Cet ouvrage de Claude Levy est un outil précieux pour mieux comprendre la presse sous la collaboration et le régime de Vichy. Jean Luchaire, un journaliste des années trente, ami d’Otto Abetz bien avant la guerre et même le nazisme est une sorte de romantique, rêvant de voir la France et l’Allemagne se réconcilier et s’unir pour construire l’Europe.
Si ces constructions utopistes nourries par Aristide Briand étaient possibles avant 1933, elles deviennent improbables après l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Jean Luchaire, dès cette période, en poursuivant cet idéal va se perdre et davantage encore après l’armistice de 1940. Est-il un traître ? Est-il un candide croyant aux belles paroles de son ami allemand ?
La lecture de ce livre ne répond pas vraiment à la question. Claude Levy nous montre tous les arcanes de ce régime de Vichy où la collaboration existait de la gauche, à la droite et comme sous la troisième république, tous ces politiciens de l’ancien régime le condamnaient et prêchait un ordre nouveau, une révolution nationale et l’Europe.
On remarquera avec intérêt la position pro-européenne de ceux qui, aujourd’hui, la condamnent au nom d’un frileux repli sur soi. Mais il est vrai qu’alors l’Europe était celle d’Hitler, du racisme et d’une dictature où l’homme n’était qu’un élément sans aucun droit, sinon d’obéir. Voilà pourquoi Vichy était un patchwork de tous les ratés et aigris de la troisième république, où ces laissés-pour-compte se vengeaient de leurs échecs.
Les positions anti-européennes, d’aujourd’hui, sont certainement la réaction inverse aux choix de 1940. Un livre en tout cas à lire car il permet de mieux comprendre les deux extrêmes d’aujourd’hui dont la similitude devrait interpeller les gens doués de raison.
Thierry Jan