Il sera la nouveauté du prochain conseil municipal de Nice en sa qualité de nouvel élu. Mais, pour cela, Gaël Nofri ne sera pas en terrain inconnue dans cet hémicycle dans lequel il a déjà passé de nombreux moments sous l’ère Peyrat et dans une mairie principale qu’il connait bien.
Nice-Premium: Votre arrivée au conseil municipal sera la nouveauté de la rentrée politique niçoise. Comment se fait-il que vous ayez décidé de franchir le Rubicon ?
Gaël Nofri : Je vais vous décevoir. Je n’avais pas dans mes tiroirs un dossier rouge appelé « Rubicon ». Bien au contraire même, j’avais fait mienne l’idée de demeurer collaborateur du groupe d’élus et d’être utile là où était ma place. Il se trouve qu’un élu – Jean-Luc Passeron – a, à un moment, estimé qu’au vu des circonstances et de l’évolution des évènements, ma présence au Conseil pouvait apporter quelque chose au débat démocratique et a librement choisi de démissionner. Lorsqu’il m’a averti de sa décision, j’étais en vacances en famille en Corse : je n’avais non seulement rien organisé mais en plus, pas anticipé la chose. Rentrer dans de un tel contexte n’est pas facile et je perçois les exigences qui s’attachent inévitablement à la confiance qui m’a ainsi été accordée.
N-P: Votre présence accentuera le caractère potentiellement conflictuel entre votre liste et celle du FN. Marie-Christine Arnautu vous a accusé explicitement d’être la cause de cette rupture. Comment envisagez-vous les rapports entre vos deux groupes d’opposition ?
Gaël Nofri : Je corrige, il n’y a qu’un groupe, c’est celui né de l’élection : le groupe Nice Bleu Marine présidé par Guillaume Aral. Celui-ci est composé de membres du FN, du Rassemblement Bleu Marine et d’indépendants ; ce qui, vous le savez, a toujours été mon cas. L’important est de savoir si les élus restent fidèles aux engagements et aux valeurs défendues devant les électeurs, s’ils travaillent pour Nice et demeurent à l’écoute des habitants. Enfin, s’ils oeuvrent au bien public qui seul doit nous animer. Quant aux attaques des uns et des autres vous savez… je n’ai pas l’intention de jouer aux gesticulations et aux brasseurs d’air avec eux. Il est toujours bien plus facile d’accuser untel d’être à l’origine de son propre échec que de se remettre en cause et de corriger ses fautes. Le chef qui subit la déroute ne doit pas se retourner pour chercher un responsable, il doit assumer ses choix, son commandement et les conséquences de celui-ci. La politique crève de ses responsables politiques irresponsables de leurs actes !
N-P : L’opposition, encore que largement minoritaire du point de vue numérique, ne donne pas l’impression d’être très réactive dans la critique à la politique municipale menée par le maire Christian Estrosi. Maintenant que votre place est dans l’hémicycle, comment pensez-vous agir ?
Gaël Nofri : Vous êtes sévères. L’opposition cherche ses marques et les trouvera – en tout cas, notre groupe -. Guillaume Aral a dénoncé l’arnaque de la statue de la Liberté (une copie vendue au prix de l’original) et Martine Martinon livre une guerre de tranchées contre la politique de la Ville de Dominique Estrosi-Sassone. Tout cela n’est pas anodin.
Chacun doit d’ailleurs trouver ses marques, pas seulement l’opposition ! Après six ans de règne sans partage, Christian Estrosi va devoir s’acclimater à la démocratie, ce qui semble-t-il, n’est pas dans ses goûts. Trop longtemps le Maire a vécu sans opposition, ou plutôt avec une opposition muette. Les entraves et les atteintes aux droits de l’opposition se sont multipliées depuis le mois d’avril mais je suis persuadé qu’avec le temps nous ferons en sorte de redresser le vieil arbre couché par les mauvaises habitudes. Voilà quelle entend être ma contribution au Conseil Municipal : je veux œuvrer à ce qu’existe une véritable opposition.
Lorsque je dis opposition, je ne dis pas opposition systématique, stérile et dogmatique. Mais une force de vigilance, de propositions et d’indignation. Pour être crédible, une opposition doit être tout cela à la fois. Pour être valable elle ne doit rien s’interdire ; pour être autre chose que la minorité, elle doit être indépendante.
N-P: Quels sont à votre avis les dossiers plus chauds pour cet automne ?
Gaël Nofri : Je crois qu’il y a en premier lieu ce problème de démocratie, cette façon de « faire de la politique », qui doit être réformer. Ensuite les projets sont nombreux à défendre :
La sécurité qui est aujourd’hui si mal assurée à Nice n’est certes pas le «sujet chaud du moment» mais est un véritable fléau de tous les jours. N’attendons pas le prochain drame, la prochaine victime pour se poser les bonnes questions.
Le tramway est incontestablement le sujet du moment, la ligne 2 et son tunnel avec les risques terribles et le coût prohibitif qui s’y rattache me préoccupe. La Métropole, dans le climat économique actuel, n’a pas les moyens de ce projet. Nous avons perdu une mandature dans la construction des lignes 2 et 3 ; sommes-nous prêts à perdre 25 ans en matière de capacités d’investissement ? Sommes-nous prêts à des hausses d’impôts locaux ? Somme-nous prêts à une mise sous tutelle ?
Enfin, je rajoute la prison de Nice. Je crois qu’en acceptant qu’elle reste dans la ville de Nice, Christian Estrosi a fait une erreur monstrueuse. Certes, je pense que cette position est électoraliste à la veille des sénatoriales, mais nous devons nous responsabiliser, œuvrer à un projet de territoire, nous battre sur un sujet aussi complexe au lieu de l’instrumentaliser. La prison de Nice n’a rien à faire à Vauban, Saint-Roch ou Pasteur. La menace faite aux quartiers de mettre des logements sociaux à la place de la prison n’est pas digne de notre ville. On ne construit pas l’avenir sur la crainte du pire.
N-P : Une question personnelle…comment vous sentez-vous dans la peau d’élu ?
Gaël Nofri : Oh, vous savez, contrairement au serpent, le politique ne fait pas sa mue.
Non, je dirais simplement que je ressens tout de même un changement fort sur un point. Depuis 10 ans j’ai été membre de cabinet de la Ville de Nice d’abord, puis Directeur de Cabinet par ailleurs. J’ai vu, connu et réfléchit aux problèmes et aux enjeux d’un territoire, d’une collectivité. Mais toujours avec le sentiment que proposer à l’élu c’était faire son «job». Aujourd’hui les choses sont différentes : le patron ce sont les Niçois. On n’a pas fait le travail tant que l’on n’est pas arrivé à quelque chose. Même en appartenant à l’opposition, et donc la minorité numérique, il nous faut chercher à gagner des capacités d’action sur le réel, interpeler ou faire évoluer les consciences.
On me prête beaucoup d’ambitions -plus par fantasme que par connaissance du personnage. Ma principale ambition aujourd’hui c’est de pouvoir me dire en 2020 que j’aurai fait quelque chose de ce mandat. Maintenant que l’ouvrier a l’outil, il ne serait être question de se défiler face à l’ouvrage.