En ce temps de crise économique on cherche le bouc émissaire auquel faire endosser tous les maux. C’est la voie de la facilité, qui ne mène nulle part mais qui aide à avoir bonne conscience.
C’est pourtant celle préférée par toutes celles et ceux qui pensent qu’indiquer un coupable nous soulage de nos difficultés. Dans le débat, il y a quelques années, le « plombier polonais » avait connu son heure de gloire.
Aujourd’hui, la mode est d’accuser les étrangers (qui souvent sont des européens qui ont donc les mêmes droits que nous) de prendre la place des travailleurs nationaux. Info ? Intox ?
Cet article fait le point sur la présence professionnelle étrangère dans les Alpes Maritimes, et les enjeux de droit qui se posent. Nous remercions son auteur pour les éclaircissements sur beaucoup d’idées reçues.
En Europe, le premier semestre 2014 a été marqué par la fin des restrictions à l’embauche pour les Roumains et les Bulgares, ainsi que par la révision des textes sur les travailleurs détachés.
Ces deux évolutions sont les dernières d’une longue série de polémiques, qui ont culminé pendant la campagne sur le Traité constitutionnel en 2005, avec la figure du « plombier polonais » : pour les uns, il allait voler le travail des Français, pour les autres, il serait livré à des employeurs sans scrupules.
Au-delà des caricatures, ces craintes traduisent des préoccupations que les gouvernements ont saisies, et dont la réglementation a dû tenir compte.
Une attractivité réelle pour les entreprises, mitigée pour les travailleurs
La Côte d’Azur offre des paysages et un climat exceptionnels, drainant plus de 5 millions de touristes étrangers chaque année. Sur le plan économique, elle délivre de belles opportunités, et reste très attractive en conséquence. Mais pour qui en fait ? Parler d’attractivité professionnelle, c’est en réalité aborder plusieurs catégories d’acteurs. Il y a d’une part les entreprises, qui sont désignées comme étrangères soit parce que leur capital social est en totalité ou en majorité détenu par des sociétés immatriculées à l’étranger, soit parce que le pouvoir de décision appartient à des agents établis hors de France (ce qui se cumule la plupart du temps).
D’autre part, on trouve la force de travail, les salariés, qui cherchent un emploi. Et les situations concrètes de ces salariés sont elles-mêmes très variées, certains établissant leur résidence définitive, d’autres accomplissant une mission temporaire, pour leur compte, ou au service d’une entreprise de leur pays d’origine.
On devine que l’implantation des entreprises, spécialement en temps de crise, est une priorité largement partagée. Si l’on compare aux chiffres français, les Alpes Maritimes tirent en effet leur épingle du jeu, attirant plus du tiers des investissements étrangers dans la région Provence Alpes Côte d’Azur, elle-même en troisième position nationale après l’Ile-de-France et la région Rhône-Alpes (Baromètre EY 2013). D’après l’Observatoire économique Sirius de la CCI Nice Côte d’Azur, on a observé 16 implantations d’entreprises à capitaux étrangers dans le département en 2013, s’ajoutant aux 1100 sociétés déjà présentes.
La majorité de ces entreprises sont originaires des Etats membres de l’Union européenne (20% Royaume-Uni, 10% Italie, 9% Luxembourg, 7% Belgique, 7% Allemagne). Quant aux effectifs, les groupes américains emploient 6000 personnes, tandis que les établissements britanniques, allemands, espagnols et luxembourgeois se partagent à parts égales 14.000 salariés. Soit au total environ 30.000 personnes, représentant 6% de la population active salariée dans le département.
Estimer l’attractivité de la Côte d’Azur pour les travailleurs n’est pas facile. Les données sur les titres de séjour des ressortissants des pays non-européens, faisant en apparaître le motif, ne sont pas pertinentes en-deçà du niveau national, ceux-ci pouvant se déplacer après leur premier emploi.
Les ressortissants communautaires n’ont quant à eux pas besoin d’autorisation de travail (sauf Bulgares et Roumains jusqu’en 2014 ; nécessaire pour les citoyens croates). Si l’on s’en tient aux données de l’INSEE, fondées sur les recensements, la part des étrangers dans les actifs du département varie de 8,4% à 8,9% respectivement en 2006 et en 2011, alors que la population active totale a crû à peu près au même rythme. Il n’y a pas de « boom » des travailleurs étrangers, tous secteurs confondus (un pourcentage plus élevé dans l’agriculture et le bâtiment ne signifie pas une hausse de leur embauche).
Pour les entreprises à capitaux étrangers, la réglementation applicable est assez simple : exerçant une activité permanente en France, elles sont censées se comporter comme les entreprises « françaises » et appliquer l’intégralité du code du travail, que les salariés soient français ou non. Quand on se penche sur les cas particuliers, tels qu’un poste temporaire occupé par un ressortissant étranger, ou la collaboration avec un entrepreneur indépendant enregistré hors de France, les situations deviennent en revanche beaucoup plus complexes.
Pierre-Marie Vague , Mouvement Européen Alpes Maritimes