En 2017, près de 70.000 américains ont perdu la vie en faisant une overdose, ce qui a contribué à faire baisser l’espérance de vie aux États-Unis. De plus, la population est une grande consommatrice d’opiacés, on déplore 180 décès par jour en 2016, liés à ces drogues bon marché. Le réalisateur belge Felix Van Groeningen s’attaque à l’épineux problème de la toxicomanie américaine dans son nouveau long métrage, My Beautiful Boy, en salle depuis le 6 février 2019.
On se souvient tous du très puissant Alabama Monroe, le deuxième film de Felix Van Groeningen, où le poids du deuil venait bouleverser une belle histoire d’amour. Une fois encore, c’est au sein d’une famille que s’ancre la narration de My Beautiful Boy.
Nicolas Sheff (Timothée Chalamet) est un jeune garçon souriant, cultivé et sportif. Passionné de littérature, il passe la majorité de son temps libre à dessiner et à écrire. Il lit Fitzgerald et cite la poésie de Charles Bukowski. Son père, David Sheff (Steve Carell) est persuadé du talent de son fils et lui prouve son amour au quotidien. Leur relation est fusionnelle. Les parents de Nicolas sont divorcés, et son père s’est remarié avec Karen, avec qui il a deux autres enfants. Cette famille reconstruite est un modèle de réussite et de générosité. Pourtant, quelque part au fond de l’esprit de Nic, une tristesse désabusée naissante va le mener à vouloir se droguer.
Durant les 2h de film, le spectateur est un pendule qui oscille de la joie aux larmes, de la sollicitude à l’effarement. Quand une œuvre cinématographique produit autant d’émotions, c’est qu’elle vise juste. Inspiré d’une histoire vraie, My Beautiful Boy est porté par l’interprétation magistrale des deux acteurs principaux. Steve Carell est un père qui se détache progressivement de la maladie de son fils, sans jamais cesser de l’aimer. Thimotée Chalamet est un fils terrorisé à l’idée de décevoir son père, brisé par l’addiction et la dépendance. Les protagonistes se suivent, puis se fuient, se mentent et se poursuivent jusqu’à la scène finale. Cette idée de la poursuite est visuellement présente à l’écran grâce à de nombreux plans et mouvements de caméra. L’apparition d’objets, plusieurs fois dans le film, souligne la douleur d’une absence/présence de Nic, qui a tendance à disparaître pendant quelques jours avant de revenir sur ses pas.
Nicolas souffre d’accoutumance à la Crystal Meth (amphétamines), un stimulant très puissant qui libère de la dopamine et affecte le système nerveux central. C’est une drogue extrêmement dangereuse pouvant causer des lésions irrémédiables si rien n’est fait. Mais que faire au juste ? La question revient de façon cyclique dans la tête du spectateur. La construction narrative est axée sur cette guérison attendue et espérée, à chaque fois réduite au néant par l’éternel retour de Nic au point de départ. L’addiction est un labyrinthe. My Beautiful Boy est un film nietzschéen.
La mise en scène peut paraître sombre et fataliste, mais la grande force de l’œuvre est d’apporter des signes d’un sauvetage possible. L’étreinte, cette manifestation corporelle d’amour, apparaît des dizaines de fois entre les personnages. Ce geste entre un père et son fils devient sacré, un pacte qui scelle l’invincible lien. Celui qu’on ne brisera jamais. On peut penser que la métaphore est un peu facile, un peu simple. Il n’en est rien. L’étreinte est le pendant d’une incompréhension. Pourquoi Nic se drogue-t-il ? Personne ne le sait. L’amour, pour une fois, est le sentiment le plus abordable du film. Le plus pur.
Sunrise and Sunset. La très belle bande originale résonne encore longtemps après le visionnage. Tout comme après une dose, on est tour à tour entre la douceur d’un lever de soleil et l’angoisse du crépuscule. Et on se demande avec beaucoup de rage, comment une petite injection peut faire crever le bonheur. Un très grand film.