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22 novembre 2024

Création mondiale à l’Opéra de Nice : « Sans famille »…avec les enfants!

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news_1168619469.jpg Si vingt-cinq opéras ont pris part, le 17 février dernier, à la manifestation nationale « tous à l’opéra » en ouvrant largement leurs portes et leurs coulisses au public, celui de Nice a décidé d’aller encore plus loin. Il a vendredi dernier présenté en création mondiale l’adaptation, sous la forme d’une comédie musicale, d’un roman populiste d’Hector Malot écrit à la fin du XIXème siècle : « Sans famille ». Le livret raconte le drame de Rémi, un enfant trouvé que ses parents pauvres décident de confier à un ancien chanteur d’opéra, Vitalis, devenu saltimbanque et montreur d’animaux. Le jeune Rémi effectuera à ses côtés un authentique parcours initiatique, une découverte du « métier d’homme » et dont l’apprentissage de la musique représentera la clef essentielle. Au moyen d’une petite harpe, il apprendra à en manier les différents fils, à les effleurer correctement pour s’offrir le bonheur de sons délicats et harmonieux de l’existence. Tous les éléments traditionnels de ce parcours hautement symbolique sont rassemblés dans le livret et Paul-Emile Fourny les propose au public sous la forme d’une succession particulièrement rythmée de tableaux à forte dimension scénique et chorégraphique. Voyages, rencontres, découvertes de l’autre, prise de conscience, intrigues autour d’un héritage, évocation balzacienne de Paris, moments à forte intensité dramatique qui alternent avec des épisodes d’épanouissement, bref, autant de repères qui ponctuent le cheminement souvent chaotique du petit héros.

Dès l’ouverture, la première mesure de l’orchestre dirigé par Jean-Claude Petit donne le ton : la note initiale tenue par les cordes invite à nous plonger dans l’imaginaire. Elle constitue la pure traduction musicale des mots qui débutent tout conte pour enfant : « il était une fois ». Et comme une œuvre lyrique conventionnelle, la comédie musicale se soumet au classicisme des règles en incluant dans cette ouverture l’annonce des thèmes mélodiques égrenés tout au long de l’œuvre.

Le rideau se lève sur le décor d’une modeste maisonnette dans un jeu de couleurs croisées de gris et de bleu qui emplissent l’atmosphère d’une infinie tristesse. Après une brève exposition, l’arrivée du père sonne le début de l’action dramatique : par manque d’argent l’enfant ne pourra pas demeurer plus longtemps. Il faut s’en débarrasser ou le vendre. La rencontre avec Vitalis qui recueillera Rémi n’est pas dénuée – volontairement ? – d’ambiguïté : l’ancien chanteur d’opéra « loue » au père adoptif « les services de l’enfant » ce qui n’augure pas favorablement du futur. Mais les premiers enseignements rassurent en ouvrant sur une vie de liberté, celle-là même qui ignore dans l’instant la direction qu’elle choisira de suivre. « Vivre », explique Vitalis au jeune initié, « c’est ne pas savoir où nous mènent nos pas ». La troupe de l’ancien chanteur se compose uniquement d’animaux : il place l’enfant dans un entourage transitionnel nécessaire avant de lui faire connaître et éventuellement de lui permettre d’affronter le monde des humains. L’ombre de Rudyard Kipling et du « Livre de la Jungle » n’est pas très éloignée.

nice-news-2407.jpg L’adaptation de l’œuvre a conduit les responsables de l’Opéra de Nice à truffer chaque dialogue, chaque chanson et même les récitatifs de messages éducatifs, à vocation philosophique ou philanthropique : « lire c’est voyager sans bouger », méfaits de l’alcoolisme, bonheur d’une véritable amitié, dénonciation de la maltraitance des enfants, acceptation pour une mère de devoir laisser partir son enfant. Au risque peut-être de transformer ce systématisme en un matraquage idéologique susceptible de lasser le public. Certains accents misérabilistes probablement présents dans le livret d’origine sont exploités sous la forme d’intrusions un peu brutales de la modernité : voix « off » de policiers qui effectuent des contrôles musclés d’identité lors de l’arrestation de Vitalis juste avant la chute sur la largeur de la scène des grilles d’une prison. La perversité explicite et redondante de la famille Driscoll pourrait, dans la deuxième partie, dérouter les plus jeunes spectateurs. Rares moments où la naïveté s’efface devant un théâtre plus engagé.

Les détracteurs qui crient facilement au scandale devant le mélange des genres en seront pour leurs frais : après tout la célèbre diva néo-zélandaise Kiri Te Kanawa n’a-t-elle pas chanté West Side Story et Pavarotti ne s’est-il pas acoquiné avec Sting le temps d’un concert exceptionnel ? Avec un orchestre symphonique, des chœurs d’adultes et d’enfants, un corps de ballet et même des danseurs de claquettes, l’opéra de Nice a mis tous les avantages de son côté pour réussir cette production. Efforts scéniques considérables, accents modernes d’une dramaturgie susceptible de permettre des identifications avec le quotidien, compositions mélodiques et musicales particulièrement descriptives du déroulement de l’action ne sont pas les moindres de ses qualités. Avec une mention particulière pour Elena Golomeova dont le profil de frêle adolescent ne l’empêche pas d’assurer le rôle titre avec brio. Son corps d’apparence fragile n’enlève rien à la justesse persuasive de sa voix et à la force de son jeu. Dans le rôle de Mrs Milligan, Jeane Manson s’accorde plutôt bien avec les artistes lyriques : sans rivalité sur leurs catégories respectives, chacune des voix s’ouvre à l’échange et au partage avec l’autre. Il suffisait d’entendre les enfants exprimer leur plaisir à l’issue de la répétition générale pour se convaincre du succès de l’entreprise. Quant aux adultes qui pourraient estimer que ce spectacle ne les concerne pas, cette présentation des aléas de la vie et de la difficulté du métier d’éduquer constitue une excellente piqûre de rappel.

« Sans famille ». Comédie musicale en 4 actes librement adaptée du roman d’Hector Malot.

Dimanche 25 février 2007, 14h30. Mardi 27 février 2007, 20h00. Jeudi 1er mars 2007, 20hOO.

Opéra de Nice : 4-6 rue St François de-Paule,06300 Nice.
Tel: 04 92 17 40 79

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