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22 novembre 2024

Lettres d’amour de Beaumarchais et d’Amélie Houret de La Morinaie : entre l’écrire et le faire…

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beaumarchais-2.jpg On connaît dans les échanges épistolaires entre Balzac et Madame Hanska, la célèbre réplique : « Nous nous désirions sans nous voir, continuons à nous aimer sans nous parler ». Moins d’un siècle auparavant, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais se plaisait également à cultiver l’acte en l’enjolivant par la magie de sa plume. Toute une culture. Deux femmes, la légitime ainsi que sa « dernière maîtresse » en firent, nous disent Maurice et Evelyne Lever en introduction de l’ouvrage qu’ils consacrent à l’écrivain, la « douloureuse expérience ». Au gré d’une vie d’absolu libertin, où les rencontres féminines servent autant ses plaisirs charnels que ses intérêts professionnels, il est probable qu’elles ne furent pas les seules.

Un an après son troisième mariage mais deux avant la révolution française, soit en 1787, débute la correspondance entre l’aristocrate et Amélie Houret de La Morinaie. Fortuné et au faîte de sa gloire après le succès de ses pièces de théâtre, Beaumarchais reçoit d’Amélie une sollicitation financière à peine déguisée en demande de rendez-vous. Combat inégal et perdu d’avance entre une pauvre ingénue et un homme plus âgé, instruit par l’expérience ? « Très consciente de son charme, Amélie est trop habile pour se donner dès la première rencontre ». Tout émoustillé par une « jambe attaché au genou le mieux fait » et « un pied si furtif qu’on mettrait dans sa bouche », Beaumarchais perd donc en apparence le premier round. Mais au XVIIIème siècle, les jeux de la séduction sont cruels. Elle récupère quelques subsides, favorise l’octroi d’un emploi pour son frère mais lui obtient sa soumission. Son pouvoir littéraire fait le reste : « comment tenir une jolie femme sans rendre hommage à sa beauté ? », écrit-il en réponse au mémoire d’Amélie, lui révélant rapidement l’existence de « ses agitations tout à fait déplacées ». Immédiatement cru, le langage le deviendra davantage encore lorsqu’il devra suppléer aux défaillances physiques. Grand connaisseur de la psychologie féminine, Beaumarchais joue à la fois sur les tableaux de l’amour et du sexe : « ce n’est pas l’union de nos corps que je veux cimenter, c’est celle de nos âmes ». Il faut bien amadouer la belle. Ses écrits ultérieurs seront plus « anatomiques », quitte à choquer ces « bégueules de femmes ». Au ciel intensément bleu de la passion succèdent les sombres querelles de ménage. L’épouse exige le respect du mariage, l’amante réclame la même exclusivité, voire la maternité, « cet acte sacré » à même de « rendre plus auguste » leur passion. Après une tentative de suicide, Beaumarchais l’installe à domicile. Solution provisoire de quelques mois, le temps pour l’auteur du « Mariage de Figaro » de régler des affaires aussi politiques qu’embarrassantes dans cette période de tourmente révolutionnaire. Elle l’accuse bientôt de l’avoir trompée sur l’authenticité de son amour : « ce que votre esprit enchanteur savait dire, je le pris pour l’expression d’un amour vrai ». Elle lui reprochera finalement ses goûts pour les « tibériades », pratiques sexuelles qu’elle jugera « dégoûtantes », leur préférant « l’amour sans plaisir au plaisir sans amour ». Il rompt officiellement en 1792 et embarque pour Londres où il restera jusqu’en juillet 1796, histoire que la situation se calme…sur tous les fronts. Leur liaison reprend à son retour. Preuve que les lettres échangées ont servi de trait d’union et maintenu le rapport tout en l’analysant. « Nous avons mille choses à nous dire, traitons-les par écrit » lui prescrivait-il au début de leur liaison. Il ajoutera en 1788 : « il faut, amie que tu écrives, cela est nécessaire et sûr ». Maurice et Evelyne Lever évoquent même « une écriture qui lui tient lieu d’aphrodisiaque ». Amélie lui dira l’horreur que lui inspirent ces lettres emplies de passion qu’il adresse à toutes ces femmes, « des lettres circulaires ». Preuve, s’il en est, que ce lien ne sera jamais rompu, Amélie pourtant plus jeune, ne survivra que quelques semaines à la disparition de Beaumarchais.

Evelyne et Maurice Lever, « Pierre-Augustin de Beaumarchais et Amélie Houret de La Morinaie », « Lettres d’amour », Editions Fayard, 2007, 140 p., 15 euros.

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