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22 novembre 2024

L’Edito du Psy : Fracture religieuse en Pologne

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bobine-18.jpg Dans la Pologne très chrétienne, le sabre et le goupillon ne semblent plus faire bon ménage. En applaudissant, en pleine cérémonie de son investiture, à l’annonce de la démission de Mgr Wielgus, le Président polonais Lech Kaczynski a publiquement montré le fossé qui sépare deux populations au sein du même pays. Une fracture religieuse en quelque sorte. « Divorce » d’autant plus troublant que, pressenti par le Pape pour devenir le nouveau Primat, Mgr Wielgus avait nécessairement dû – il faut au moins s’en convaincre – faire l’objet d’une conversation entre Benoît XVI et le Premier Ministre polonais, frère du Président et comme lui fervent partisan de la tradition catholique, lors de leur rencontre au Vatican en octobre dernier.

Embarrassante pour les autorités religieuses, l’affaire a autant valeur d’histoire que de symbole. Après tout, dans l’ensemble des anciens satellites de l’URSS, il ne doit pas manquer de responsables politiques, associatifs ou syndicaux qui, pour des motifs de simple survie physique, ont dû « collaborer » avec les services de sécurité de l’époque. Cette tolérance d’une large partie de population vis-à-vis d’une histoire commune forcément ponctuée de zones d’ombre rencontre désormais une résistance d’une autre fraction du peuple qui entend exclure les hommes d’église de son domaine d’application. Il suffisait de constater les réactions enregistrées à l’extérieur de la Cathédrale St Jean, pour en avoir une petite idée. D’un côté, les fidèles les plus âgés regrettaient le départ de leur éphémère Archevêque Métropolite de Varsovie en dénonçant le complot dont il aurait été la victime. Un face-à-face violent les opposait à une population nettement plus jeune qui se félicitait bruyamment de cette décision courageuse et dans laquelle elle décryptait un nouveau message de l’Eglise applicable au futur de la nation polonaise. La presse indiquait d’ailleurs que ce second groupe comprenait des « laïcs engagés dans la foi chrétienne ». Laïcs dont le catholicisme, signalons-le au passage, ne peut plus ignorer le poids grandissant et à même de compenser, notamment dans les paroisses françaises, la baisse générale des vocations. A ceux qui tenaient imprudemment l’affaire pour un événement exceptionnel, l’actualité a rapidement opposé un cruel démenti. Cette exigence des Chrétiens polonais à propos de leur hiérarchie a fait une seconde victime dès le lendemain : un prélat de moindre rang, soupçonné lui aussi de collaboration avec l’ancienne police politique communiste, a remis sa démission au Cardinal de Cracovie. Le débat est loin d’être clos : d’autres membres de l’épiscopat devraient prochainement subir une évaluation sur leur passé.

dieu.jpg Ces Catholiques polonais à la recherche de la vérité sont, à n’en pas douter, les enfants spirituels de Jean-Paul II. Cette quête intransigeante porte en elle-même témoignage du difficile héritage laissé par le prédécesseur de Benoît XVI. Le présent titulaire du trône de Saint-Pierre paie en quelque sorte le prix des avancées politiques de l’ancien Souverain Pontife. Karol Wojtila avait largement consacré le pouvoir de sa papauté au soutien massif des peuples en lutte contre l’emprise communiste. Pour leur plus grand bien et celui de l’humanité. De cette dimension plus engagée sur l’humain, l’Eglise a su largement se prévaloir pour retrouver un prestige resté en suspens après les ouvertures concédées par le Concile Vatican II voilà plus de 40 ans. Mais en délaissant les seuls sommets de la spiritualité pour concentrer son action sur les dossiers temporels, l’Eglise catholique, apostolique et romaine doit accepter de se plier, elle-aussi, aux règles éthiques terrestres d’un magistère qui ne porte plus uniquement sur le sauvetage futur des âmes. En engageant le poids croissant de sa parole sur des sujets du quotidien, en cherchant à promouvoir une stratégie de proximité, la Curie a certainement voulu se rapprocher des fidèles pour s’inspirer d’autres religions dont elle a pu éventuellement envier l’efficacité de l’influence sur le terrain

Mais sous la forme la plus fréquente – pour ne pas dire exclusive – de condamnations, qu’il s’agisse des avatars du consumérisme, des déviances culturelles ou des audaces artistiques, les tentatives de l’Eglise d’investir l’espace public sur des thèmes de société et ce, dans un ultime sursaut contre son effacement par la modernité, semblent lui avoir été peu profitables : A peine un Français sur deux se déclare aujourd’hui catholique contre 67% en 1994 alors que ne cesse de croître la proportion des Européens qui opte pour une « croyance sans religion particulière ». Loin d’être une promenade de santé, continuer sur la voie de Jean-Paul II risque plutôt de ressembler pour Benoît XVI à un véritable chemin de croix.

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