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22 novembre 2024

Box office : Paris est à nous d’Elisabeth Vogler

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« Paris est à nous » est un long métrage réalisé par Elisabeth Vogler et distribué sur la plateforme Netflix depuis le 22 février 2019. Projet atypique, il est vrai, le film s’assume comme une œuvre expérimentale, pensée et écrite par un collectif de jeunes créateurs (monteurs, scénaristes…). La post-production a pu être finalisée grâce à un crowfunding lancé par l’équipe en février 2018 qui a contribué à faire connaître le projet. Rompre avec le modèle traditionnel, c’est bien. Mais est-ce vraiment le cas du contenu final ?


Avant de formuler une analyse, il convient d’éclaircir certains points. Le film a, pour le moment, été assez mal reçu par la critique. On lui reproche notamment son scénario bancal voire absent, et le peu d’informations dévoilées sur les personnages. Gardons à l’esprit que Paris est à nous a été construit comme une expérience animée d’une impulsion créatrice et non pas d’une volonté commerciale. C’est ainsi qu’il convient de s’y plonger, et pas autrement.
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Anna (Noémie Schmidt) rencontre Greg (Grégoire Isvarine) lors d’une soirée parisienne. Les deux jeunes personnes bâtissent une relation et apprennent à se connaître. Jusqu’au jour où Greg décide de partir pour Barcelone et supplie Anna de le suivre. D’abord réticente, elle accepte finalement de le rejoindre mais rate son vol. Coïncidence, l’avion qu’elle devait prendre s’écrase et ne laisse aucun survivant. Cette nouvelle la bouleverse et produit en elle une somme importante de changements et de réflexions.

Paris, ce corps urbain

La plus grande réussite du film repose sur deux aspects non négligeables. Ses qualités visuelles et la relation entre Anna et son environnement. À savoir Paris. Le tournage a eu lieu de 2014 à 2017, dans l’idée de saisir pendant trois ans les transformations et les évolutions urbaines. Plus encore, des mouvements sociaux émergeant çà et là au fil des années. On retrouve les manifestations contre la loi travail, les attentats, et même la crue de la Seine. Mis à part les acteurs principaux, aucun figurant n’a participé au film, ce qui implique la présence de vraies personnes devant la caméra. Cet élément hyperréaliste peut choquer ou laisser indifférent. Tout dépend de notre vision de la frontière entre fiction et documentaire.
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Anna se fond littéralement dans sa ville où elle a ses habitudes, sa routine, mais aussi ses craintes. Ainsi voit-on naitre les angoisses de la jeune femme à mesure que la tension envahit les rues. Visuellement, l’alternance entre les gros plans, les plans moyens et les plans larges nous donne vraiment l’impression d’une congruence entre les émotions humaines et la rigidité des façades. On pourrait presque parler de bio-société, tant l’évolution anxiogène d’Anna va de pair avec la montée d’une contestation sociale inévitable, que nous avons tous vécu de près ou de loin. Le traitement de la lumière et les mouvements de la caméra donnent un rendu plutôt saisissant. On retrouve une très forte inspiration du cinéma de Terrence Malick (Tree of Life, La ligne rouge) dans le film d’Elisabteh Vogler. Que ce soit au moyen de très gros plans sur des détails corporels, de la présence d’une voix off et des monologues métaphysiques, on retrouve le sel très spécifique du cinéma malickien.

L’échec de l’Amour

Paris est à nous aurait peut-être pu devenir un bon film, voire même un grand film. Son regard intimiste sur la perte de repères d’Anna couplé avec les secousses sociétales qui marquent et rongent sa confiance en elle est une idée brillante. Alors pourquoi fallait-il y ajouter une histoire d’amour ? Ou plutôt une histoire de rupture. Car c’est bien la relation entre Anna et Greg qui ne tient pas la route, accumule des situations clichées et parfois ridicules. Pire encore, le personnage de Greg est loin d’être convaincant et devient complètement anecdotique. Bien sûr, on comprend l’envie de nous montrer cet amour s’émiettant comme le reste. Mais on ne s’attache pas à cette histoire, ça ne prend pas. Le spectateur recherche l’autre narration, celle des plans magnifiques lors des manifestations, des CRS qui avancent dans des rues désertes, de la foule face au discours rassurant d’un Président chancelant devant une émanation inédite de la haine. Nous voulons lire tout ça sur le visage d’Anna, connaître ses doutes et ses hésitations auxquelles une grande partie de ma génération peut s’identifier. C’est en cela que cette histoire est forte et émouvante.
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« 

Tu t’es jamais dit toi que, Paris, nos vies ou peut-être même l’univers ça pourrait très bien être un grand jeu vidéo. Comme si la réalité, enfin, notre expérience de la réalité, c’était un monde virtuel, un programme sur un ordinateur

 ». (Anna)

À la manière dont Descartes nous mettait en garde contre l’illusion de nos sensations, Anna doute de la réalité. Elle ne se fie plus à ce qu’elle perçoit et se détache progressivement de l’extérieur afin de s’enfermer dans son esprit. Au fond, mieux que ce réel difforme et oppressant, c’est son âme qu’elle voudrait atteindre. La dimension philosophique du film n’est pas forcément aussi ratée qu’on a pu le dire. Seulement l’ensemble reste trop timide, pas assez engagé et mature. Il faudrait y ajouter une petite chose, en enlever quelques autres, mais la forme et la passion sont là. Paris est à nous aurait finalement dû s’appeler Paris est en nous.

Auteur/autrice

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