Après Paris et Toulouse, le bus « Tacle HIV » s’arrête dans le village rugby de Nice aménagé pour la Coupe du monde 2023. Portée par Gareth Thomas, ancien rugbyman international, cette initiative souhaite sensibiliser et éduquer le grand public autour du VIH.
L’ancienne star du rugby gallois est le premier rugbyman à avoir fait son coming-out, en 2009. Dix ans plus tard, il dévoile sa séropositivité. Face à un sondage révélant des chiffres inquiétants, selon lequel un tiers des personnes pratiquant un sport de contact ne voulait pas jouer si un adversaire était séropositif, il lance la campagne « Tackle HIV » en 2020. Une campagne en partenariat avec ViiV Healthcare et l’association caritative Terrence Higgins Trust. En France, l’association Aides soutient ce projet.
À bord du bus « Tackle HIV », littéralement « plaquer le VIH » en français, Gareth Thomas sillonne les routes de France s’arrêtant dans les villes hôtes de la Coupe du monde de rugby. Son objectif : lutter contre les préjugés persistants autour du VIH, et ce, en s’adressant à un public attaché au monde du sport dans lequel le sujet reste toujours tabou. Il en est convaincu, le rugby et le sport en général ont « le pouvoir d’impusler des changements sociaux positifs pour les individus et aussi pour les communautés ».
De nombreuses fausses informations circulent encore quarante ans après la découverte du VIH et elles sont toujours sources de discriminations et de stigmatisations pour les personnes concernées. Ce qui provoque entres autres « un recul du diagnostic et de l’accès au soin ». En France, elles sont 180 000 à vivre avec le virus et 14% d’entre elles n’ont pas connaissance de leur séropositivité.
Des préjugés tenaces sources de violences…
Selon l’enquête Positive Perspectives pour ViiV Healthcare, en France, plus de 7 personnes séropositives au VIH sur 10 ont connu une forme de stigmatisation liée à leur séropositivité au cours des 12 derniers mois. Le tiktoker Supersero aux plus de 180 000 followers était présent pour témoigner du harcèlement qu’il vit et des menaces de mort qu’il reçoit au quotidien, car il a choisi de libérer la parole sur ses réseaux sociaux. « Encore cette nuit, j’ai reçu quatre appels à deux heures du matin m’expliquant qu’il fallait qu’on m’égorge », rapporte-t-il.
« On est passé d’une maladie mortelle à une maladie chronique et alors même que les progrès scientifiques ont été exceptionnels, les mentalités ont peu évolué », déplore Richard Chemla, adjoint au maire de Nice à la santé. Près d’un tiers des 18-24 ans pense que le VIH peut se transmettre en ayant des rapports sexuels protégés, selon une étude Ifop publiée en 2019.
Et la communication a un rôle majeur dans la méconnaissance de ce virus de l’immunodéficience humaine, selon les intervenants du jour. Gareth Thomas se bat pour rappeler que « le VIH peut affecter et affecte n’importe qui mais il est toujours perçu comme le virus qui affecte seulement les hommes gays ou bisexuels ».
L’ancien capitaine du XV Gallois tient à éclaircir d’autres idées reçues : « le seul moyen de connaître son statut est de se faire tester » et « quelqu’un comme moi qui suit un traitement efficace contre le VIH ne peut pas transmettre le virus par un contact sexuel ».
…face à un manque de communication et d’éducation
« On est à un moment où le sujet n’est plus médiatique alors qu‘il n’y a jamais autant de personnes vivant avec le VIH », regrette Jean-Luc Romero, adjoint à la mairie de Paris en charge de la lutte contre les discriminations. Le président des Élus Locaux Contre le Sida, lui-même homosexuel et séropositif depuis 35 ans revendique que « la visibilité est importante, la visibilité dans le sport de l’homosexualité est essentielle mais la visibilité du VIH est certainement aujourd’hui un des points cruciaux« .
« On a pratiquement gagné la bataille thérapeutique, mais on a perdu pour l’instant la bataille de la communication« , confirme le docteur Richard Chemla. Gareth Thomas pointe le pouvoir que la presse a à déployer dans cette bataille : « Peut-être que moi dans le bus, je vais rencontrer une centaine de personnes à la journée, mais vous quand vous utilisez votre stylo ou votre ordinateur pour écrire, vous vous adressez à des milliers voir des millions de personnes. Donc quand vous écrivez, vous devez mettre en avant les faits, la vérité, quand vous écrivez pour commémorer, vous devez commémorer la science, la médecine« .
Pour Erwan Le Hô, vice président du Core VIH PACA Est et président de l’association Objectif Sida Zéro, pour lutter contre les stigmas qui entourent le VIH, « il faudrait commencer par appliquer la loi« .
En France, la législation prévoit a minima trois séances d’éducation et de prévention autour de la sexualité par an dans les écoles, collèges et lycées. En mars dernier, les associations SOS Homophobie, Sidaction et le Planning familial ont attaqué l’Etat en justice pour le contraindre à appliquer la loi.
Un bus à vocation pédagogique
Le bus stationné à l’entrée de la fan zone permet à l’équipe de Tackle HIV d’informer et de faire de la prévention pendant deux journées à Nice, avant de reprendre la route vers Londres. À l’intérieur, une expérience immersive est proposée.
Grâce à un casque de réalité virtuelle, chacun peut se retrouver plongé dans le quotidien d’une personne séropositive. Un quotidien qui peut être ponctué de situations embarrassantes, de sentiments de honte, de stigmas et d’angoisses, que ce soit au travail, dans l’intimité ou en société, nous montre l’animation, avant de dispenser quelques conseils.