Pour sa première réalisation, Abdel Raouf Dafri s’attaque à la guerre d’Algérie. Sans
parti pris ni de héros auquel s’identifier, il choisit de s’attarder sur le côté sale de cette guerre et de la folie engendrée par ces conflits.
Des films sur la guerre d’Algérie, il en existe pléthore. Mais traités de cette façon, cela est rare. « Qu’un sang impur » relate la violence des conflits durant la guerre d’Algérie (1954- 1962). La violence entre algériens et français bien sûr mais aussi celle des algériens entre eux et celle des français entre eux.
Car pour son premier film Abdel Raouf Dafri, scénariste réputé et récompensé pour « Un Prophète », prend le pari de ne pas choisir de camp entre algériens et
français. Tous ont commis des exactions. Tous ont du sang sur les mains. Il n’est pas question de dédouaner l’un ou l’autre pour le réalisateur à la double nationalité.
Pour traiter son sujet, le film suit le colonel Breitner, ancien de la guerre d’Indochine (1946- 1954), incarné par le belge Johan Heldenbergh, lancé dans une mission-suicide pour retrouver le colonel Delignières, porté disparu derrière les lignes ennemies. Celui-ci est interprété par le toujours excellent Olivier Gourmet, point d’orgue d’un casting peu connu mais de haute volée composé entre autres de Lyna Khoudri (Papicha), Steve Tientcheu (Les Misérables) ou encore Salim Kechiouche (Mektoub My Love).
Un « Apocalypse Now » version française
Si le film ne choisit pas de camp entre les protagonistes, il n’hésite pas à montrer la
cruauté de chacun. L’action se déroule en 1960, sûrement l’année la plus violente du conflit, pour entrer dans le vif du sujet sans n’épargner personne. Les gradés français envoient en terrain miné les soldats et exécutent ceux qui refusent de tuer les enfants. Sans parler de la torture envers les opposants. Torture partagée par les algériens dont les victimes sont laissées sur la route pour menacer l’ennemi. Certains citoyens, non engagés dans le conflit, se servent tels des charognards dans les ruines tout en assassinant les survivants.
Tel le personnage principal, traumatisé par la guerre d’Indochine, le spectateur est lancé dans ce voyage au bout de la folie des hommes. Brutal et sans concession, « Qu’un sang impur » est une épreuve à affronter tant sa violence dérange.
En pleine période de politique mémorielle prônée par le président Emmanuel Macron, le film rappelle la tâche dans l’Histoire que représente cette guerre d’Algérie.
Abdel Raouf Dafri, plus avant que la cruauté des images, s’attache aux toujours très contemporaines questions identitaires. Sans forcer le trait, il nous mène à la réflexion de savoir qui nous sommes et ce pour quoi nous nous battons.
Ce pour quoi nous appartenons à un pays.
Paul Guianvarc’h