Un homme, torse nu, traverse la pièce. Les épaules larges et le torse musculeux, le jeune éphèbe déambule dans le couloir d’un pas assuré. Quelques mètres derrière lui, un peu essoufflée par l’allant du solide gaillard, la couturière accourt avec son outil de travail favori : un bon vieux mètre. La séance de travail peut commencer. Pour la 123e édition du carnaval de Nice, les petits plats ont été mis dans les grands pour réaliser le casting des jeunes danseurs. La scène se déroule au 4éme étage de l’Acropolis, dans une grande salle baignée de lumière. Le sol est jonché d’un patchwork de petites chutes de tissus, toutes plus colorées les unes que les autres. Au fond de la pièce un nombre impressionnant d’illustrations tapissent le mur. Les photos et autres dessins permettent de faire le tour du monde en un clin d’œil. Entre deux portraits de guerriers massaïs, un objet attire immanquablement l’attention. Un gigantesque masque d’origine africaine étale, aux yeux de tous, son éclatante palette de couleurs.
Tel un caméléon, Françoise d’Alexandry se fond parfaitement dans ce décorum. La quarantaine à peine dépassée, la directrice de casting ne ménage pas ses efforts. La charge de travail à fournir pour trouver les futurs danseurs et danseuses est impressionnante. Près de 80 candidats seront auditionnés jusque tard dans la journée. « Le casting doit se finir normalement à 15 heures. Mais je sais très bien qu’il se terminera plus tard. C’est toujours comme ça que ça se passe ! », lâche laconiquement la directrice. Elle n’en retiendra finalement qu’une trentaine (25 filles et 5 jeunes hommes) au prix d’âpres discussions avec son équipe. Travail harassant s’il en est, mais c’est le prix à payer pour que le prochain défilé de « la bataille des fleurs » soit un succès.
Un casting avant tout pour les passionnés de danse
L’une des couturières demande à une jeune fille de se lever. Elle s’exécute et la prise des mensurations peut débuter. Silhouette élancée, taille de guêpe et jambe sculpturale, Elsa Capelletti possède un corps parfait pour la danse. Une longue chevelure brune masque en partie les yeux bleus de cette lycéenne de 18 ans. Niçoise d’origine, Elsa a toujours pratiqué la danse : « ma mère est professeur de danse à Nice. Elle m’y a initié dès mon plus jeune âge, notamment à la danse niçoise jusqu’a 13 ans ». Et d’ajouter : « J ai l’habitude de la scène et des spectacles et je n’ai pas peur de me produire devant des milliers de personnes. En plus, je serais très fier de représenter ma ville si je suis retenue au casting ». A peine sa phrase achevée, la jeune fille est conviée à partir en cabine d’essayage enfiler un maillot de bain. Quelques instants plus tard, Elsa réapparait dans un bikini fuhsia mettant particulièrement bien en valeur ses atouts. C’est dans ces moments là que l’on se rend compte à quel point le métier de journaliste est difficile… !
De son coté, Raphaël Leclerc attend toujours. Crête décolorée, jean aussi délavé que déchiré, basket « all stars », le lycéen est fashion. Il explique les raisons de sa venue : « C’est en lisant l’annonce dans Nice-Matin que j’ai eu connaissance du casting. Je me suis dit pourquoi pas ! ». Raphaël, à l’image d’Elsa, est féru de danse. Cela fait maintenant 9 ans qu’il l’a pratique : « j’adore danser depuis toujours mais aussi porter des costumes sur scène » précise t-il. Le carnaval parait être une idée judicieuse pour allier les deux, le coté spectaculaire en plus. Le jeune homme a cependant d’autre ambition : « je veux devenir danseur professionnel. D’ailleurs je pars 6 mois à San Francisco l’année prochaine pour intégrer une compagnie de danse ». Son costume arrive enfin. Constitué à la fois de matière noble et de tissus de récupération, l’habit étonne. L’influence de la culture africaine est très perceptible. La directrice de casting confie : « Je voulais quelque chose de tribal où l’art primaire saute aux yeux ». L’effet est garanti, ça en jette !
L’horloge tourne. Il reste de nombreux candidats à passer. Comme le supposait la directrice, le casting ne s’achèvera pas à l’heure. Une fois de plus. Un jeune homme grimé et habillé en panthère fait soudain irruption dans la pièce. « Rodolphe, tu es magnifique » s’exclame Fabienne d’Alexandry. Elle parait emballée à l’idée de faire défiler le garçon et lui glisse : « Reviens me voir. J’aurais quelques publicités à te proposer ». Business is business…