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22 novembre 2024

Annie, une niçoise en Toscane

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Première femme trois fois étoilée d’Italie, Annie Feolde a retrouvé sa récompense. Elle règne en Toscane comme à Tokyo, n’oublie ni ses racines niçoises ni sa cave, la plus somptueuse du monde.

Ce pourrait être un conte de fées. Celui d’une Niçoise qui découvre la Toscane et en fait son royaume. C’est l’histoire d’amour d’Annie Feolde avec un homme et une région. Fonctionnaire qui s’ennuie à Paris, la douce Annie sera cuisinière autodidacte au service du beau Giorgio Pinchiorri, sommelier de l’œnothèque nationale à Florence qui porte son nom.

Elle sert quelques plats pour accompagner les grands vins sélectionnés par Giorgio. Elle se prend tellement au jeu qu’elle sera la première femme trois fois étoilée d’Italie, dans ce palais florentin, avec salles en dédale, plafonds à fresques, patio et cave immense.

annie2.jpg Il y a une douzaine d’années, Annie reçoit la consécration suprême, puis cède aux sirènes japonaises. Ouvre à Tokyo une copie de l’Enoteca Pinchiorri, puis une Cantinetta. Michelin, courroucé par ce trop-plein d’activités, lui enlève une étoile. Annie, pourtant, est partout à la fois, cuisinière, patronne, formatrice.

Dans l’édition Michelin 2004, elle retrouve justement sa troisième étoile. Elle n’a rien changé à sa manière qui consiste à réaliser une grande cuisine créative et ménagère, régionale et sophistiquée, hommage à toute l’Italie mais dédiée à la Toscane. On se souvient, sans réfléchir, de ses plats qui ont fait date depuis vingt ans. Ainsi, les pici con le briciole, pâtes à la farine de blé dur et à l’eau, parfumées aux anchois et aux herbes, servies avec de la couenne de porc frite, garnies de miettes de pain toscan, plus de la crème de haricots blancs de Lucques. Ou encore cette admirable variation sur la porchetta où la caille remplace le porc, où la viande avec sa peau est farcie de son foie, est poivrée, servie sur une purée de petits pois et des croquettes de pois chiches au romarin.

annie3.jpg Admirable ! Il y a encore les spaghettis à la « guitare », fabriquée dans une machine à cordes, avec crème de petits pois et filets de maquereau mariné, plus une tranche de petit salé rôti. Le registre poissonnier change au gré de la marée. Aujourd’hui, le rouget est accordé à une petite escalope de foie gras, plus une purée de topinambours et un émincé d’artichaut frit. Les saint-jacques sont rehaussées par le corail tomaté, cuit comme des tripes, escortées d’une raviole frite, farcie de courgette à l’origan.Cette cuisine, simple et fraîche, qui se contentait jadis d’accompagner des vins choisis, joue désormais le premier rôle. Même si on vient déguster, chez Pinchiorri, de très grands vins au verre pour accompagner des mets d’un raffinement exceptionnel.

Le chef-d’œuvre du genre rustico-raffiné ? C’est le cochon cuit au four, avec sa peau craquante, sa salade de pommes de terre, son huile de betterave, ses échalotes en aigre-doux, son fromage de tête (ou « soprassata »).Au chapitre des desserts, la composition sur le lait, en biscuit, en mousse, en bavarois, en glace et en écume, est à retomber en enfance. Voilà, sous la houlette d’une magicienne franco-toscane, des festins de roi pour gourmands amoureux des saveurs justes

INTERVIEW ANNIE FEOLDE

Racontez-nous Annie Féolde à Nice ?

J’ai passé mon enfance entre Nice et Roquefort-les Pins, un peu trop libre du fait que mes parents travaillaient dans l’hotellerie (mon pére au Casino Municipal qui n’existe plus de nos jours, et ma mère au Negresco)

J’aimais beaucoup la nature, la liberté et la mer et étais le fidèle compagnon de jeux de mon frére que j’adorais. Je me rendais compte que Nice et ses alentours étaient un lieu privilegié ; bon climat, mer, compagne et montagne. Il a bien fallu malgré tout se creer une situation et je me suis retrouvée à 20 ans à Paris, aux P.T.T.

Cela n’etait qu’une façon de découvrir le monde, et en effet j’ai vite compris que mon travail était trop monotone et donc dés que possible, j’ai démissionné et suis partie en Angleterre pour reprendre l’étude de l’Anglais, que j’avais abandonné aprés le lycée.

Un an aprés mon stage à Londres, je suis allée à Florence dans le méme but, parce ce que je voulais me former pour le Tourisme. (J’ai toujours adoré voyager et prendre soin d’autres personnes)

C’est durant mon séjour à Florence que j’ai rencontré Giorgio Pinchiorri, qui avait travaillé dans le meilleurs restaurants de cette belle ville avant de devenir « sommelier ».

Une femme chef de cuisine, plutôt rare en Italie comme en France ?

Giorgio avait décidé de se consacrer complètement aux vins et oublier la restauration classique et a ainsi développé un concept tout à fait nouveau à l’époque – fin 1972 – de « bar à vins » où les gens pouvaient acheter des bouteilles dans la cave et les emporter à la maison, ou bien goûter tous les mêmes vins « au verre » dans la salle de dégustation du rez de chaussée.

Il est certain que goûter plusieurs vins « importants » est difficile – et dangereux-sans grignoter quoique ce soit, genre fromage, jambon et autres amuse-gueules. C’est comme cela que j’ai trouvé mon identité = accompagner les dégustations de vins de petits en-cas, et ensuite d’un buffet, pour finir par un vrai restaurant.

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé un peu partout en Italie dans les années 60 – 80 pour des raisons logistiques ou de prédisposition de la part de couple, elle en cuisine et lui en salle.

Il y a eu une énorme évolution durant les dernières 30 années dans la restauration italienne, qui n’a vu cependant aucun inconvénient à trouver une femme « chef en cuisine », et je suis heureuse de souligner qu’ici en Italie il y a 4 restaurants 3 étoiles Michelin dont 3 dirigés par des femmes : Luisa Valazza « Il Sorriso – a Soriso » (Novara) – Nadia Santini « Il Pescatore » (Mantova) et moi méme à Florence et que j’ai été la premiére à recevoir un tel honneur en1993, en dehors de la France, aprés la Mére Brazier et le 1° restaurant en Italie également à reprendre en 2004 la 3° étoile perdue en 1995.

A part nous trois, 3 étoiles Michelin, il y a d’autres femmes chef en Italie à 2 étoiles (La Tenda Rossa, à coté de Florence) ou d’autres encore, et j’ai l’impression que cela augmente encore. La situation Italienne est donc diamétralement opposée à la française où je ne vois pas beaucoup de femmes en charge, exceptées Hèlene Darroze et Ghislaine Arabian.

En tous cas, l’Italie est le seul pays avec des femmes chef 3 étoiles.

Comment décririez -vous votre prestigieux établissement ?

Notre restaurant se trouve dans un vieux palais de la Renaissance Florentine à 2 pas de l’église Santa Croce et du musée (ex-habitation) de Michelangelo Buonarroti. Son architecture inspire immédiatement un sens de respect, et nous avons tout fait pour préserver l’atmosphère noble sans pour cela en faire un musée.

Nous avons tout refait en 2003 (5 mois de fermeture complète et transformations radicales, plus pour les nécessités de base que pour le coté esthétique) Le résultat est positif, beaux salons, salles à manger, patio, cuisines bien equipées, toilettes-salons, bureaux spacieux, salons pour fumer et air conditionné partout.

Nous avons cherché un confort discret et efficace pour que nos clients se sentent chouchoutés et puissent se relaxer, avec le support d’une bonne cuisine, bonne cave, ambience agréable et service discret mais efficace.

Quelles en sont vos plus beaux souvenirs ?

A part le fait d’avoir eu ici beaucoup de très belles soirées – importantes – à tous points de vue, avec des personnages notoires, ou des remises de médaille pour ceci ou cela, ce qui me fait le plus plaisir en réalité est de faire dérouler dans ma mémoire les différents épisodes de notre activité en partant d’une salle de dégustation rustique et en réalisant qu’aujourd’hui des clients élégants et bien élevés viennent express de très loin chez nous pour passer une soirée agréable.

La plus récente satisfaction est d’avoir reçu beaucoup d’éloges pour un dîner que nous avons organisé pour 15 personnes, entre producteur de vins rouges français et italiens, et journalistes de haut niveau, car les plats que nous avions choisi sublimaient parfaitement, les vins proposés par eux-mêmes en une dégustation très pointue.

Cela peut vous paraître bizarre mais c’est notre vie et c’est un vrai plaisir de constater que notre restaurant touche non seulement les palais mais aussi l’esprit et l’intellect !

Votre recette préférée et votre vin favori ?

Je dispose d’un choix tellement vaste entre les plats et les vins que je voudrais répondre tout de suite que cela dépend du lieu et du moment, car heureusement notre fantaisie change beaucoup, selon ces critères – lieu – moment – humeur –

Pour me concentrer sur l’Italie je pourrais citer un plat que j’ai transformé, à partir de 2 recettes typiques toscanes :

Queues de grosses crevettes enveloppées dans la pancetta ; servies sur une créme de haricots blancs et Gran Farro au romarin.

Quant à mon vin préferé dans notre région je pourrais citer le Chardonnay « d’Angelo Gaya », le « Gaya & Rey », ou bien le « Cervaro » du Marquis Antinori, sinon le « Benefizio » des Marquis Frescobaldi.

Pourquoi l’Italie et la Toscane pour nouvelle patrie d’Annie ?

L’Italie est devenue ma deuxième patrie, d’abord et avant tout parce-que j’y travaille et ensuite parce-que le fait d’avoir côtoyé beaucoup d’Italiens et surtout de nombreux artisans, simples, directs, rudes parfois, mais pleins de cœur, de talent et de fantaisie m’a fait comprendre que je vis dans un monde « très humain » où il existe encore l’envie de faire plaisir à son voisin avec en surcroît beaucoup d’amitié !

En résumé Florence est encore une ville agréable et très authentique.

Nice et l’Italie, une grande histoire d’amour. Qu’en pensez-vous ?

Pendant des années, et je suis ici depuis 36 ans maintenant, les Italiens m’ont dit « Ah vous êtes de Nice, mais Nice était italienne auparavant, donc vous êtes Italienne ! Je m’agitais un peu, à chaque fois, parce-que j’estimais que ma Ville natale était tout à fait française (à part tellement de noms de famille Italiens !) Jusqu’au jour où j’ai lu que le Comté de Nice a été offert plusieurs fois à la France et à l’Italie, suivant les tendances politiques.

Donc, j’ai dit « Basta » à ce regret nationaliste italien, et pour répondre à votre question, je crois que Nice est liée à l’Italie pour de vieilles traditions ethniques évidentes comme à chaque région de frontières, mais que la ville a évolué à la « française ». N’étant pas moi même de famille niçoise, je n’ai aucun élément pour savoir s’il y a eu une histoire d’amour ou bien un grand déchirement à chaque changement de patrie !!!

Et si Annie Féolde était une couleur, une saveur et un livre ?

Si j’étais une couleur, j’irais du vert émeraude de certaines mers, au bleu comme le ciel de Nice, merveilleux, ou bien comme saveur, je pourrais opter pour un mélange entre ginger et citron vert, surtout sur un poisson.

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