Lorsque le Royaume-Uni a rejoint ce qu’on appelait encore la Communauté Economique Européenne, en 1973, il était à l’arrière-garde de l’intégration européenne.
La question soulevée par le référendum de juin prochain sur le maintien dans l’Union est désormais celle-ci : les Britanniques formeront-ils l’avant-garde de sa désintégration ?
Le problème n’est pas tant celui de l’accord assez insignifiant récemment conclu par le Premier ministre David Cameron avec ses collègues de l’UE. Il est en effet difficile de croire que c’est le jugement des Britanniques sur cet accord qui déterminera le choix fatidique de juin.
La vraie question est de savoir si l’appartenance à l’UE présente encore suffisamment d’avantages pour compenser la perte de souveraineté qu’elle entraîne.
Le débat va bien au-delà du cas britannique. Beaucoup, dans l’Union, ont pourtant du mal à répondre à la question, car ce qui touche à l’Europe conserve une forte charge émotionnelle.
Dans la plupart des pays de l’UE, des pans entiers de l’opinion publique expriment leur insatisfaction vis-à-vis de l’Union et leur sympathie croissante pour les sirènes nationalistes.
Ce à quoi de nombreux responsables politiques répondent par de grands discours pro-européens doublés de solutions purement nationales. Cette position incohérente – quand elle n’est pas cynique – conduit l’Europe dans une impasse.
Les avantages économiques que confère la qualité de membre de l’UE doivent être sérieusement discutés.
Les économistes voient l’intégration régionale comme un arbitrage entre les économies d’échelle et les préférences de chacun. Des pays qui s’associent gagnent en efficacité et en influence, mais doivent consentir à des politiques qui ne correspondent pas exactement à ce qu’ils auraient choisi eux-mêmes.
Ainsi, leurs entreprises ont accès à un marché plus vaste et leurs consommateurs bénéficient de prix réduits, mais dans un cadre réglementaire qui ne leur donne pas entière satisfaction.
Rien n’indique non plus que l’UE se soit aventurée dans des domaines où elle ne produirait pas de valeur ajoutée. Le premier gouvernement Cameron a lancé, en 2012, une « revue des compétences de l’UE », afin de déterminer celles qui devaient revenir au pays et celles qui devaient rester entre les mains de l’Union.
Après une vaste consultation publique et pas moins de trente-deux rapports, l’enquête n’a débouché sur aucune demande significative de rapatriement de compétences.
Malgré toutes ses faiblesses, l’UE est un acteur économique de poids, qui contribue à façonner le monde autour d’elle.
Elle produit des normes, elle négocie et elle fait respecter des règles : par là son influence est considérablement plus grande que ne l’admettent ses opposants.
Construite elle-même sur des règles, elle est le meilleur champion de l’interdépendance économique régulée. Ne serait-ce que pour ces raisons, s’en dispenser serait tenter un pari risqué.
Si les arguments rationnels n’y poussent pas, pourquoi vouloir quitter l’UE ? En partie parce qu’elle a déçu. Mais c’est une raison de la réformer, plutôt que de l’abandonner.
En partie parce que la démocratie transnationale piétine. Mais la réponse est d’y travailler plutôt que d’y renoncer.
En partie parce que le ciment émotionnel qui maintenait l’Europe unie s’est fissuré avec le temps. Mais c’est une raison pour la réformer.
En partie, enfin, parce que le chauvinisme a le vent en poupe. Mais ce n’est pas une raison pour y céder.
par Garibaldino