Nice-Première : Il y a un an : la crise des banlieues. Avec le recul, quelles analyses faites-vous ? Quelles en étaient les causes ? Comment remédier au mal être et au mal vivre dans les banlieues ?
Sébastien Franco : La crise des banlieues est avant tout le résultat et le symbole de la politique catastrophique et inefficace de Sarkozy. Nous avons d’ailleurs rebaptisé sa nouvelle loi de « loi pour la provocation de la délinquance ». 15% d’augmentation des violences faites contre les personnes depuis 2002. Sa politique spectacle n’a aucun effet positif. Au contraire, les causes que sont la détresse sociale, la précarité, l’échec scolaire, la ghettoïsation et la discrimination des jeunes vivant dans ces quartiers sont aggravées par la stigmatisation exercée par le Ministre de l’intérieur/Président de l’UMP/Président du Conseil Général des Hauts de Seine/Candidat à l’élection présidentielle.
Pour remédier au mal vivre dans les banlieues, il faut s’attaquer directement à ces causes. En opposition au projet de loi Sarkozy, nous proposons la « prévention-répression-réparation/réinsertion. Toute une série de mesures peuvent être envisagées. Par exemple, le retour de la police de proximité me semble indispensable d’autant qu’elle commençait à porter ses fruits. Pour combattre les discriminations, une brigade spéciale doit être créée au sein de la police nationale. Dans les établissements scolaires, ce sont des adultes qu’il faut et pas des policiers comme l’envisage la droite. Surtout, il faut une vraie politique de mixité sociale et revoir la loi SRU pour qu’elle soit plus contraignante. La lutte contre la ghettoïsation passe par là.
Romain Mouton: Sébastien, tu es vraiment mal placé pour donner des leçons sur la sécurité quand entre 1998 et 2002, lorsque la gauche était au pouvoir, la délinquance a augmenté de 14,5 % et qu’en 2001 la France a dépassé le seuil des 4 millions de faits constatés. Faut-il rappeler qu’entre 2002 et 2005 la délinquance a baissé de 8,8% et que depuis que Nicolas SARKOZY est Ministre de l’Intérieur il y a eu un 1 million de victimes en moins ? L’angélisme de la Gauche et sa permissivité ont déçu les français sanctionnant la Gauche en l’écartant du 2ème tour de la présidentielle. Rappelle moi qui a bien mis en place la police de proximité ? Et qui lui a enlevé ses missions d’investigation, d’enquête et d’interpellation ?
Sébastien Franco: C’est bien dommage que tu utilises des réponses toutes faites sans vraiment lire ce que je dis. Et non il n’y a pas d’angélisme dans ce que j’ai dit! Ne ressors pas maladroitement les fiches de la présidentielle de 2002 que tes copains ont dû te donner.
D’autant que les obligations de faire du « chiffre » dans les commissariats rendent de plus en plus difficiles le dépôt d’une simple plainte. Est-ce de cette manière que tu conçois la lutte contre l’insécurité? Par un habile mais dangereux trafic de chiffres?
A gauche, nous avons bien conscience que ce problème de société est grave surtout quand la droite n’hésite pas à l’instrumentaliser afin de stigmatiser une population qu’elle a déjà mis en souffrance.
Romain Mouton : La France est à bout de souffle. Elle a mal à ses banlieues, à ses quartiers sensibles et à toutes ses zones où leurs habitants sont laissés sur le côté. Nous devons renouer un pacte social basé sur des valeurs saines : le travail, le mérite et le respect. Ainsi, Nicolas Sarkozy a proposé deux mesures phares : la discrimination positive afin de donner plus à ceux qui ont moins et l’immigration choisie plutôt que subie. J’ajoute que la loi sur la prévention de la délinquance permettra également d’assurer la sécurité aux français. L’Etat doit garantir à chacun et à chacune la possibilité de vivre sereinement.
Sébastien Franco : Tu parles de la dernière loi de Sarkozy. Quand aura-t-il le courage de dire la vérité aux Français sur son bilan et d’assumer les 15% d’augmentation de la délinquance sur les personnes depuis 2002 et l’échec du retrait de la police de proximité? La discrimination positive, c’est séparer chaque communauté et opposer leurs membres entre eux. C’est abandonner l’idéal d’égalité républicaine et déléguer la justice sociale aux communautés. Qu’adviendra-t-il des métisses ?
Romain Mouton : Nicolas Sarkozy a récupéré un Ministère de l’Intérieur qui préférait, avec les socialistes, les paroles aux actes et qui accusait les français de vivre dans un sentiment d’insécurité plutôt que dans une insécurité réelle. Depuis 2002, les chiffres sont remarquablement en nette amélioration. Les français en ont conscience et souhaitent désormais que le Ministre d’Etat puisse engager des vraies réformes complètes, touchant à tous les domaines de la société. La discrimination positive consiste à donner plus à ceux qui ont moins. Elle est source de mobilité sociale et de promotion du mérite dans des quartiers où l’espoir n’existe plus. Nous luttons contre toutes les formes de communautarismes qui nuisent à l’unité de notre République.
Nice-Première : Remontons au printemps avec le CPE. Est-ce une victoire de la gauche et une défaite du gouvernement ?
Romain : Ni l’une, ni l’autre. C’est plutôt un échec du dialogue social. Je pense qu’il faut encourager les salariés et les patrons à se syndiquer et ensuite engager des discussions efficaces avec les partenaires sociaux. Il faut constater, dialoguer puis décider.
Sébastien : Considères-tu donc toujours qu’il ne s’agit que d’un problème de forme? Comment peux-tu rester sourd au rejet de l’ultra-libéralisme exprimé par la jeunesse l’hiver dernier, un rejet qui faisait écho au 29 mai ?
Romain : La minorité agitée de l’hiver dernier ne représente en aucun cas la majorité silencieuse des jeunes qui travaillent, qui sont lycéens ou étudiants et qui n’ont comme souci que d’obtenir leur diplôme afin de trouver un travail. La majorité des jeunes a compris que l’on ne peut réussir sa vie qu’en travaillant. La réussite, ça se mérite !
Sébastien : Ce mouvement était un grand moment de respiration démocratique dont le souffle etait inspiré par la jeunesse. Il faut se souvenir que ce sont les organisations de jeunesses politiques comme le MJS ou la JC mais également syndicales avec l’UNEF ou les jeunes CGT et associatives qui se sont mobilisées et ont entrainé avec elles les étudiants, lycéens, jeunes travailleurs ou à la recherche de leur premier emploi… Alors bien sur, la proximité des Présidentielles a donné un vrai enjeu à ce bras de fer et le jusqu’au boutisme du gouvernement aura montré la dureté de cette droite décomplexée qui mène depuis 2002 une véritable guerre à sa jeunesse et qui essaye de la rendre servile. D’ailleurs, si on considère qu’il s’agit d’une défaite du gouvernement, c’est avant tout à cause de son attitude et de cette volonté pendant 3 mois de rester sourd aux appels lancés par les jeunes. Par ailleurs, je n’oublie pas qu’il s’agit du gouvernement dans son intégralité qui est en cause puisque le CPE figurait dans le programme de l’UMP.
Romain : Sébastien, le problème de la gauche est de toujours vouloir instrumentaliser les jeunes plutôt que de les faire réfléchir sur les vrais enjeux. La Gauche manipule la jeunesse sans rentrer dans le fond du débat. C’est regrettable.
Sébastien : J’espère que tu ne considères pas que la jeunesse est constituée de personnes écervelées qui ont besoin de quelques organisations de gauche pour descendre en manif, se mettre en grève, se réunir pour s’organiser. Car si tu penses cela, je tiens à te dire que ça ne se passe pas comme ça.
Si tu penses que faire de la politique, militer, discuter, convaincre les jeunes, ça consiste à les instrumentaliser, je trouve que tu as une vision négative de ta passion. D’ailleurs, comment expliquer, dans ce cas, que tu aies toi-même changé d’avis sur le CPE comme on peut le voir sur ton blog. Je me refuse de penser que j’aurais pu te manipuler.
Nice-Première : Cette crise a mis en avant les craintes de la jeunesse. Ils ont besoin de savoir pourquoi ils étudient, être rassurés de l’utilité de s’asseoir sur les bancs du lycée. Quelles sont vos idées pour baisser le chômage jeune sans pour autant rajouter la précarité à la précarité ?
Sébastien : « Défendons notre droit à l’avenir » était l’un de nos slogans durant cette période. Aujourd’hui, il y a un vrai malaise dans la jeunesse et de réelles inquiétudes pour son avenir. Nous sommes la première génération à vivre moins bien que ses propres parents. Et la jeunesse ne supporte plus cette précarité promise à la sortie des études. Il faut mettre la jeunesse en sécurité sociale avec une allocation d’autonomie pour tous les jeunes en formation et en insertion. Il s’agit d’une aide unique, universelle et juste. Cette allocation d’autonomie devra s’articuler autour d’autres dispositifs: aide et accompagnement à la recherche du premier emploi, réduction de la précarité des emplois, réforme de la formation continue pour assurer une meilleure formation des jeunes dans l’entreprise, encadrement des stages, etc…En somme, une vraie politique volontariste.
Romain : Assister les jeunes, c’est ça le volontarisme de la Gauche ?! Les jeunes ne sont même pas encore des travailleurs qu’ils sont déjà assistés par la société. J’ai déjà exprimé mes souhaits en ce domaine. Sébastien, comment la Gauche finance les milliards d’euros que couteraient cette nouvelle allocation ? Pourquoi rester sourd aux attentes des français qui ne supportent plus la pression fiscale ? Comment la Gauche peut éduquer une société par l’assistance ?
Sébastien : Tu as le droit de considérer qu’il s’agit de l’assistanat. Tu as dans ce cas le devoir d’assumer d’avoir un programme ultra-libéral et de l’expliquer clairement aux gens au lieu de se réfugier derrière un pseudo pragmatisme à 2 francs.
La moitié du financement de l’allocation d’autonomie, telle que nous la voyons, sera financée par la suppression de la demi part fiscale pour les enfants majeurs. Chaque jeune remplira sa propre déclaration d’impôt. Les familles seront libres de récupérer l’équivalent de leur demi part fiscale si elles déclarent donner cette somme à leurs enfants. Ces derniers déclarent la même chose de leur côté. Pour les familles qui n’ont pas les moyens et qui sont non imposables, cela ne change rien sauf pour les jeunes qui n’auront plus à aller travailler pour financer leurs études.
Quant à la pression fiscale que les Français, selon toi, ne supporteraient plus, il s’agit plus de sa forme inégalitaire qui est contestée avec notamment la baisse de l’impôt sur le revenu pour les classes les plus riches depuis 2002.
Romain : Pour baisser le chômage chez les jeunes, il est capital d’adapter les formations au marché du travail. Que penser de toutes ces formations qui n’aboutissent à rien ? Pensez-vous que les milliers étudiants en psycho finiront psychologues ? Certainement pas ! Il faut orienter les jeunes vers les filières d’avenir, revaloriser les filières professionnelles et techniques et décloisonner le monde éducatif et le monde du travail.
Sébastien : Décloisonner le monde éducatif et le monde du travail, ça veut dire quoi ? Restreindre les formations universitaires aux besoins industriels immédiats, enfermant ainsi les étudiants sur un bassin d’emploi ? N’est-ce pas dans l’accompagnement matériel et social des diplômés lors de leur insertion sur le marché de l’emploi que réside plutôt la solution ?
Romain : Là est notre différence : je considère qu’il faut accompagner le jeune en l’incitant à l’autonomie grâce au travail tandis que toi et la gauche, vous préférez accompagner en assistant ce qui augmente les impôts des français !
Nice-Première : Cette crise a montré qu’il était difficile de réformer le code du travail. Peut-on et comment en France se risquer à changer les choses ?
Romain : Les Français ne redoutent pas le changement, ils l’attendent. Tout est question de méthode. Il faut savoir constater un problème, dialoguer avec les partenaires sociaux pour trouver une solution pour enfin décider d’une mesure. Pour cela, les partenaires sociaux doivent être le plus représentatif. C’est pourquoi, je suis pour la syndicalisation massive des salariés.
Sébastien : Pour le coup, je suis plutôt d’accord avec toi, c’est d’ailleurs un des points clés du projet socialiste. Comment expliques-tu par ailleurs que ton camp au gouvernement méprise si souvent la parole des syndicats.
Romain : Il n’y a pas de mépris. Le Président de la République a réaffirmé sa volonté de renforcer le dialogue social. Il ne faut pas confondre les syndicats qui proposent et qui construisent à ceux qui détruisent et se préoccupent plutôt de leur score aux élections syndicales.
Sébastien : Cette question sous-entendrait, sous couvert de pragmatisme, que l’on ne pourrait pas réaliser de réformes en France. Ce qui est absolument faux. Quand un gouvernement tente de précariser la jeunesse sans la consulter un seul instant comme ça s’est passé pour le CPE, c’est sûr que ça se passe mal! Sur cette affaire, il s’agissait de favoriser les employeurs sans aucune contre partie pour les futurs employés. On ne peut pas faire la politique sans discussion, sans écouter. La gauche doit montrer sa différence également sur la méthode qu’elle emploie pour ses réformes.
Romain : Tu ne réponds pas à la question. Justement, quelle est la méthode de la Gauche ? Que propose la Gauche pour changer la France ? Quel est ton modèle de société idéale ?
Sébastien : La gauche, elle, défend la démocratie comme valeur fondamentale. La démocratie, bien sûr, c’est le Parlement et la Gauche, comme elle l’a fait sous le Gouvernement Jospin, n’utilisera pas le 49-3 et respectera le travail des Députés. C’est déjà un grand changement.
Mais la démocratie c’est aussi la démocratie sociale et le dialogue permanent avec les syndicats et les associations. Tu sais, les associations que la Droite méprise et tue à petit feu en coupant leur financement et, dernier scandale en date, en les forçant à payer quand elles apparaissent sur la voie publique. Rien ne sera fait sans ce dialogue permanant. C’est d’ailleurs pour cela que le MJS a fait intégrer dans le projet des socialistes la tenue d’une conférence annuelle sur les salaires.
La volonté politique, c’est donner les directions à suivre. Le courage politique, c’est de faire avec les citoyens et pas avec les copains.