Ce village, situé au fonds de la vallée de la Tinée et menacé par la Blanquière minée par les eaux, se situe à 1140 mètres d’altitude, cerné par les hauts sommets dont certains dépassent deux mille mètres. Saint Etienne s’est développé grâce à sa situation et la confluence de deux cours d’eau : la Tinée et son confluent l’Ardon
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A Saint-Etienne, l’eau a une dimension spécifique et les promeneurs l’auront très vite compris en déambulant le long de la Tinée ou en dépassant la gare de la télécabine de la Pinatelle. D’ailleurs dans ce village les pierres croissent avec l’eau. Ce n’est pas une galéjade.
Le tuf où poussent les mousses facilite les dépôts calcaires. La roche par chimiosynthèse emprisonne les végétaux, les mousses se développent et le tuf augmente. Les pierres ainsi grandissent. L’eau a toujours été pour les oiseaux un paradis. Les bergeronnettes ou lavandières (le battement de leur queue leur vaut ce surnom) arpentent les ruisseaux ou rivières en quête de leur pitance : insectes, crustacés ou petit poissons. Le cingle plongeur ou merle d’eau est un oiseau assez surprenant, il marche sous l’eau à contre-courant, happant au passage sa nourriture faite d’insectes et mollusques.
Les bordures de rivières sont parsemées d’arbres : aulnes blancs, bouleau verruqueux, peupliers noirs, osiers blancs et saules dont les racines fixent les berges. Le saule, de par son écorce contenant de l’acide salicylique, sert à la fabrication de l’aspirine. Il y a de l’eau, un courant continu, on peut y installer des moulins.
En 1870 saint Etienne de Tinée en comptait cinq. La production de farine répondait aux besoins d’une population vivant essentiellement en autarcie. Les voies de communication ne seront réellement ouvertes qu’avec le début du XX° siècle et la passion du baron de Cessole pour la montagne et le ski. La rivière est source de vie, berceau des poissons et des insectes, chacun jouant son rôle dans la chaîne alimentaire.
Hélas l’homme est venu la perturber en rompant le délicat équilibre de la nature. Nous sommes à plus de mille mètres d’altitude, cerné par de hauts sommets où s’étalent paresseusement des lacs d’altitude. En 1927 un projet audacieux visait à utiliser la force hydrographique de ces lacs : Vens, Marie et Ténibre. Une voie d’accès avait été aménagée pour faciliter le travail des techniciens.
La seconde guerre mondiale en 1939 fit abandonner ce projet. Il en reste le chemin de l’énergie avec ses ouvrages d’art. A saint Dalmas le Selvage les eaux sont captées et amenées par le canal d’Ublan, alimentant en eau le quartier éponyme. Saint Etienne possède de nombreuses fontaines dont celle de Bischoffsheim datant de 1898.
Sur sa place se déroule la vie et les grands moments de ce village. En face du torrent de l’Ardon et proche de la chapelle sainte Marie Madeleine, une autre fontaine dédiée à cette sainte agrémente de son chant cristallin le village. Ce sont les deux principales.
L’Ardon, affluent de la Tinée descend de la vacherie de Demendols, il est augmenté des eaux de la cascade du pis de l’Aigo. Saint Etienne de Tinée est une histoire d’eau, pour son profit et son malheur. Le glissement de terrain de la Clapière est son épée de Damoclès. Si le lit de la Tinée était obturé par la Clapière, le village serait certainement englouti.
Cette masse de terre imposante est surveillée et les Stéphanois protégés par leur église et leurs nombreuses chapelles et oratoires dont certains sont des chefs d’œuvres, vivent avant de craindre, c’est l’expression de la foi de tout un village confiant en sa destinée.
Thierry Jan