Le 19 février 2015 restera à Nice comme un tournant, un palier important franchi dans la vie démocratique locale, mais un palier négatif. Le Maire de Nice a organisé une consultation publique sur la privatisation de l’aéroport de Nice prévue à l’article 49 de la loi Macron. Le résultat du vote est sans appel : 97,5% des votants ont dit « non » à cette privatisation.
Ce résultat n’est pas surprenant. Si nous sommes nombreux, et pour des raisons souvent différentes, à nous opposer à la loi Macron, l’ensemble de la classe politique locale s’est prononcée contre cette privatisation, au sein du conseil municipal comme en dehors. Les électeurs se rendent bien compte que brader un équipement public bénéficiaire aux actionnaires privés est, après la privatisation des autoroutes, une nouvelle absurdité.
Mais plus inquiétant est le taux record d’abstention : 83,3 % ! Doit on tenir compte d’un vote lorsque l’abstention dépasse les 80% ? La question se pose.
Deux facteurs principaux expliquent cette désertion massive des urnes :
- Les conditions de vote :
Le vote a étrangement eu lieu un jour de semaine, alors que les actifs travaillent, et non un dimanche comme à l’accoutumé. Les bureaux de vote étaient moins nombreux que d’habitude et différents des lieux de vote traditionnels puisque les écoles étaient occupées par les élèves.
- Le vote n’avait pas de sens :
- Les citoyens ont des représentants démocratiquement élus au conseil municipal qui se sont tous exprimés contre la privatisation. Il n’y avait donc pas de clivage local.
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Les citoyens ont des représentants démocratiquement élus à l’Assemblée Nationale qui n’ont pas voté l’amendement déposé par Christian Estrosi contre la privatisation de l’aéroport. Amendement qui n’a d’ailleurs été soutenu par aucun autre député azuréen UMP en dehors de Christian Estrosi lui-même.
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Le rayonnement économique de l’aéroport dépassant largement le cadre municipal et la Métropole étant actionnaire de l’aéroport, la consultation aurait du être métropolitaine et non municipale.
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Cette consultation ne relevait pas d’un soucis démocratique mais d’un « coup » politique d’un opportunisme évident : Christian Estrosi n’est pas réellement opposé aux privatisations des aéroports, puisqu’il a voté la loi de 2005 qui a rendu possible l’ouverture du capital de l’aéroport de Paris et qui a permis aux aéroports régionaux de changer de statut, ce qui a amené à l’aéroport de Nice, en 2008, à perdre son statut d’établissement public.
Christian Estrosi n’est pas réellement favorable à la démocratie participative puisqu’il a refusé d’organiser une consultation publique sur le passage du tramway en souterrain à Nice et qu’il a dénigré les consultations organisées par les villes de l’est du département qui refusaient leur intégration forcée dans la CARF, la communaté d’agglomération de Menton.
Enfin, cette consultation intervient, comme par hasard, à quelques semaines des élections départementales et l’on a vu des candidats UMP aller au devant des électeurs avec un tract s’opposant à la privatisation de l’aéroport.
Mais, au delà du résultat et de l’abstention record, nous devons nous interroger sur le sens à donner à cet événement.
Les défenseurs de la démocratie participative ne peuvent cautionner son dévoiement :
Une collectivité locale organisant une consultation publique doit informer les citoyens qu’ils ont la possibilité de voter. Elle ne doit en aucun cas leur dire ce qu’ils doivent voter et, qui plus est, en des termes que nos populistes des années 1930 n’auraient pas reniés : « Notre aéroport, notre territoire, notre ambition, le 19 février je vote non à la spoliation du patrimoine des Niçois… »
La démocratie locale est ici travestie en une parodie de mauvais goût. Le tout placardé dans toute la ville avec le logo de la Ville de Nice.
Les 2,5 % de citoyens niçois ayant voté « pour » la privatisation ont donc payé de leurs impôts, comme l’ensemble des contribuables niçois, des affiches disant « non » à cette privatisation.
Et se pose alors la question du « coût », pour les Niçois, de ce « coup » politique personnel de Christian Estrosi : cette consultation publique a du coûter au minimum 250 000 à 300 000 € aux contribuables (affiches et panneaux publicitaires, encarts presse, tenue des bureaux de vote, envois papiers…).
Cette dépense inutile, pour un vote sans enjeu, est d’autant plus choquante que la précarité s’étend dans notre ville et que l’on voit de plus en plus de personnes âgées contraintes de chercher à manger dans les poubelles de nos supérettes de quartier le soir. Combien de repas chauds peut-on distribuer avec 300 000 € ?
Le détournement du principe de consultation publique, dans une démarche populiste évidente jouant la carte locale contre Paris et notre gouvernement national, surjouant la défense de notre patrimoine local dont nous allons être « spoliés », est un acte grave qui ne sert pas la démocratie locale et l’affaiblie.
Nous devons utiliser les consultations publiques locales à bon escient et ne pas céder à l’opportunisme politique facile.
Alors à ceux qui me demandent aujourd’hui mon sentiment sur le résultat du vote comme à ceux qui m’incitaient hier à inciter les citoyens à aller voter, je réponds que malgré mon opposition farouche à la privatisation de l’aéroport de Nice je ne peux me réjouir d’un détournement de la démocratie participative et qu’en aucun cas je ne servirais de caution de gauche au populisme de la droite extrême locale.
David Nakache