Lors d’une conférence de presse, le maire de Nice et Président de la Métropole Nice Côte d’Azur Christian Estrosi a présenté l’expérimentation de la reconnaissance faciale dans le cadre de l’édition 2019 du carnaval.
La ville de Nice est connue pour son attrait envers les nouvelles technologies au service de la sécurité des citoyens. En janvier 2018, l’application Reporty avait été testée puis interdite d’utilisation par la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) argumentant que la loi ne permettait pas la mise en place d’une telle technologie. Reporty est une application pour smartphone donnant la possibilité au citoyen de filmer une incivilité en temps réel et en connexion avec le Centre de Supervision Urbain.
«Nous avons relancé l’expérimentation Reporty annulé précédemment par la CNIL. Aujourd’hui nous traitons le dossier avec eux pour que cela devienne une expérimentation entre les mains de citoyens disposant de cette application», a annoncé Christian Estrosi. Le maire de Nice est revenu sur les critiques adressées notamment à l’encontre de la solution «Two-I» qui développe un détecteur d’émotions à utiliser dans un certain contexte (les transports publics par exemple).
«Je veux revenir sur les différents articles ayant largement caricaturé cet outil. Le principe n’est pas de connaître l’humeur de Mme X ou de Monsieur Y, mais l’opérateur a sur son écran des points de couleur et non des visages en fonction des 7 sentiments identifiés. C’est-à-dire que dans une assemblée où il y aurait dix personnes toutes affichées en rouge, cela traduirait une émotion générale qui est un lanceur d’alerte pour nous. Nous ne pouvons pas rester sans réaction. Mais à aucun moment nous ne verrons apparaître tel ou tel visage», a-t-il expliqué aux journalistes.
Dans un article* publié en janvier 2019 sur le site des blogs de Médiapart, David Nakache, le Président de l’association «Tous citoyens !» avait vivement reprouvé l’existence de cette technologie en faisant un rapprochement avec le concept de biopolitique développé par Michel Foucault. «Il ne faut plus seulement juger les actes mais les individus eux-mêmes. Non pas simplement évaluer le comportement d’une personne parce qu’elle a commis un acte dangereux, mais évaluer les comportements de toutes les personnes, partout, tout le temps, car tout individu devient un danger potentiel», écrivait-il.
Aujourd’hui, la ville se lance dans un autre type d’expérimentation qui concerne la reconnaissance faciale. Depuis l’ouverture du carnaval, le 16 février, cette technologie est testée dans une zone restreinte auprès d’un panel de 1000 bénévoles s’étant tous portés volontaires. Des panneaux ont été placé pour avertir le public qu’ils peuvent emprunter un autre accès s’ils ne veulent pas participer. C’est la société de cybersécurité monégasque Confidentia qui développe cette solution appelée «Any Vision».
«Elle permet d’analyser en temps réel mais aussi en relecture et en différé. Elle fonctionne sur la base d’une photographie en très basse résolution d’environ 45 pixels. Une caméra située à 300 mètres peut faire une reconnaissance faciale avec cette résolution et prend en compte le vieillissement sur 20 ans», a précisé Christian Estrosi.
Suite à l’élaboration d’une étude d’impact complète et de discussions avec ses services, la CNIL a donné l’autorisation de lancer cette expérience pendant la durée du carnaval. Trois scénarios sont mis en scène sur le terrain afin d’éprouver la fiabilité de la reconnaissance faciale en poursuivant plusieurs objectifs :
– Améliorer les contrôles d’accès et les rendre plus opérant en supprimant les badges pour la reconnaissance du visage
– Détecter une personne d’intérêt au milieu d’une foule
– Retrouver une personne d’intérêt sur la voie publique
Une «personne d’intérêt» peut signifier un homme ou une femme recherché par les services de police ou fiché dans le cadre d’une enquête. Il peut aussi s’agir d’un enfant ayant échappé à la vigilance de ses parents dans l’espace public. Le système ne peut fonctionner que si une photo de l’individu est transmise à la police, qui pourra ensuite lancer son analyse via les caméras installées dans Nice (rappelons qu’on parle ici d’une zone délimitée au carnaval).
«Les résultats sont présentés sous la forme d’un rapport que nous adresserons aux parlementaires, au gouvernement, au Préfet Renaud Vedel en charge d’une mission auprès du Premier ministre sur les évolutions législatives requises pour permettre l’utilisation des nouvelles technologies. Et aussi à la CNIL sous un délai de deux mois», a expliqué Christian Estrosi.
Si l’expérimentation est un succès, une proposition de loi sera rédigée afin de faire évoluer la Loi informatique et libertés de 1978 et la réglementation relative à la vidéosurveillance de 1995.
Pour rappel, la Loi informatique et libertés est la garante de la liberté de traitement des données personnelles. L’article 1 assure que l’informatique ne doit jamais porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’Homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. Jusqu’à présent, toute donnée à caractère personnel ne peut être collectée que sous certaines conditions. Espérons que cela dure.