Cela faisait quelques semaines maintenant que le tueur n’avait donné aucun signe de vie, ou plutôt de mort, pensait Fred. Il avait rendez-vous, à midi pour déjeuner avec Mme Graglia chez Daniel. En effet, elle lui avait demandé quelques renseignements complémentaires – il lui avait même envoyé les confidentiels – car elle avait une idée derrière la tête… Elle l’avait appelé, hier, pour lui dire qu’elle souhaitait lui parler car elle avait une piste à lui soumettre. Fred trouva qu’un déjeuner au Fran Calin était de toute façon, un moment privilégié, pour échanger sur l’affaire en cours, et se régaler par la même occasion.
« Vélou, il est là ! » s’exclama Daniel du fond de sa cuisine alors que Renée gratifia Fred d’une « baieta » bien locale.
« Vous avez l’air bien fatigué Monsieur Ségur. Il faut vous reposer pour avoir les idées les plus claires possibles. » Conseilla avec sagesse cette ancienne professeur.
« Vous avez raison Renée, vous avez pas vu la tête de poulpe qu’il a, et même pas l’œil frais, en plus… », Plaisanta Daniel repris immédiatement de volée par Elvira qui le renvoya en cuisine avec deux bons sur le passe.
« Inspecteur, je voulais vous voir car je suis à peu près certaine que le tueur est un cuisinier, ou quelqu’un qui est un professionnel des métiers de bouche. Regardez cette photo, Latour est ficelé comme une paupiette ou un rôti. C’est assez grossier, mais on voit bien la manière de ficeler d’une personne qui connait le métier. Et puis, regardez aussi les légumes utilisés pour Ramage. Bien taillés, les artichauts bien tournés… C’est un travail de pro ! » Expliqua Mme Graglia à un Fred qui n’en croyait pas ses yeux et ses oreilles.
Quatre flics, trois experts et quelques autres fonctionnaire de police, et ce « détail » avait échappé à tout le monde. « Mme Graglia… » Essaya Fred. « Renée, mon cher Fred, Renée… » Insista la Présidente en prenant la main du policier.
« Renée, merci de votre aide, personne chez nous n’y avait pensé. Cela va nous aider dans nos recherches, c’est certain. » Termina Fred en appréciant à sa juste valeur l’attention amicale et bienfaisante.
« Ha, j’ai aussi une surprise pour toi. Ferme les yeux Fred» ordonna Daniel à son ami qui s’exécuta aussitôt.
« Allez, tu peux les ouvrir, pailhassou… » . Hurla presque Daniel.
« Hooooo, p…. Mais, c’est pas vrai, Francky… » S’exclama Fred en prenant dans ses bras son ami.
« Comment tu vas beù, ça fait un moment ! Suis content de te voir, vieille branche ? » Demanda Franck, ami de rugby de la bande, un vieil et bon ami.
« Tu vas rire Fred, tu sais quoi. Franck vient tout juste de gagner l’édition niçoise de « Un dîner presque parfait », et déconne pas, dis rien sinon il ne va pas toucher ses 1000 boules. » S’exclama tellement fort Daniel qu’on aurait pu l’entendre de la place Rossetti.
« C’est excellent ça Franck. Et on peut le voir quand ? » Demanda Fred.
« Dans deux semaines, je crois. Et tu sais quoi, j’ai utilisé son fameux pan bagnat sucré en dessert, je crois même que c’est ça qui m’a fait gagner. » Expliqua Franck.
« Et attends, c’est pas terminé, Monsieur est aussi sur la liste du Maire pour les prochaines municipales. On va devoir l’appeler Monsieur l’Adjoint maintenant… » Plaisanta à nouveau Daniel qui colla une tape appuyée dans le dos de Franck, ce qui le fit sursauter.
La fin de repas fut des plus agréables et le plus dur, pour Fred, fut de quitter tout ce beau monde pour revenir au commissariat.
Avant de partir, Fred téléphona à Céline pour s’assurer que tout le monde était bien au commissariat et il lui demanda de prévoir une réunion dès son arrivée en lui expliquant brièvement la découverte. Juste le temps d’arriver au QG et l’équipe au complet était dans la grande salle de réunion du premier. Fred entra et se dévêtit. Chacun était installé en face et l’espace d’un instant, il était professeur.
« Je viens de rencontrer Mme Graglia et j’ai du nouveau. La technique utilisée pour ligoter Latour est une technique utilisée dans le monde de la cuisine, de la boucherie et de la charcuterie. Notre tueur possède donc de bonnes connaissances dans l’un de ces domaines, développa Fred. Ne me demandez pas pourquoi nous n’y avons pas pensé… »
« Peut-être parce qu’on n’est pas charcutiers » crut drôle de dire Jeff qui se ravisa en voyant la tête de son patron.
« Certes, mais essayons de ne plus passer à côté de ce genre d’indices.». Termina Fred.
« C’est, en effet, un élément important, merci Fred » Dit posément Marine en entrant ces informations dans sa tablette.
« Ce qui doit nous interpeller à présent, c’est qu’il ne soit pas intervenu depuis presque trois semaines. Ce qui veut dire que, soit il a disparu, parti ou mort, soit qu’un meurtre peut avoir lieu au moment même où nous discutons. » Souligna Nicolas, le chef des experts, qui ne pensait pas que le tueur se soit arrêté définitivement.
« Réjouissons-nous, au moins, qu’il n’y ait pas eu encore d’autres victime » lâcha Fred qui commençait à avoir du mal à le supporter.
« Oui, bien sûr Fred » acquiesça le patron parisien qui ne voulait surtout pas se faire de Fred un ennemi.
La réunion se termina et chacun regagna ses quartiers pour plonger à nouveau dans cette affaire. Certes, la piste de Mme Graglia était pertinente et devait être creusée, mais des gens qui s’y connaissent en cuisine, il y en a plein les restaurants et plein la télé maintenant… Même les coups de fil mystérieux avaient cessé, pensa Fred. Son passage en tenue lui vient à l’esprit, un instant qui revenait de façon assez répétitive dans ses pensées, ces derniers temps.
« Fred, je me disais que nous aurions pu déjeuner ou dîner ensemble un de ces jours ? » Lança Marine, juste derrière Fred.
« Avec grand plaisir, si c’est toi qui paies » Plaisanta Fred, ce qui eut l’effet de déclencher un rire commun.
« Francesco, mon fils, est monté voir sa mère sur Paris et il rentre demain. Si tu n’as rien de mieux à faire ce soir, je t’invite à faire le tour du Vieux-Nice et, en plus, c’est la fin du Carnaval et ils brûlent le Roi avant un grand feu d’artifice. » Proposa Fred, tout de même, surpris par la demande.
« C’est parfait. Passe me prendre à l’hôtel à 20h car nous avons une visio-conférence avec Paris à 19h avec le groupe. A tout à l’heure.» Clôtura Marine pendant que les portes de l’ascenseur se refermaient sur elle.
La fin de la journée se faisait sentir et Fred s’était posé un moment sur le Cours Saleya pour prendre un verre en terrasse. Un de ces moments de magie où le temps semble s’arrêter. Le temps de regarder les autres, de lever les yeux ou d’écouter la vie. L’appel de Francesco venait juste à point pour faire de cette fin de journée, un moment encore plus précieux. Il était presque l’heure d’aller chercher Marine à son hôtel qui était sur la Promenade des Anglais. Fred adorait marcher sur la Prom’, comme on l’appelle ici, et ce n’est que la vision de sa collègue l’attendant en bas du perron de l’hôtel qui réussit à lui faire quitter la grande bleue des yeux.
« Ce qui est bien avec les flics, c’est qu’ils sont toujours pile à l’heure. » Ironisa la Miss parisienne.
« Allez, on y va, direction le Vieux-Nice, à pied non ? Il y en a pour 10 minutes… » Demanda Fred.
« Et bien, j’ai bien fait de ne pas mettre mes talons. Pas de souci Fred, on y va » Répondit Marine.
Et les deux collègues firent le chemin inverse qu’avait emprunté Fred pour replonger à nouveau dans ce qui est, sans doute, l’un des plus beaux quartiers du monde. Fred se transforma alors en véritable guide touristique : Les restaurants, les artisans, les échoppes, les anecdotes, tout ce qui faisait son quartier ressurgissait au grand bonheur de Marine qui écoutait sans en perdre une miette. Puis, ce fut le temps de l’apéro et là c’est à l’ID Halles que les deux se posèrent, tout en continuant à discuter. Les sujets étaient, petit à petit, devenus plus personnels. Une tournée, puis une deuxième que Marine eut le plus grand mal à payer, et la troisième venait tout juste d’être servie quand le téléphone de Fred se mit à vibrer.
Il retourna l’appareil et c’était Céline.
« Alors je t’explique, je suis en plein apéro dans le Vieux et….. » Essaya Fred coupé en plein vol par Céline.
« Fred, rapplique tout de suite. Je suis au Port dans l’appartement d’une nouvelle victime. Fred, tu le connais bien, je crois ? Il s’agit de Franck Viano. »