A l’occasion des élections législatives en Italie, les yeux de l’Europe se braquent sur le pays. Si l’on en croit en effet les derniers sondages, ce membre fondateur de l’Union européenne pourrait se retrouver avec un Parlement largement acquis aux forces eurosceptiques et populistes. Celles-ci sont incarnées par Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, revenu sur le devant de la scène à 82 ans, et par le Mouvement 5 étoiles.
Fondé il y a moins de dix ans par le comique Beppe Grillo et l’entrepreneur multimédia Gianroberto Casaleggio, ce parti qui a longtemps refusé d’être classé comme tel pour ne pas être assimilé aux représentants d’une politique dont il dénonçait la corruption, est ainsi aujourd’hui le premier en termes d’intentions de vote, devant le Parti démocrate . S’il devait remporter les élections, son candidat Luigi Di Maio, 31 ans, pourrait ainsi accéder au poste de président du Conseil.
Mais s’il s’est désormais installé dans le paysage politique italien et européen (ses élus siègent au Parlement européen dans le Groupe pour la Liberté et la Démocratie directe), le “M5S”, comme on l’appelle en Italie, est encore relativement peu connu pour ce qui est de son histoire et de son fonctionnement.
Disruptif et prônant – et pratiquant parfois à l’extrême – la démocratie directe et la transparence absolue (quoique pratiquant un peu moins sur ce front-là), voire le qualificatif de “populiste” parce que réellement proche du peuple, le M5S est atypique et réellement innovant à plusieurs égards, tout en ayant des aspects obscurs quant à sa gestion, et une classe dirigeante dont la fraîcheur détonne avec l’homogénéité et le cynisme de la classe politique italienne, mais dont le dilettantisme s’est parfois révélé être un handicap.
Comment un mouvement issu d’une série de manifestations de protestation tous azimuts – les célèbres “Vaffanculo Days” –, organisées par Grillo, s’est-il transformé en machine de guerre électorale et est parvenu à récolter les fruits politiques de la colère grandissante des Italiens vis-à-vis de leurs institutions et de leur mécontentement face à une situation économique dont ils ne perçoivent pas d’amélioration depuis dix ans ? Comment a été mis en place et comment fonctionne “Rousseau”, la plateforme de démocratie participative conçue par Casaleggio pour gérer le processus décisionnel et électoral au sein du M5S ? Quelles sont les relations entre Grillo, le leader incontesté – quoique non élu – du Mouvement, et ses ouailles (ou adeptes, comme le sous-entendent les critiques), ainsi qu’entre les élus du M5S et la Casaleggio Associati, qui gère “Rousseau” ?
En fonction des résultats de cette élection , M5S pourrait révolutionner un paysage politique des plus complexes en Europe.
Un paysage sur lequel, comme il le rappelle, plane toujours l’ombre de Tancrède, le jeune révolutionnaire héros du Guépard de Giuseppe Tommasi di Lampedusa, qui devait “tout changer pour que rien ne change”.