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25 novembre 2024

Six propositions de l’association « Tous citoyens ! » pour un accueil digne et efficient des Mineurs Isolés Étrangers dans les Alpes-Maritimes

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Depuis plusieurs mois l’association « Tous citoyens ! » accompagne des mineurs isolés étrangers dans leurs démarches pour bénéficier de la protection de l’enfance dans les Alpes-Maritimes.

Ses bénévoles déclarent rencontrer à chaque étape de la procédure, de nombreuses difficultés.

Afin d’œuvrer de façon à la fois constructive et collaborative nous tenons à formuler des propositions concrètes permettant une meilleure prise en charge de ces adolescents en détresse.

« Il s’agit des conditions de possibilité préalables à tout accueil à la fois digne, humain
et efficace de ces mineurs dans notre département » ont affirmer ses dirigeants lors d’une conférence , hier dans une salle près de la Gare-Thiers.

Ces six propositions concrètes ne sont pas exhaustives. Elles sont le fruit des observations de terrain quotidiennes des bénévoles de l’association à Nice et dans les Alpes-Maritimes.

David Nakache, le président de Tous Citoyens : « Elles sont rendues publiques ce jour et sont également envoyées par courrier au Préfet des Alpes-Maritimes, au Président du Département 06, au Recteur d’Académie et au Défenseur des Droits ».


Les six propositions de l’association « Tous citoyens » pour une prise en charge digne et efficiente des mineurs isolés étrangers dans les Alpes-Maritimes :

1. Arrêt immédiat de tout refoulement à la frontière italienne des mineurs isolés étrangers :

Tout mineur isolé étranger présent sur le territoire national, du seul fait de son isolement, c’est-à-dire du fait qu’il n’ait ni parent ni tuteur légal pour s’occuper de lui, est considéré légalement comme vulnérable et doit bénéficier de l’aide sociale à l’enfance. Que son pays d’origine soit en guerre ou non, il ne s’agit pas ici du droit d’asile mais du droit à la protection de l’enfance.

Or la Préfecture des Alpes-Maritimes expulse régulièrement des mineurs isolés
à la frontière italienne et ces pratiques ont été condamnées deux fois par le Tribunal
Administratif de Nice. Le respect de la loi par les représentants de l’État, et donc l’arrêt immédiat des refoulements à la frontière de mineurs isolés dans les Alpes-Maritimes, est la condition sine qua non d’une gestion « normale » de la situation.

2. Prendre en charge les mineurs dans les locaux du Département et non au commissariat de police :

Dans chaque département le Préfet et le Président du Département décident où doivent s’adresser les mineurs isolés pour être pris en charge : soit dans les locaux du Département, soit au commissariat de police.

Dans les Alpes-Maritimes, tout mineur demandant la protection de l’enfance doit passer par le commissariat Auvare à Nice. Conséquence : de très nombreux mineurs ayant peur de la police et craignant d’être renvoyés en Italie ne font pas valoir leurs droits et dorment à la rue ou poursuivent leur migration au lieu d’être pris en charge.
Les policiers du service du « Quart » à Auvare font ce qu’ils peuvent mais les locaux ne sont pas adaptés à la prise en charge de mineurs, notamment pour ceux qui, arrêtés dans la soirée ou la nuit vont y dormir : pas de lit, pas de douche, pas de budget alloué pour les nourrir, ils attendent dans un couloir avec les gardés à vue…

La Préfecture et le Département doivent rendre public le protocole local de gestion des mineurs isolés, le modifier afin que le premier accueil soit effectué par les travailleurs sociaux du Département, dans les Maisons Sociales Départementales (MSD). Lors des horaires de fermeture des MSD les mineurs doivent être accueillis au commissariat à la brigade des mineurs ou dans un autre lieu adapté, mais pas au « quart ».

3. Améliorer les modalités d’évaluation de minorité

Une fois passée l’étape du commissariat les mineurs sont placés dans un centre de répit et une évaluation doit avoir lieu dans les cinq jours. Réalisée en régie directe par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) des Alpes-Maritimes cette évaluation se déroule dans des conditions déplorables. Souvent sans traducteur alors que le jeune comprend et parle mal le français, cet entretien qui dure en général entre 30 et 40 minutes ne permet pas aux adolescents de se livrer, de raconter les véritables raisons de leur départ, les un an à un an et demi de migration, les sévices subis en Lybie, la traversée de la méditerranée et les éventuels naufrages, leur situation actuelle et leur volonté concernant leur avenir.
Il revient à l’ASE de mener les investigations pour vérifier si le jeune est mineur ou majeur. Or l’ASE 06 décrète que c’est au jeune de prouver sa minorité, rejette les copies de document d’état civil en disant que c’est aux adolescents d’obtenir par leurs propres moyens des originaux. Elle fait pratiquer des tests osseux dont le caractère approximatif et non fiable a été prouvé. Tout est fait de telle sorte que le jeune soit considéré majeur et que le Département 06 ait le moins de mineurs à prendre financièrement en charge jusqu’à 18 ans.
L’évaluation de minorité doit être réalisée dans des conditions permettant de connaître la situation véritable du jeune et donc de recueillir son récit. La présence d’un traducteur, qui est une obligation légale, doit être respectée. Les associations ou
particuliers accompagnant le jeune devraient pouvoir être présents ou être entendus.

Le Département 06 doit cesser d’inverser la charge de la preuve et doit mener les investigations pour établir la minorité du jeune au lieu d’exiger de lui qu’il la prouve sans lui en donner les moyens.

4. Détecter systématiquement les besoins de suivis post-traumatiques des mineurs

Nous, bénévoles associatifs, savons nourrir, héberger et réconforter les mineurs. Nous savons même déposer des recours en justices. Mais nous sommes totalement démunis face à la détresse causée par les traumatismes subis par les jeunes que nous aidons. En Lybie, Benjamin a vu son frère se faire tuer sous ses yeux. Mohamed a été séquestré trois mois dans une cage, accroupi, sans pouvoir se lever, mangeant au milieu de ses déjections. Amadou a subi des tortures à l’électricité et à l’eau. Tous ont été au minimum battus. Magdalène a été prostituée de force. Mahmadi a été vendu comme esclave sexuel…
Tous ces jeunes, à leur arrivée en France, devraient bénéficier d’un suivi post-traumatique et, au lieu de cela, nous les accueillons avec les grilles du commissariat Auvare et des policiers en armes…
Lors de l’entretien d’évaluation de minorité, l’agent administratif de l’ASE 06 est censé, en une demi-heure et sans formation, détecter les besoins de suivi post-traumatiques des jeunes et cocher la case adéquate dans son formulaire. Bien peu le font…

L’évaluation administrative de minorité devrait être systématiquement doublée d’une évaluation psychologique permettant de détecter les besoins en suivi post traumatique des mineurs isolés.

5. Ouvrir les portes de l’éducation nationale aux mineurs isolés étrangers

De nombreux jeunes sont non francophones et beaucoup parlent ou lisent un français très approximatif. Alors que d’autres académies accueillent les mineurs isolés jusqu’à leur majorité et parfois au-delà, l’Académie des Alpes-Maritimes, se retranchant derrière le fait que l’école n’est obligatoire que jusqu’à 16 ans refuse d’accueillir les jeunes qui ont dépassé cet âge.
La maîtrise de la langue est pourtant la condition rendant l’intégration possible. Ces jeunes doivent être accueillis dans des classes spécialisées par l’éducation nationale, au sein de nos lycées, afin de pouvoir s’intégrer rapidement.

L’Académie des Alpes-Maritimes doit ouvrir les portes de ses établissements aux mineurs de plus de 16 ans pour rendre possible leur intégration.

6. Donner les moyens suffisants aux éducateurs pour accompagner les mineurs isolés et préparer leur passage à la majorité

Les foyers des Alpes-Maritimes, qu’il s’agisse du centre de mise à l’abri (avant décision) ou des foyers où sont placés les jeunes jusqu’à leur majorité, sont littéralement débordés. Le Département, au lieu d’ouvrir une structure adaptée et suffisamment grande, préfère payer des chambres dans un, puis deux, puis trois hôtels à Nice, ce qui est une absurdité tant au niveau de la qualité de la prise en charge des jeunes qu’au niveau financier.
Les jeunes sont certes nourris et logés mais ils s’ennuient à ne quasiment rien faire de la journée et l’oisiveté est tout sauf utile à ces adolescents en détresse et désœuvrés.
On demande à des éducateurs au bord de la rupture de travailler dans des locaux non adaptés, de courir de foyers en hôtels en s’occupant de toujours plus de jeunes avec toujours moins de moyens. Qu’ils demandent l’asile ou qu’ils doivent demander un titre de séjour de droit commun à leur majorité, ils ont besoins de formations professionnalisantes et la recherches de contrats d’apprentissages devient un parcours du combattant pour les jeunes comme pour les éducateurs.

Le Département des Alpes-Maritimes doit ouvrir une structure adaptée à l’accueil des mineurs isolés, recruter davantage d’éducateurs et leur donner les moyens de travailler convenablement. Il faut créer un dispositif spécifique de recherche de contrats d’apprentissage et d’accompagnement des mineurs isolés durant leur formation.

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