix Nobel Joseph E. Stiglitz (Que le président Sarkozy nomma en 2008 à la tête de la commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social), reprochent à Laffer d’avoir présenté une courbe dont la forme est en fait inconnue, sans études empiriques spécifiques pour en déterminer les points notables et particulièrement celui du taux d’imposition optimal.
En fait, malgré son attrait (Payer le moins d’impôts possible est le rêve de tout contribuable), un cadre théorique fait défaut à la courbe de Laffer pour structurer des applications concluantes et bienréelles!
Sauf une, peut-être, en 1981, quand le conseiller de Ronald Reagan, Laffer, le pousse a réduire fortement les prélèvements obligatoires. Pourtant, le résultat est décevant : Les rentrées fiscales annoncées ne sont pas au rendez-vous et le déficit explose.
George Bush (père) qui succéda à Reagan mit fin à son application et l’appela même une théorie « vaudou ». En fait, le seul effet sensible fut une importante diminution des impôts pour les catégories les plus favorisés. Certain lui imputent la responsabilité d’avoir fait naître les inégalités sociales.
Le maire de Nice dans sa croisade anti-gouvernementale devrait y réfléchir : Quelques slogans (On pourrait ajouter dans le même répertoire : « les hauts taux tuent les totaux ») satisfont les convaincus de son bord mais vont-ils au delà ?
Et, pour être encore plus précis, il n’a pas fallu attendre Arthur Laffer pour avancer le principe qu’il vaut mieux que « beaucoup payent peu plutôt que peu payent beaucoup », pour simplifier a minima l’idée de base de l’américain.
On pourrait se rappeler que, déjà au 14ème siècle, le philosophe musulman Ibn Khaldun, écrit dans son livre « Al Muqaddimah » : « Il est de notre devoir de dire qu’au début de la dynastie, l’impôt était riche de petites impositions alors qu’à la fin de la dynastie l’impôt était pauvre malgré des fortes impositions ».
Tous les experts conviennent qu’une politique fiscale doit répondre à trois critères : équitable, facile à comprendre et réalisant un maximum de recettes. Malheureusement, personne à ce jour n’a encore trouvé la formule magique pour l’appliquer.
Peut-être, qu’un jour le Saint-Esprit nous viendra en secours mais, dans cette attente, il serait bien de remettre la courbe de Laffer à sa place, dans la naphtaline.