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22 novembre 2024

La « Vedova scaltra » à l’Opéra de Nice: rusée…et joyeuse!

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2921.jpgLa légèreté musicale sied bien aux premières chaleurs printanières. Ce mercredi 25 avril à l’Opéra de Nice, la répétition générale de l’œuvre de Wolf-Ferrari, « La Vedova scaltra », avait de quoi divertir le public. En fait, il s’agit d’une intrigue plutôt mince qui se raconte comme une bonne blague en quelques minutes au comptoir d’un bistrot. Une jeune veuve du nom de Rosaura se fait courtiser par quatre prétendants de nationalités différentes : italienne, française, anglaise et espagnole. Un abécédaire d’Europe des nations avec force stéréotypes, exacerbations patriotiques… et travers culturels. La dignité coincée du Grand d’Espagne, le pédantisme du Français, parisien de surcroît (un malheur n’arrive jamais seul !), la jalousie maladive de l’Italien forcément macho et l’alcoolisme chic de l’Anglais, évidemment en dehors de ses frontières. A voir ces personnages, on en viendrait presque à plaindre Bruxelles et l’Europe. A priori donc, rien d’exceptionnel.

Mais c’était sans compter sur Carlo Goldoni, auteur de cette comédie lyrique et dont l’esprit facétieux a probablement dû inspirer le metteur en scène René Koering, exceptionnel dans sa direction d’acteurs de cette production initiale de l’Opéra de Montpellier. Il faut dire que l’action se situe à Venise, ville natale de l’écrivain, et où, même la fête terminée, les masques ne tombent jamais complètement.

Tour de force de cette production, ce scénario à l’origine insipide est nourri, gavé comme une oie devrait-on dire, de quiproquos, de gags scéniques et de lazzi de tout poil (et même presque à poil pour l’une des figurantes érigée en statue !) au point de friser l’indigestion de rires. Seule la panse du pauvre valet d’auberge, Arlecchino, rôle magnifiquement interprété par Evgueniy Alexiev, restera définitivement vide, au plus grand bénéfice sans doute de son jeu vocal à la fois pétillant et clair. Celle qui lui donne souvent la réplique dans le rôle de Marionnette (Henriette Bonde-Hansen), la servante française de la Veuve, mérite aussi la citation pour les mêmes raisons. A mettre également au crédit de ce travail d’équipe, apparemment bien soudée, la volonté évidente de multiplier clins d’œil et autres coups de chapeau aux Anciens. Ce qui vient enrichir le « plat principal » de références variées, aussi artistiques qu’éminemment politiques : des serveuses d’auberge qui ressemblent à des playmates d’un célèbre magazine américain, un tableau à la Andy Warhol où figure le portrait du metteur en scène en guise d’ornement intérieur du domicile de la « Veuve », laquelle, de son côté, s’affaire autour d’une toile qui retournée face au public, représente le chef d’Orchestre Marco Guidarini en train de diriger, toujours aussi brillamment afin de ne pas couvrir les voix des artistes. On notera le passage évanescent en plein milieu de la scène d’une copie – presque – conforme du Tadzio viscontien de « mort à Venise », en double hommage au réalisateur et au compositeur Gustav Mahler. L’arrivée en gondole du Grand d’Espagne, drapé comme son entourage dans le plus sombre des noirs, sa majestueuse voix de basse (Giovanni Furlanetto) font immanquablement penser à la statue, aussi figée que le personnage de Don Alvaro, du Commandeur dans le Don Giovanni de Mozart. Autre révérence probable. Mais l’Italie sait aussi rire d’elle-même : aux premiers airs « Fortissimi » du soupirant italien (Andrea Giovannini) sous la lumière d’un projecteur, il sort son mouchoir qu’il tient dans une main, pas encore celle du maître Pavarotti.

L’humour très politique de Goldoni flottait sur la scène du théâtre de l’opéra niçois: de véritables saynètes désopilantes tirent à vue sur la télévision abêtissante de Silvio Berlusconi. Elles rivalisent avec des parodies modernes d’épisodes burlesques des poésies de Boccace où des téléphones roses « tombent du ciel » pour le plus grand « plaisir » des bonnes sœurs. Les mauvais souvenirs de l’éducation religieuse de l’écrivain refaisaient sans doute surface. Rappelons que le compositeur Wolf-Ferrari, lui-même né d’un père allemand et d’une mère italienne, sera soumis aux premières influences musicales, très partagées entre le « Barbier de Séville » de Rossini en 1888 et du « Tristan et Isolde » de Wagner présenté un an plus tard.

Ce véritable feu d’artifice de loufoqueries alterne avec quelques airs sympathiques. In fine pas de prétention mais plutôt une belle fête, une heureuse « réjouissance » à l’image des considérations de Goldoni sur le mariage : « une marmelade, une confiture, une friandise ! ».

La Vedova scaltra

Comédie lyrique en trois actes basée sur la comédie éponyme de Carlo Goldoni (1707-1793). Musique de Ermanno Wolf-Ferrari (1876-1948).

Vendredi 27 avril 2007 – 20h00
Dimanche 29 avril – 14h30
Mercredi 2 mai – 20h00

Opéra de Nice : 04 92 17 40 79

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