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22 novembre 2024

L’Edito du Psy- Russie : Astolphe Louis Léonor avait raison !

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bobine-57.jpg« Je ne reproche pas aux Russes d’être ce qu’ils sont », écrivait en 1839 dans une de ses « Lettres de Russie » le marquis Astolphe de Custine. « Ce que je blâme en eux, c’est la tentation de paraître ce que nous sommes ».

Entre l’autocratie de l’époque tsariste, la dictature du prolétariat du communisme soviétique et la « verticale du pouvoir » prônée par Vladimir Poutine, les choses ont-elles véritablement changé depuis le séjour de l’aristocrate français? Certes, le Kremlin organise ce dimanche 2 décembre selon d’apparents critères occidentaux, des élections législatives générales destinées à former une assemblée parlementaire munie des pouvoirs de voter la Loi, voire de s’opposer aux « Oukazes » du président de la Fédération de Russie. La comparaison s’arrête là. Plus rien malheureusement dans la vie politique russe ne rappelle l’esprit et le fonctionnement des démocraties modernes. Mais la Russie l’a-t-elle jamais été ou même souhaité l’être ? Difficile de s’en dissuader lorsque 60 % des 109 millions de votants russes annoncent leur intention de plébisciter un ancien homme du KGB comme chef incontesté du Kremlin. En 1839, le Tsar justifiait déjà auprès de Custine la nécessaire structure autoritaire et personnalisée du pouvoir : « heureusement que la machine administrative est fort simple car avec des distances qui rendent tout difficile, si la forme du gouvernement était compliquée, la tête d’un homme n’y suffirait pas ».

A lire en effet – ou relire comme l’on aime à dire en Sorbonne – les « Lettres » de Custine, on ne peut qu’être saisi par leur étonnante actualité. A quelques nuances près, celles-ci décrivent avec une impitoyable justesse, les dangereux travers que nous constatons ces jours-ci en Russie. Petit florilège en vue de distraire l’internaute.

« Cet empire, tout immense qu’il est, n’est qu’une prison dont l’empereur tient la clef ». On ne saurait être plus clairvoyant dans le constat : la bonne vieille tradition autoritariste, pour ne pas dire dictatoriale, fondée sur la notion, toujours avalisée par les régimes successifs, de « zderjava » (grande puissance) a complètement vampirisé le champ politique moscovite au point de devenir une authentique obsession sécuritaire pour Vladimir Poutine. Il est vrai, rappelle Custine, qu’en Russie « le secret préside à tout ». Comment comprendre autrement la répression violente du Kremlin sur des partis et leurs représentants, à peine assurés de passer la barre des 7% obligatoires pour accéder à la Douma ?

« Je suis frappé, écrit encore l’aristocrate français, de l’excessive inquiétude des Russes à l’égard du jugement qu’un étranger pourrait porter sur eux…l’impression que leur pays doit produire sur l’esprit d’un voyageur les préoccupe sans cesse ». Le complexe de persécution s’accompagne souvent de toutes les dérives paranoïaques. Les remarques féroces du Kremlin sur les ingérences étrangères, mettant notamment en cause le travail des associations humanitaires ou celles dévolues aux droits de l’homme, installées sur le territoire russe et financées, selon Moscou, « par les ambassades étrangères », n’est pas sans rappeler les années de rhétorique soviétique sur « l’ennemi intérieur ». Propagande reprise récemment in extenso par les partisans de « Russie unie », le parti pro-Poutine. Mêlée de fascination lorsqu’elle le prend comme modèle de référence et de haine lorsqu’elle ne parvient pas à l’égaler, la comparaison avec cet « étranger » domine, d’après Custine, la pensée de ces hôtes : « plus je vois la Russie, plus j’approuve l’Empereur lorsqu’il défend aux Russes de voyager et rend l’accès de son pays difficile aux étrangers. Le régime politique de la Russie ne résisterait pas vingt ans à la libre communication avec l’occident de l’Europe ». Le degré d’ouverture de la Russie peut en effet se mesurer aux mesures de contrôle et aux diverses censures exercées par le pouvoir sur les organes de presse. Le Marquis voyait simplement juste quelque cent huit ans avant un certain G.F. Kennan, rédacteur et signataire d’un célèbre télégramme – pas seulement par sa longueur inhabituelle – envoyé de l’Ambassade américaine à Moscou. A défaut d’inviter les responsables européens à se plonger dans les « lettres de Russie », peut-être serait-il opportun de leur suggérer de « relire » utilement les réflexions de celui qui fut l’un des pères de la doctrine américaine du « containment ».

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