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22 novembre 2024

« Qu’Allah bénisse la France ! » : une allégorie platonicienne de la « cave » par Abd Al Malik.

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qu_Allah_benisse_la_France.jpg Se raconter. Sans fard ni narcissisme exacerbé. Sans fausse modestie ni triomphalisme excessif. Parler de soi n’est pas forcément une sinécure ou une thérapie. Le plus impressionnant peut-être dans cet ouvrage d’Abd Al Malik « Qu’Allah bénisse la France ! » se trouve dans la double capacité de décrire et de vivre, d’accompagner son propre cheminement. Dans l’après-coup, il devient à la fois acteur et metteur en scène de son parcours. Celui-ci n’est pas le moins du monde linéaire. Fils d’immigrés congolais, Régis, son prénom d’avant sa conversion à l’Islam, se retrouve dans une de ces cités de banlieue strasbourgeoise, famille de trois enfants abandonnée par un père « dont la terrible beauté devait semer le malheur autour de lui ». On devine aisément la suite. La suite justement: Celle sur laquelle s’affrontent des visions politiques parfois coincées entre condamnation totale et justification à tout prix, celle d’un mot lancé par un Ministre de l’intérieur devenu depuis Président de la République, celle qu’on demande à la presse de ne pas trop ébruiter de peur de faire des émules, celle qui fait déménager discrètement des témoins dont le courage de la plainte les plonge ensuite dans un enfer quotidien. Régis ne nous épargne rien des détails de cette vie souterraine et masquée des caves de HLM avec leurs règles, leurs clans, leurs butins et leurs dérives. La taille du larcin grandit avec lui : « flamber : tel était bien l’objectif unique », explique-t-il à propos de l’argent facile qui permet de gagner simultanément la « fille » et le respect de l’entourage. Réussite de l’Education nationale? résultat de sa clairvoyance intellectuelle? intervention divine ou simple hasard de calendrier? toujours est-il qu’il évite la drogue et rencontre l’Islam. La figure paternelle inconsciente change de lieu et de nature : fini l’engouement pour Jacques Mesrine ou Tony Montana, le héros du film Sarface. Comme les Renseignements Généraux le découvrent dans les années quatre-vingt dans des zones de non droit, l’installation d’un Imam de quartier provoque une chute sensible de la délinquance et un retour des « têtes blondes » dans les établissements scolaires. Régis devient Abd Al Malik et se « soumet » à un islam aussi structurant qu’exigeant : « mes nouveaux compagnons de jeux s’appelaient Sénèque, Camus Epictète… ». Méfiant des formes radicales de la religion dont il s’éloigne, l’auteur suit sa « lumière intérieure », qu’il exprime en premier lieu sur un support musical. La voie soufie lui offrira de vivre sa foi « décalée mais réelle ». Au lieu d’un Islam des banlieues, il se paie « la banlieue de l’islam » . « Conversion passionnée » confie l’auteur, salvatrice aussi des tentations d’un Islam radical qui aurait pu le conduire vers des pays lointains et en guerre. Non sans contradiction, au prix d’un effort humain, d’un « djihad » personnel, Abd Al Malik poursuit sa route : il lit Ibn’ Arabi, aime et devient père. Au cœur de l’amour, il y décèle tout simplement l’amour de l’autre.

Abd Al Malik, « Qu’Allah Bénisse la France ! », Coll. « Espaces libres », Editions Albin Michel, 2007, 205 p.

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