Premier acte. Ça commence sur la plage de l’Hôtel Beaurivage : sous les flashes des photographes toute l’équipe de « 99 Francs », film de Jan Kounen adapté du best-seller de Frédéric Beigbeder publié en 2000, est au complet. Le réalisateur, le producteur (Ilan Goldman), Jocelyn Quivrin, (les amours d’Astrée et de Céladon de Éric Rohmer) l’alter ego du héros, la jolie Vahina Giocante, l’auteur, également acteur dans le film, mais surtout Jean Dujardin. Ici, il est chez lui !
C’est lui que tous veulent fixer sur leur pellicule, surtout les badauds égarés sur la plage, ébahis par leur découverte et armés de leur mobile : Révélé par Graine de star en 1997, le héros de Brice de Nice est déjà une vedette et peut s’enorgueillir d’une filmographie non négligeable.
Deuxième acte. La scène suivante se joue intra muros, dans un salon de l’Hôtel Beaurivage, et le staff du film va affronter les journalistes. Visiblement bienveillants. Là on apprend comment Jean Dujardin a été embarqué dans ce projet, qui doit plus à l’audace et la créativité du réalisateur et du producteur qu’aux moyens financiers : aucune chaîne de télé n’a accepté -Arte excepté, avec ses petits moyens- de sponsoriser le film. Normal ! On ne scie pas la branche sur laquelle on est assis ! le film est en effet un brûlot anti-pub, corrosif et décalé, détonant et subversif. Un cas à part dans le PCF (paysage cinématographique français).
Le manque de moyens a obligé chacun à se dépasser. Le réalisateur Jan Kounen semble avoir surenchéri dans l’inventivité, y compris en incluant une scène d’animation, qui de plus permet de faire passer des outrances incroyables ! Quant à Jean Dujardin, toujours dans l’excès dans ce personnage de drogué, odieux et déboussolé, il n’a selon sa partenaire, jamais peur du ridicule, se coulant étonnamment dans la peau de Beigbeder : perruque, lunettes, même préciosité nonchalante. « Il a fallu être très disponible pour rentrer dans le cinéma de Jan » avoue Jean Dujardin, qui juge ce dernier « créatif et récréatif ». Et il est vrai que quel que soit le propos plutôt inquiétant, les thèmes très noirs, drogue, suicide, on s’amuse beaucoup dans ce film. De son propre aveu Jan Kounen doit beaucoup aux Monty Pythons… Jean Dujardin, qui ne fera pas, ouf ! un Brice II (« je ne serai jamais là où vous m’attendez ! ») a impulsé toute sa puissance d’improvisation, ce qui donne un personnage vivant. Jan Kounen, appuyé par le producteur Ilan Goldman, se dit fier d’avoir pu réaliser un film hors circuit, chose encore possible en France, impensable aux Etats-Unis !
Frédéric Beigbeder est heureux de cette adaptation, qui tout en restant fidèle à l’esprit de son livre, a su trouver le langage visuel ad hoc !
S’il y a un secret à la réussite de l’aventure, certainement faut-il la chercher dans l’enthousiasme de chacun des protagonistes…
Acte troisième. C’est l’épreuve de vérité. Le face à face. Une salle du Pathé Masséna archi-comble qui vient découvrir en avant première 99 F. Ça ne peut mentir, les réactions à chaud de toute une salle ! Comment le message va-t-il être perçu ? Ovation ou mise à mort ? Images choc, plans fixes assenés, références détournées (Amélie Poulain) et clins d’œil, ne serait-ce que par la bande son… le film accroche d’emblée, la salle réagit, et même dans l’écoeurement de certains plans, on ne peut s’empêcher de rire. Le film qui se définit dans l’excès, est, paraît-il, en dessous de la réalité. Beigbeder révélera que certains dialogues sont de stricts verbatims…
Aussi quand tout est consommé (après deux fins…mais on vous laisse la surprise), que Jan Kounen et ses acolytes font leur apparition, en chair et en os cette fois, les applaudissements retentissent sans retenue ! « Vous avez compris que c’est votre histoire ? Vous avez compris que vous avez des vies de merde ? » exprimera Beigbeder, soulignant tout le paradoxe de la situation…
Le film a, quoi qu’il en soit, le mérite de toucher une vaste audience, adepte d’un cinéma « grand public », eh oui, il y a Jean Dujardin, alias « produit d’appel ! » tout en portant à la réflexion. Un exploit !
Sortie en salles le 26 septembre.
99 F, un film de Jan Kounen, Scénario et dialogues Nicolas et Bruno
Adaptation Jan Kounen
avec la complicité de Frédéric Beigbeder
Producteur Ilan Goldman
Avec Jean Dujardin, Jocelyn Quivrin, Patrick Mille,Vahina Giocante, Elisa Tovati,Nicolas Marié,Dominique Bettenfeld,Antoine Basler,Perinti