La Communauté internationale se mobilise à nouveau pour le Liban, pas seulement en paroles mais en actes: noria quasi ininterrompue d’avions américains et des pays arabes qui viennent livrer divers matériels militaires et de sécurité publique pour permettre à l’armée libanaise de ne pas s’embourber dans un combat avec les militants islamistes retranchés dans le camp de Nahr Al-Bared, activisme diplomatique des Occidentaux qui accélèrent les procédures en vue de faire passer la création, aux Nations Unies, d’un Tribunal International chargé de juger les auteurs de l’assassinat de Rafic Harriri, « visite de solidarité » du nouveau Ministre français des affaires étrangères qualifiée « d’excellente » par les autorités libanaises qui en espèrent rapidement une concrétisation sous la forme d’aides logistiques de Paris.
L’Europe, les Etats-Unis et un certain nombre de pays arabes sont donc pour une fois au diapason. Tous ces pays ont déjà fort à faire avec les meurtres interconfessionnels en Iraq, les rivalités fratricides entre Palestiniens en marge de leur conflit avec Israël et les menaces nucléaires iraniennes. Il faut absolument, selon eux, épargner au Liban cette spirale de violence. Même le Secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah semble faire profil bas en ne consacrant que les cinq dernières minutes d’un discours fleuve d’une heure, aux « lignes rouges » à ne pas franchir dans ces événements.
Les Libanais s’attendent pourtant au pire. Les trois premières explosions ont respecté, notent-ils avec cette ironie dont seuls sont capables dans cette dramatique situation les habitants du Pays du Cèdre, « la répartition confessionnelle comme dans nos films », pour respectivement frapper Chrétiens d’Ashrafié, Musulmans sunnites du quartier moderne de Verdun et Druzes des hauteurs de Aley. C’est-à-dire toute l’opposition à Damas. Ce qui vaut largement une signature aussi explicite que les probables résultats en pourcentage du dernier référendum en Syrie. Les Libanais craignent d’autres explosions dans les semaines à venir jusqu’à la mise en place du Tribunal international. L’installation de celui-ci privera définitivement d’arguments les forces obscures qui, à l’intérieur du Liban comme en provenance du grand voisin, tentent désespérément d’en torpiller la création tout en désignant clairement les coupables. Condamnée à sortir victorieuse de cette « opération » pour éviter l’effondrement total du pays, l’armée libanaise pourrait également faire émerger de ses rangs la personnalité adéquate à même de devenir le prochain Président de la République, poste réservé à un Chrétien depuis les accords de Taëf en 1989. L’actuel Commandant en Chef Michel Sleiman fait donc figure de favori en incarnant un chef perçu comme « juste » d’une armée majoritairement chiite, acclamée à son arrivée dans la très sunnite ville du nord, Tripoli. Armée, ultime symbole unitaire du pays? Comme un proverbe arabe l’affirme, du pire pourrait advenir le « meilleur »… toujours relatif lorsqu’il s’agit du Liban.