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22 novembre 2024

Rémy Rego : « En 2018, nous avons eu 25% de demandes en plus au Refuge »

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À l’occasion de la journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie ce vendredi 17 mai, et de la semaine nationale du Refuge, nous avons rencontré Rémy Rego, le Délégué Région Sud de cette association qui accueille des jeunes entre 18 et 25 ans, rejetés de leur domicile familial en raison de leur orientation sexuelle. Avec lui, nous sommes revenu sur les différentes missions de la structure et la montée inquiétante de l’homophobie et de la transphobie en France.


Revenons aux origines. Quand a été créé le Refuge, et comment s’est déroulée la mise en place de l’antenne niçoise ?

L’association Nationale Le Refuge à été créée en 2003 à Montpellier, elle est dirigée par Nicolas Noguier qui en est le fondateur. Nous sommes présent à Nice depuis 2015. Cela fait donc 4 ans depuis la validation de l’antenne par le conseil d’administration du Refuge. Il y avait une vraie nécessité d’implanter l’association sur la Côte d’Azur, nous avions déjà beaucoup de demandes. Elles émanaient de tout le territoire des Alpes-Maritimes, comme dans la plupart des départements en France. D’autant plus que nous avons une ligne d’urgence qui fonctionne 24/24 et 7j/7 au niveau national. On centralise tous les appels, et nous en recevions un grand nombre de la Région Sud.

Les premiers hébergements en 2015 ont commencé dans un hôtel, nous n’avions pas d’appartement relai, nous étions toujours en recherche. Dès le lendemain de la validation, il a fallu héberger deux jeunes. Ensuite, nous avons eu la chance d’avoir notre propre appartement. Celui-ci nous a permis de loger trois jeunes simultanément. Au début, nous avions aussi un local dans la Rue Trachel, mais il est devenu trop petit face à l’agrandissement de l’organisation. Grâce au soutien de la Ville de Nice, du maire Christian Estrosi et de Joëlle Martinaux, adjointe au maire et vice-présidente du CCAS, deux nouveaux biens ont été mis à notre disposition. Non pas gracieusement, mais avec des tarifs modérés. Aujourd’hui, nous sommes dans ce nouveau local d’un peu plus de 100 mètre carré, et bénéficions d’un nouvel appartement permettant d’héberger 5 jeunes simultanément.

Comment l’accompagnement des jeunes est-il organisé ?

La mission du Refuge est de proposer un accompagnement socio-éducatif, juridique, médical et psychologique. Nous proposons aussi un hébergement d’urgence temporaire, ce sont des contrats d’un mois, renouvelables pour une durée de six mois au total. C’est une moyenne, on peut dépasser largement ce délai-là, et parfois ça sera plus court. Tout dépend du traumatisme qu’à pu vivre le jeune avant son arrivée au Refuge. C’est aussi une question de motivation puisque certains jeunes, à cause de différents facteurs, peuvent avancer plus vite que d’autres, en terme de recherche d’emploi etc..

Il y a énormément d’écoute. Notre premier souhait quand le jeune arrive au Refuge c’est qu’il puisse retrouver une confiance en lui et sortir de l’isolement. Cela passe par des temps de permanences. Par exemple, le lundi matin nous organisons un petit déjeuner avec eux pour savoir comment s’est déroulé leur week-end, s’ils ont besoin qu’on les aide durant la semaine sur des démarches en particulier. Nous effectuons aussi des permanences de nuit, qui permettent aux bénévoles et aux équipes de s’assurer que tout va bien aux appartements relais. Nous passons les lundi, mardi et jeudi soir de 22h à 23h. C’est souvent un moment privilégié avec les jeunes, pour discuter. La nuit, ils sont plus apte à la confidence et l’échange est favorisé. Ces temps là sont hyper importants. Ils ont un règlement intérieur auquel ils adhèrent et les engagements sont mutuels.

Le Refuge n’est pas qu’un hôtel, c’est une prise en charge globale avec un accompagnement personnalisé, sur mesure justement. cela constitue notre spécificité. La reconnaissance dont nous bénéficions aujourd’hui vient de l’adaptation de la prise en charge à chaque jeune. Ce ne sont pas des numéros de dossier, mais chacun est unique. Il ont toute notre attention. L’esprit du Refuge est d’être une seconde famille. Ils se sentent en sécurité et en confiance.
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À son arrivée au local, dans quel état d’esprit se trouve un jeune individu ayant été chassé du domicile familial ?

Dans 90% des cas, il est fracturé. Il peut être cassé moralement et physiquement, parce qu’il a souvent vécu plusieurs jours dehors voire plusieurs semaines. Il est en détresse psychologique, n’étant pas préparé à vivre une situation comme il a pu la subir avec sa famille ou avec ses proches. C’est à dire de se faire rejeter sans explications, si ce n’est des insultes et, parfois, des tabassages. D’importantes violences physiques arrivent régulièrement. Il se retrouve ici un peu apeuré, et notre rôle c’est de faire en sorte qu’il retrouve rapidement confiance en lui et les autres. Sinon on ne peut pas avancer. Dès les premières minutes, il faut avoir une attention particulière et s’assurer qu’il n’a pas d’idées suicidaire. Nous avons deux psychologues cliniciens qui interviennent de manière bénévole chaque semaine. Nous proposons un premier rendez vous obligatoire pour évaluer un peu l’état de choc psychologique. D’autres pourront suivre en fonction du degré de traumatisme vécu.

Prenez-vous parfois contact avec la famille de ces jeunes ?

Très rarement. On ne le fait pas si le jeune ne le souhaite pas, sinon on pourrait le mettre en danger. La plupart du temps, il a fui ou a été mis à la porte de chez ses parents, des parents ayant parfois commis des agressions physiques et qui, potentiellement, pourraient recommencer. C’est pour cela que le jeune ne va pas, pour la plupart du temps, nous dire où il habite, afin que ses parents ne sachent pas qu’il se trouve au Refuge. On peut aussi avoir le cas d’un jeune qui vient au local à cause du harcèlement subi en milieu scolaire et non pas au sein de la sphère familiale. Il a tout autant besoin d’un soutien moral et psychologique. Malgré la réceptivité de ses parents, il peut se sentir mal au fond de lui-même.

Selon le récent rapport de l’IFOP, beaucoup de couples homosexuels adoptent une « stratégie d’invisibilité » dans la sphère publique, pour éviter les remarques ou agressions homophobes. Retrouve-t-on cela dans la sphère familiale ?

L’homophobie dans la sphère familiale peut durer plusieurs mois et même plusieurs années. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte, comme celui de la culture, de la religion ou de l’environnement social. Le jeune peut se confier assez vite sur son homosexualité s’il pense que ses parents sont ouvert sur la question. Quand on est homosexuel ou trans on sent une différence, puisque la société nous pousse à penser cette différence. La population homosexuelle ou transgenre représente environ 10% et reste une minorité. Même si je n’aime pas le terme, l’hétérosexualité reste un synonyme de normalité. Le jeune le sent, et il va essayer de déceler si ses parents acceptent ou pas l’homosexualité dans les situations qu’ils peuvent observer. Par exemple, devant une série télévisée ou une émission, on peut parfois entendre une réaction violente des proches, avec un résultat dévastateur pour le jeune. À l’école, il va s’exclure en entendant des propos homophobes à la récréation ou en cours. On en arrive parfois à la tentative de suicide, qui est 13 fois plus élevé que chez les jeunes hétéros. C’est difficile de savoir si l’homophobie est plus ancrée dans la famille, mais elle est très présente c’est certain.

En France, on remarque une augmentation des infractions envers les personnes homosexuelles ou trans. Constatez-vous une croissance du rejet ?

Nous le constatons. Chaque année nous assistons à une augmentation des demandes de prise en charge. Sur l’année 2018, nous avons eu 25% de demandes en plus par rapport à l’année précédente. Le rejet familial est toujours très présent, peut-être même plus qu’avant. Il y a plusieurs raisons à cette situation. Depuis le mariage pour tous, les jeunes s’expriment plus facilement, mais ils s’exposent aussi plus souvent à des dangers. Que ce soit au sein de la famille, à l’extérieur ou à l’école. D’autre part, de nombreux mouvements radicaux tiennent aujourd’hui des propos qui me paraissent, pardonnez-moi l’expression, «dégueulasses».

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