La situation sociale laisse perplexe sur l’existence d’un mouvement social à proprement dit, c’est-à-dire un mouvement ample, mobilisateur, où tous les salariés se retrouvent pour débrayer et agir.
En revanche, la stratégie de la CGT, fondée sur des blocages ciblés touchant les réseaux (le pétrole, l’électricité, et marginalement les chemins de fer) pose véritablement la question de la nature, des intentions, de la volonté qui est à l’oeuvre aujourd’hui.
En « consommant » beaucoup moins d’hommes et d’énergie militante, ces actions ont une efficacité redoutable et causent des dommages substantiels à l’économie du pays.
Il est difficile de ne pas questionner ici sur l’utilité de mener une insurrection en bloquant la société sournoisement.
Inutile de s’appesantir sur les trois types de sabotage ouvrier : ralentir le travail, du «vas-y mollo» à la grève du zèle, casser les machines, ou en entraver la marche ou encore ébruiter les secrets de l’entreprise. Élargis aux dimensions de l’usine sociale, les principes du sabotage se généralisent de la production à la circulation.
L’infrastructure technique de la métropole est vulnérable: ses flux ne sont pas seulement transports de personnes et de marchandises, informations et énergie circulent à travers des réseaux de fils, de fibres et de canalisations, qu’il est possible d’attaquer. Saboter avec quelque conséquence la machine sociale implique aujourd’hui de reconquérir et réinventer les moyens d’interrompre ses réseaux.
La CGT est en train d’adapter le manuel de l’insurrection à la légalité syndicale. Le blocage des centrales électriques ou des raffineries de pétrole revient à bloquer la circulation de la « machine sociale » sans commettre d’actes de vandalisme répréhensibles.
L’insurrection de la CGT est légale mais elle n’en est pas moins efficace, ni dangereuse.
Le chantage exercé, semble-t-il, par la CGT sur la presse pour que celle-ci publie une tribune de Philippe Martinez sous peine de ne pouvoir paraître, en dit long sur les manœuvres qui se déroule en coulisse.
On a du mal à le croire, mais la dictature du prolétariat, que le parti communiste n’a pu imposer en 1921, ni en 1944, ni en 1947, a commencé à pointer le bout de son nez en 2016.
Il aura fallu presque cent ans pour que les communistes français parviennent à imiter, en France, leurs amis soviétiques de 1917.
D’ailleurs c’est bien le camarade Lenine qui, dans son pamphlet » Etat et révolution », préconisait que « les minorités actives font l’histoire », non ?