Nous connaissions la préférence nationale chère au FN, portée par le fameux slogan « Les Français d’abord ! ». « Les Républicains » sont en train d’inventer une préférence religieuse qui pourrait, dans le cas spécifique de l’accueil des demandeurs d’asile, se résumer par la formule : « Les Chrétiens seulement ! »
La question de l’accueil des demandeurs d’asile agit, depuis l’invitation piégeuse du Ministre de l’intérieur aux maires de France à participer à leur prise en charge, comme un révélateur de la doctrine politique de chacun. Depuis, la ligne politique des « Républicains » oscille entre le meilleur et le pire.
Le maire « Les Républicains » de Roanne, Yves Nicolin, affirme qu’il est normal d’accueillir des réfugiés s’ils sont chrétiens mais refuse d’accueillir des réfugiés musulmans car il souhaite avoir « l’absolu certitude que ce ne sont pas de terroristes déguisés ».
Se faisant, il fait peser sur tout musulman le soupçon de radicalisation. Plus encore, il rompt avec la tradition humaniste de la France et opère une distinction entre les persécutés : ceux qu’il faut sauver, les Chrétiens et ceux que l’on peut abandonner, les autres. Cette posture est également contraire à la Constitution qui, dans son article 1er, préciser que « La France respecte toutes les croyances. »
Mais la réaction d’Yves Nicolin, si critiquable soit elle, n’est pas arrivée par hasard. Elle est un symptôme, l’aboutissement d’un long processus de désagrégation du socle républicain d’un parti politique ayant précisément éprouvé le besoin de s’auto proclamer « Les Républicains ».
Christian Estrosi, le premier, en août dernier, a affirmé que des djihadistes s’infiltraient parmi les migrants. Il entretient volontairement, depuis longtemps, l’amalgame entre islam et islamisme en soutenant que l’islam est incompatible avec la démocratie. Précurseur dans le processus d’extrémisation de la droite française, il déclarait également, en avril dernier, que la 3ème guerre mondiale était engagée entre l’islamo-fascisme et la civilisation judéo-chrétienne, les Catholiques étant ciblés et menacés en France.
Eric Ciotti et François Fillon, entre autres, n’ont de cesse depuis des mois de brandir les Chrétiens d’Orient comme symbole des bons migrants, ceux qu’il faut secourir et accueillir… à l’inverse des autres.
François Fillon, encore, déclarait il y a peu que nous devions accueillir les réfugiés « sinon nous ne serions pas digne de notre héritage chrétien », préférant ainsi se référer à une identité religieuse plutôt qu’à une tradition humaniste ou républicaine.
Mais, si l’on devait retracer la genèse de la dérive de la droite française à la recherche d’un socle identitaire, préférant, peut-être pour se démarquer du FN, ancrer ce socle identitaire non dans la nation mais dans la religion, il faudrait remonter à Nicolas Sarkozy qui exalte, depuis 2008, les racines chrétiennes de l’Europe et revendique sans cesse l’héritage chrétien de la France.
Nous sommes ainsi confrontés à une sorte de « populisme identitaire confessionnel » :
Reprise du thème éculé de l’invasion, des masses migratoires déferlant sur notre pays, proche de la thématique du « grand remplacement » chère à Renaud Camus, Eric Zemmour et aux identitaires.
Surenchère dans la thématique de la peur et du rejet de l’autre, amplifiée par le soupçon permanent de radicalisation pesant sur tout musulman et la crainte de la menace terroriste.
Repli sur soi axé sur l’identité national mais aussi et surtout sur l’identité religieuse.
Alors qu’un élu est sensé défendre les intérêts de l’ensemble des citoyens qu’il représente, certains élus « Les Républicains » affirment aujourd’hui haut et fort leur appartenance à la civilisation judéo-chrétienne.
Ils font rupture avec la laïcité française en se revendiquant d’une identité religieuse donnée alors que la laïcité impose une neutralité des élus et du pouvoir public, même local, en matière de religion.
Ils alimentent un « choc des identités » qui fragmente la République. En s’affirmant chrétiens ou judéo-chrétiens, par opposition à l’islam, ils mettent en avant ce qui divise la société et non ce qui rassemble les citoyens.
Chacun arrive, non pas seulement porteur de son identité personnelle, mais imposant à tous son appartenance à une communauté, à tel point que s’éloigne à chaque fois un peu plus la communauté nationale.
Rappelons que si l’appartenance à une communauté est un besoin naturel et légitime, le communautarisme commence lorsque l’on fait passer l’intérêt de sa communauté et de ses membres avant l’intérêt général.
par David Nakache