Quand le visiteur arrive à la villa Arson, il se demande toujours : par où commencer ? Un panneau attire son attention : BLUE SKY CATASTROPHE.
Cette exposition est l’ouvrage collectif de trois artistes ukrainiens : Victor Korwic, Vyacheslav Sokolov et Roman Yukhimchyuk. Les trois artistes ont choisi la symbolique pour évoquer le drame actuel que traverse leur pays.
Les échelles grimpent vers le ciel, vers la lumière et la liberté. La pièce est entièrement noire, des photos et des vidéos se mêlent aux échelles. La seule issue, la seule sortie : l’échelle ou plutôt les échelles. Blue sky catastrophe : la catastrophe arrive par beau temps !
Ces trois artistes nous interpellent sur le sort de leur petit pays agressé par le géant voisin ; ils n’ont que des échelles, ces petites fenêtres, seules lueurs d’espoir et de liberté. En quittant les échelles ukrainiennes, poursuivant notre visite, c’est Emmanuelle Lainé qui nous accueille et rare privilège, nous invite à découvrir son atelier.
On ressent sa colère, mais poursuivons. « Je travaille à l’envers ! » nous dit-elle. Le peintre, le sculpteur, le plasticien, l’écrivain ou le musicien partent d’un thème, d’une idée ou d’un sujet précis pour réaliser leurs œuvres. Cette artiste bouscule cette genèse de l’œuvre.
Elle entasse, accumule et regroupe divers objets de toute nature, souvent hétéroclites ; peu à peu le thème s’impose, écrire un mot, c’est déjà un message. Emmanuelle Lainé démontre l’absurdité de notre société de consommation. Notre civilisation occidentale fonce à brides abattues vers l’abime. Pour exister il faut consommer. L’artiste a disposé ces divers objets et ils gisent devant nous. On pourrait assimiler son travail à une performance, une œuvre éphémère durant le temps de l’exposition.
Oui elle travaille à l’envers, c’est bien à partir du tout, de l’ensemble que l’on décrypte l’essence de son travail. Message ? Oui et non, c’est à chacun d’entre nous d’y apporter notre réponse et de prendre conscience du caractère vain de cette société condamner à poursuivre la course en avant, vers l’abime.
Eva Barto fait d’une certaine façon écho à Emmanuelle Lainé. Elle dénonce la cupidité du capitalisme et à l’occasion nous fait une leçon d’histoire avec la naissance de la bourse de New-York le 17 mai 1792 avec les accords de Buttonwood. La salle est jonchée de bout de papiers, salle de bourse avec la corbeille ! Chiffons, mégots, tout un décor reconstitué.
L’artiste évoque l’histoire de Pierre Joseph Arson (on est d’une certaine façon chez lui). Au début du XIX° il se ruina dans la quête d’un absolu, Balzac s’en inspira dans La Recherche de l’Absolu. Avec Eva Barto tout commence avec un cale-porte. Chaque élément est important, en enlever un seul, même cette pépite d’argent égarée contre un mur, romprait l’équilibre. Un plan nous est fourni et chaque détail expliqué.
Un peu une chasse au trésor, il faut plus d’une heure pour tout voir et bien comprendre. Eva Barto nous démontre le mécanisme du capitalisme, ce Léviathan se dévorant lui-même dans une course impossible à arrêter et où l’humanité va à sa destruction. Echo d’Emmanuelle Lainé ? Certainement, le moteur du capitalisme étant la consommation.
Ces trois expositions sont une sorte de : J’Accuse ! J’accuse l’impérialisme pour les Ukrainiens, j’accuse la société de consommation pour Emmanuelle et Eva. Trois expositions à la Villa Arson visibles jusqu’au 29 août 2016.
Thierry Jan