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22 novembre 2024

La politique de migration : Et si on laissait parler les chiffres ?

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La visite du 11 novembre du Ministre de l’Intérieur à la frontière de Menton où 22 000 migrants venant de l’Italie ont transité depuis le début de l’année a relancé la polémique sur le problème de l’immigration.


emimi.jpg Eric Ciotti, qui a fait de tous ces thèmes sécuritaires son fonds de commerce, est monté au créneau pour fustiger la politique gouvernementale et le manque d’adoption de mesures de la part du Ministre.

La démagogie fait toujours bonne prise sur le raisonnement. Miser sur la «politique de l’émotion» est toujours payant sur le court terme. Le débat transporte plus de fantasmes que de réalités mais les dirigeants politiques ont tendance à ne l’aborder que du point de vue de ses effets sur l’opinion publique.

Naturellement, on parle toujours d’immigration et jamais d’émigration : Juste pour rappeler que plus de 1,5 millions de français résident à l’étranger dont 132 000 en Suisse. Rien à dire ?

Rappeler la réalité des statistiques est le meilleur des contrepoisons pour lutter contre des perceptions erronées ou déformées.

Les faits, c’est d’abord que les migrations ont toujours existé dans l’histoire, à l’intérieur du même pays comme entre des Etats différents. Il n’est pas raisonnable de faire comme si l’Europe était brusquement confrontée à un phénomène nouveau sous la forme d’une vague migratoire sans précédent. D’autant plus que les chiffres montrent plutôt que cette immigration vers l’Europe est relativement faible.

Dans l’Union européenne, il y a environ 30 millions de résidents nés en dehors de l’UE, soit autour de 6% de la population totale. Le nombre des clandestins est estimé entre 4,5 et 8 millions. Sur plus de 500 millions de citoyens européens, les sans-papiers représentent ainsi entre 0,97% et 1,73% de la population européenne.

Quand la question de l’intégration des Roms occupe le centre du débat politique, il faut rappeler qu’ils sont environ 20.000 en France.

Ces pourcentages sont à comparer avec la situation des Etats-Unis: 12 millions de clandestins sur 320 millions d’habitants. D’ailleurs, les autorités américaines procèdent régulièrement à des régularisations de clandestins.

Les Européens ont une attitude plus frileuse, bien que certains Etats de l’Union comptent sur l’immigration pour suppléer une démographie défaillante, l’Allemagne par exemple.

Une autre idée reçue est que l’Europe risque d’être submergée par des hordes de pauvres hères venus du Sud. Or, selon le rapport du Programme pour le développement des Nations unies, 60% des migrations ont lieu entre pays riches et seulement 37% entre pays pauvres et pays riches.

Pour laisser la «misère» à leurs portes, l’Europe a longtemps compté sur les régimes autoritaires et répressifs du sud de la Méditerranée. Ces remparts sont tombés avec le «Printemps arabe».

Mais les immigrés qui viennent du sud de la Méditerranée ne sont plus les ruraux illettrés que l’industrie automobile européenne a importés par centaines de milliers à partir des années 1960. Ce sont de plus en plus souvent des «diplômés-chômeurs» qui ne trouvent pas d’emplois qualifiés dans leur pays d’origine mais qui ont une formation et pratiquent une langue étrangère.

Pour la France, le regroupement familial ne joue plus un rôle important dans l’immigration. Seuls 5 à 6% sont des enfants parmi les immigrants légaux, qui représentent 200.000 personnes par an, dont 60.000 étudiants. A quoi s’ajoutent les sans-papiers, dont le nombre total est estimé à 300.000. Face à ces chiffres, il faut tenir compte de 100.000 sorties annuelles pour avoir une idée de la proportion de population étrangère.

Un autre problème est posé par les demandeurs d’asile: 62.000 par an en France, dont seuls 15% sont acceptés. Autrement dit, contrairement à une autre idée reçue, 85% des demandes d’asile sont refusées. La difficulté vient des délais de traitement des dossiers, qui peuvent durer plusieurs années. Pendant ce temps, quelques demandeurs d’asile disparaissent dans la nature et se retrouvent dans la catégorie des sans-papiers.

Ces statistiques peignent une réalité que les hommes politiques des partis de gouvernement seraient bien inspirés de rappeler au lieu de s’engouffrer dans les portes ouvertes par le Front national. Ce rappel est un contrepoison pour lutter contre des perceptions erronées ou déformées.

Dans tous les cas qui ont fait la une au cours de ces dernières semaines ( Calais, Menton) , il n’y a pas de solution hors d’une politique européenne commune et cohérente de l’immigration.

Ce manque s’explique par des situations nationales différentes. Quoi de commun par exemple entre la Grèce, qui est en première ligne de l’immigration clandestine venue du Moyen-Orient et d’Asie, souvent à travers la Turquie, avec des frontières maritimes difficilement contrôlables, et l’Allemagne, qui veut attirer des étrangers bien formés pour pallier un manque de main-d’œuvre dans des secteurs stratégiques?

Leur seul point commun est l’appartenance à l’espace Schengen, créé en 1985. 22 pays de l’Union européens (plus quatre Etats européens non-membres de l’UE) ont aboli aujourd’hui leurs frontières intérieures et confié la surveillance des frontières terrestres et maritimes de l’UE aux pays du «front», ceux qui se trouvent à la périphérie de l’UE.

La logique aurait voulu que le contrôle des frontières extérieures communes soit une mission européenne, confiée à un corps européen de garde-frontières. Il n’en est rien.

Chaque Etat est jaloux de sa souveraineté, ce qui n’empêche toutefois pas les pays du Sud de demander aux pays du Nord un «partage du fardeau».

Un embryon de police européenne des frontières a vu le jour en 2004 sous la forme de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union, Frontex.

Ni la surveillance renforcée des frontières, ni la lutte contre les clandestins ne sauraient tenir lieu d’une politique commune de l’immigration. La répression est apparemment la réponse la plus facile, et malheureusement la plus populaire, avec la montée des mouvements d’extrême droite dans de nombreux pays d’Europe.

Mais c’est une politique à courte vue. Elle n’empêchera jamais des migrants de tenter leur chance et elle fait l’impasse sur les besoins démographiques à moyen terme du Vieux continent, qui n’a jamais autant mérité son nom.

Régulation des flux, politique d’intégration et projets de développement dans les pays d’émigration: ce sont les trois piliers d’une politique européenne d’immigration concertée.

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