Lors d’une Master Class exceptionnelle, le cinéaste Robert Guédiguian a partagé sa vision du cinéma, de l’engagement politique, et de la condition humaine. Il a évoqué l’importance du doute, la nécessité de raconter des histoires qui incarnent des idées, et sa profonde réflexion sur la question des réfugiés. Retour sur une rencontre inspirante et pleine d’humanité.
Robert Guédiguian, réalisateur engagé et figure majeure du cinéma français, est connu pour ses films aux accents politiques et sociaux. Lors de cette Master Class, il a abordé des sujets au cœur de son œuvre : la remise en question des convictions, le rôle de la narration dans le cinéma et l’hospitalité envers les réfugiés. Avec une sincérité désarmante, il a livré une réflexion profonde sur la manière de faire du cinéma aujourd’hui tout en restant fidèle à ses idéaux.
L’art de la remise en question
Tout au long de son œuvre, Guédiguian ne cesse d’interroger les convictions, y compris les siennes. Dans des films comme La ville est tranquille ou Une histoire de fou, les personnages incarnent des idéaux, mais sont souvent confrontés à des dilemmes moraux et politiques. « Il faut montrer le réel sous un autre angle, remettre en cause ce qui semble évident« , explique le cinéaste. Cette approche dialectique, où les idées s’opposent et évoluent, confère à ses films une profondeur particulière.
Pour lui, la narration doit permettre ce changement de perspective. Elle « est plus forte que l’information » car elle permet d’incarner les idées, de les rendre vivantes. « Comme dans le théâtre grec, il s’agit d’un combat entre idées incarnées« , souligne-t-il, faisant référence à l’importance du dialogue pour créer un véritable drame, un récit en mouvement.
« L’humanité, c’est l’hospitalité«
La question des réfugiés est un sujet central dans la vie et l’œuvre de Guédiguian. « On n’a pas le droit de faire un film contemporain qui ne parle pas de cette question« , affirme-t-il avec conviction. Pour le cinéaste, l’accueil des réfugiés est la définition même de l’humanité. « L’inhumanité, c’est l’inhospitalité« , dit-il, condamnant sans réserve les discours nationalistes et racistes qui se sont multipliés dans le monde.
Il rappelle que personne ne quitte sa terre d’origine par choix, mais par nécessité. Cette réalité, souvent ignorée ou caricaturée, est au cœur de ses préoccupations. Critique des politiques migratoires actuelles, qu’il qualifie d’ »externalisation du problème« . Il plaide pour une réponse humanitaire et solidaire, loin des stratégies punitives ou de rejet.
Les réfugiés dans l’histoire et la mémoire : Missak Manouchian, une figure universelle
Dans son film L’Armée du crime, Guédiguian rend hommage à Missak Manouchian et aux résistants de l’affiche rouge, des étrangers morts pour la France. Ces combattants, généralement perçus comme des « étrangers », se sont battus pour des idéaux qui dépassent les frontières. « Ils ne sont pas morts pour Pétain, ils sont morts pour la France des droits de l’homme« , précise-t-il, rappelant que leur lutte n’était pas seulement patriotique, mais profondément universelle.
Ce film, comme la plupart des œuvres de Guédiguian, questionne l’engagement des réfugiés pour des causes qui dépassent les nations. Il souligne sans relâche que cette histoire reste actuelle, car les conflits et les exils continuent aujourd’hui.
« La narration doit laisser place à la magie«
Outre l’engagement politique, le cinéma de Guédiguian se caractérise par une dimension profondément humaine et poétique. « Il y a de la magie dans la vie quotidienne« , confie-t-il. Ce souci du détail et cette quête de sincérité transparaissent dans chacun de ses films, où le récit et l’émotion prennent le pas sur le discours politique pur.
Pour lui, les acteurs jouent un rôle clé dans cette magie narrative. Qu’ils soient professionnels ou non, il admire leur capacité à se dédoubler et incarner des idées. Ils restent connectés à la réalité de leurs personnages. L’alchimie entre engagement et humanité, jeu et sincérité, renforce le cinéma de Guédiguian.
Un engagement inébranlable et une ouverture au monde
À travers cette Master Class, Robert Guédiguian a rappelé que son engagement reste intact. Son cinéma, à la fois politique et humain, interroge les certitudes et dénonce les injustices tout en célébrant la dignité. Fidèle à ses convictions, Guédiguian laisse aussi place au doute et à la remise en question. Il propose un cinéma qui résonne avec notre époque tout en restant universel.