Le conseiller municipal revient sur ce qu’il vit comme « une trahison », depuis qu’il a perdu ses délégations au cinéma et à la protection animale, il y a un mois à Nice.
Dans le bureau de Henry-Jean Servat au quatrième étage de la mairie de Nice, rien n’a bougé, pas de cartons en vue, tous ses bibelots sentimentaux et objets collectors sont exposés et empilés gaiement. Les traces d’une vie à côtoyer la jet-set et les animaux. La passion transpire des murs.
Henry-Jean Servat, ami des stars et meilleur ami des animaux, est entré en politique, il y a trois ans pour œuvrer pour la cause animale. Il a alors été élu sur la liste de Christian Estrosi. Les 21 et 22 juin derniers, le maire de Nice lui retire ses deux délégations, celle au cinéma et celle à la protection animale l’une après l’autre. L’édile niçois évoque une « rupture de confiance ».
Henry-Jean Servat a émis des propos critiques en interview, notamment envers la politique culturelle de la ville. Ce dernier n’étant pas du même avis que la majorité auquel il appartient sur la destruction du TNN, les statues de Richard Orlinski ou encore la tendance woke de l’Opéra de Nice. Depuis, une vague de soutien perdure sur ses réseaux sociaux. Entre-temps, l’élu a demandé la réattribution de ses fonctions mais, silence radio du côté de la municipalité qui semble avoir tourné la page de cette affaire.
Il continue cependant à agir par d’autres moyens. Il est notamment intervenu via la Fondation Brigitte Bardot pour que les moutons retrouvés entassés dans un appartement de Nice à la période de l’Aïd soient donnés à des sanctuaires.
Comment allez-vous depuis que vous avez perdu vos deux délégations, il y a déjà presque un mois ?
Pour être franc, je vais bien. Je reste un peu sonné par la brutalité et par l’injustice de ce qui s’est passé et je trouve que c’est une véritable trahison. Une trahison faite aux animaux, pas à moi, mon destin dans l’affaire n’a aucune importance.
Je suis venu à Nice par l’invitation de Christian Estrosi que pour m’occuper des animaux et du cinéma, ni pour l’argent, ni pour les photos, ni pour les honneurs. Je suis venu pour vraiment travailler et j’ai travaillé, la preuve les résultats sont là. Je suis très choqué par le tour que cela a pris. Si quelqu’un est ridicule dans l’affaire, ce n’est pas moi.
Exprimez-vous certains regrets ?
J’ai plein de trucs à faire, j’ai du travail pendant dix ans. Ce que je regrette, c’est pour les animaux. Le cinéma, encore, peut vivre sans moi, les animaux ont du mal. Ce qui me fait plaisir dans le débordement de soutien que j’ai reçu, c’est que les gens ont reconnu l’authenticité et la sincérité de ma démarche. Ce qui me plaît, c’est que les gens ont compris qu’il y avait à Nice, une ville qui n’était pas réputée pour particulièrement aimer les animaux, une réelle envie d’arranger le sort des animaux.
Tout le monde a cru, moi le premier, qu’on allait pouvoir vraiment changer les choses, à partir de Nice, qu’on allait pouvoir donner de l’espoir aux gens. J’en veux beaucoup au maire de Nice parce qu’il a brisé ce rêve. Je suis mêlé à une trahison incommensurable, impensable, inqualifiable qui est faite aux animaux.
Au moment où vous prononcez les propos qui vous ont fait du tort, vous ne vous doutez pas de la suite des événements ?
Reprenez mes propos depuis le début. Est-ce que j’ai le moindre terme désobligeant sur le maire de Nice ? Absolument pas, ni sur son équipe, ni sur rien. Je suis habitué à faire des émissions de télévision, à avoir un franc-parler et puis je ne pensais pas qu’à Nice la parole était cadenassée. Je suis le premier étonné de voir que l’on ne peut pas dire que les statues sont moches surtout qu’elles sont moches, 67% des Niçois les trouvent moches selon un sondage réalisé par Nice-Presse. En plus, dans un premier temps, j’ai présenté mes regrets puis j’ai présenté mes excuses. J’insiste, je trouve qu’il y a une trahison faite aux animaux.
Quand j’ai présenté, mes excuses et mes regrets, je vous jure, je me suis assis sur mon ego, pour les animaux et j’ai eu face à moi des gens qui se mettaient assis sur rien du tout. Je ne polémiquerai jamais. Je ne veux même plus savoir que cette histoire ait existé. Les gens sont juges de ce que j’ai fait, de ce que j’ai dit. Je laisse les Niçois juges d’apprécier la situation.
Envisagez-vous de démissionner du conseil municipal ?
Il y a quelqu’un de l’équipe qui m’a dit : « Henry-Jean, ce n’est pas à toi que je souhaite du courage, c’est à nous, parce que toute l’équipe va t’avoir encore pendant trois ans sur le bout des doigts comme le sparadrap du capitaine Haddock. On va plus pouvoir se séparer de toi. »
Je pense qu’ils pensaient que je partirai mais évidemment que non je ne partirai pas. J’ai une dette envers les animaux et je ne les abandonnerai pas. Le cinéma, c’est différent. Que Nice laisse sombrer le cinéma, c’est triste mais ce que je trouve insupportable, c’est qu’on puisse maltraiter les animaux. Je ne démissionnerai jamais.
Quelle est la nature des relations actuelles que vous entretenez avec la municipalité après cette “rupture de confiance” ?
Le dialogue a été coupé dès le début parce quand cette histoire s’est passée, le maire m’a téléphoné après la publication de mes propos. On a parlé au téléphone plutôt gentiment. Depuis ce temps-là je n’ai plus aucun contact. Ça fait un mois que ça dure, personne ne m’a appelé. Je sais qu’on va me sortir de mon bureau, je trouve ça absolument scandaleux.
Moi je veux travailler pour les animaux, je veux m’occuper du cinéma. On m’a retiré mes délégations, je ne peux plus rien faire. On m’a tendu des mains. Il y a un groupe d’extrême droite (ndlr Retrouver Nice) qui m’a proposé de les rejoindre, ce ne sont pas mes idées politiques. Tout le monde même dans des villes proches de Nice, m’ont tendu la main. Je vais donc accepter des projets ailleurs.
Est-ce que vous-avez pu échanger avec ceux qui ont récupérer vos délégations ?
Il y a eu une personne que j’aime beaucoup, il a beaucoup de travail, et il va en avoir trop avec les animaux, c’est Richard Chemla. Il m’a appelé, il est venu me voir, c’est un garçon absolument formidable. J’ai toute la sympathie du monde et beaucoup d’amitié envers lui. À part ça, j’ai des contacts avec personne.
Quand vous voulez travailler avec des gens, qu’ils ne vous répondent pas, qu’ils vous ferment les volets, qu’ils ne répondent ni aux sms, ni aux messages, ni aux lettres, c’est impossible. Par exemple, c’est quand même moi, avec une partie de l’équipe de la Cinémathèque, qui avons fait le programme des projections du Quai de la Douane. Je ne suis pas autorisé à aller présenter les films, c’est moi qui les connais pas cœur, je peux en parler pendant 25 minutes avant la projection sans note. Faut vraiment être idiot pour faire ça.
Vous disiez chez Nice Matin « Ce qui m’a fait aimer Nice, c’est Estrosi », maintenant que la situation est celle qu’elle est, vous engagez en politique ailleurs serait une possibilité pour vous ?
Je ne vais pas renier ce que j’ai dit mais je crois que c’est Estrosi qui ne m’aime pas. Il m’a fait aimer Nice parce qu’il en parlait bien. Mais je ne vais pas me coller à quelqu’un qui ne veut plus que je l’aime.
Cependant, je n’arrête pas. J’avais des projets et des objectifs extrêmement clairs. Je voulais que Nice devienne la capitale du bien-être animal en Europe. J’ai les même idées en tête donc je vais continuer. Comme je n’ai plus de pouvoir, on m’a proposé des moyens de continuer à faire ce que je faisais autrement. J’aurais aimé continuer de le faire avec la municipalité mais elle ne veut pas. Il a coupé les ponts, je prends acte et j’irai voir ailleurs par force et par envie de continuer à agir.
Quel bilan tirez-vous de ces trois années à œuvrer au sein de la majorité ?
Le bilan, ce n’est pas à moi de le dire. Bien-sûr que je suis content de moi, mais c’est aux gens de le dire. Je ne suis pas Niçois, je le suis d’adoption, c’est encore plus fort car j’ai choisi d’habiter à Nice. Dans les rues de la ville, je me fais arrêter tous les trois mètres, peut-être que c’est parce que j’ai fait des émissions télé mais c’est aussi pour me dire bravo.
Un Niçois sur deux a un animal de compagnie, et les gens sont contents. Il y a deux plages où ils peuvent les emmener, je voulais en faire une troisième. Il y a plein d’espaces verts où on peut mettre les chiens. On peut les mettre dans les trams, dans les bureaux, ce sont mes idées. La mairie a suivi, mais ce sont des idées de Henry-Jean Servat. Mon bilan, j’en suis content. Je regrette qu’on ait cisaillé les ailes de ce rêve.
Quels sont les combats les plus urgents à vos yeux sur lesquels vous aimeriez attirer l’attention ?
Il y a deux choses qui me bouleversent le plus. Il y a les animaux d’abattoir. Je ne mange plus d’animaux depuis longtemps grâce à Brigitte Bardot, c’est elle qui m’a convertie. Tous les jours, on tue des animaux de façon épouvantable, c’est atroce.
Et l’autre chose à laquelle je pense, ce sont les chats des rues. J’aurais aimé que le gouvernement français décrète une journée nationale du chat. Plus on les laisse proliférer, plus ils vont être malheureux. Il faudrait stériliser tous les chats et arrêter cette prolifération.
Qu’est ce qu’on peut vous souhaitez pour le futur ?
Que le vent d’espoir qui a pris naissance à Nice continue à balayer l’Europe ! Je vais me présenter aux élections européennes sur la liste du Parti animaliste. Mon engagement ne faiblit pas. Je suis en train d’écrire quatre livres, de tourner deux documentaires. Je prépare des expositions. Qu’on me souhaite bonne chance dans mon travail que je n’avais pas eu le temps de faire jusqu’à maintenant. Et puis, ce que je souhaite moi pour la ville de Nice, c’est qu’il y ait un vent de tolérance et de liberté.