Le ton est donné, Mano Solo privilégie sur scène les morceaux du dernier disque, autoproduit, « In the garden » et ceux des deux albums précédents. Seulement trois morceaux, dont deux pendant le rappel, issus des trois premiers disques de l’intéressé, beaucoup plus sombres et désespérés. Le Palais des festivals pouvait se laisser aller pour un concert haut en talent.
Mano Solo ne vend plus de rêve, de révolution toute faite, il ne s’attarde plus sur les galères, sur la rue, sur la drogue. Par contre, li nous parle beaucoup d’Internet. « Quand je me suis mis à Internet, ça m’a complètement déprimé. Pour moi, ça devait être un instrument supplémentaire, support d’action collective. Au lieu de cela, j’ai vu plein de jeunes qui pensent être rebelles, de gauche, en téléchargeant gratuitement les artistes qu’ils écoutent. Ils ne voient pas qu’ils empêchent l’artisan principal de ce qu’ils écoutent, le musicien, le chanteur, d’obtenir une rémunération digne. Je suis contre cette licence globale qui empêchera de répartir équitablement les gains entre tous les musiciens. En plus, vu le prix de cette licence, il y aura un énorme manque à gagner, et l’argent que ne gagnent pas les majors, ils ne pourront pas l’investir dans de petits groupes, comme moi, à l’époque, et comme d’autres à présent. Les gens qui téléchargent favorisent donc une concentration des fonds sur les grands artistes au détriment de ceux qui galèrent. Ils sont donc plus capitalistes que les capitalistes. Moi, je ne vois pourquoi un musicien devrait galérer pendant dix ans avant de percer. N’importe quel apprenti est payé pendant sa formation ; un musicien n’est pas, pour moi, quelqu’un qui donne gratuitement ; moi, je fais un métier, je fais partie du système, je dois être payé en contrepartie de ce que je fais. Le musicien devient le dernier maillon de la chaîne à être rémunéré alors qu’il devrait être au centre ».
Voilà pour le contexte d’aujourd’hui. Sur la musique, il nous dit écouter surtout du jazz, dans toutes ses composantes (flamenco, salsa, etc.) et du vieux punk rock, des années 1970, 1980. La chanson française d’aujourd’hui ne l’intéresse pas du tout, voire, il la méprise. Seul Renaud s’en sort avec les honneurs, et Catherine Ringer, chanteuse des Rita Mitsouko, « meilleure chanteuse française qu’on fait chier, comme moi, avec son passé d’actrice pornographique ». Gainsbourg est un chanteur de droite, « brûler un billet comme ça à la télé est complètement démago ; c’est un solitaire qui n’a jamais rien fait pour les autres » et Miossec est « un sous Gainsbourg ».
Au final, un discours beaucoup plus réaliste sur l’engagement personnel du musicien par exemple, discours plus proche de la dure réalité d’aujourd’hui et qui peut décevoir les nostalgiques de l’époque plus radicale et révolutionnaire du personnage. L’esprit punk et no future, des Frères misères, ou la délicieuse noirceur des premiers morceaux cèdent la place à une espérance enthousiaste, quoique mesurée. Deux constantes tout de même : la beauté des musiques et, évidemment, la voix.
Au-delà de ça, une formation réduite sur scène, loin de celle de la dernière tournée : « j’en avais marre que l’on soit autant sur scène avec les cuivres, etc. Depuis qu’on a commencé la tournée, je joue avec trois musiciens, Daniel, le guitariste de la Mano Negra, un accordéoniste cubain, très connu en Amérique du Sud, et un clavier. On se plante souvent mais les gens ne s’en aperçoivent pas et c’est plus excitant ». Ambiance intimiste, malgré la relative grandeur de la salle (pleine) et des morceaux qui oscillent entre nostalgie et espoir. Une musique qui vous prend et qui ne vous lâche qu’une heure trente plus tard, pantois, et surtout, une voix présente, inimitable et une émotion sensible, palpable, complètement immuables et qui restent les mêmes depuis quinze ans.
Mano Solo a évolué, est plus serein, l’horizon s’éclaircit, c’est indéniable mais sa présence, sa façon de chanter avec son ventre et de mettre ses tripes sur scène est toujours la même. Que ceux qui l’aiment comme ça le suivent, les autres sont priés de descendre…
Sanseverino, sans commentaire. On le connaît, dingue de Django. La version française du jazz manouche avec un groupe de douze musiciens dont huit cuivres. Une énergie incroyable, une technique et un talent hors-norme, un swing ultra-rapide et déjanté (en français, s’il vous plait). Sanseverino, fou furieux de la musique, ne laisse personne indifférent ; unique.