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22 novembre 2024

L’Edito du psy – Plan Pécresse « Réussite en Licence » : une vraie réforme derrière un « simple » plan ?

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bobine-59.jpgLes étudiants français qui quittent l’université pour entrer dans le monde professionnel l’apprennent souvent à leurs dépens, c’est-à-dire trop tard. A la question traditionnelle qu’ils s’attendent à se voir poser par des recruteurs français « que savez-vous faire ? », se substitue désormais l’interrogation plus fréquente dans le monde anglo-saxon des affaires : « qu’avez-vous envie de faire ? ». Peu préparés à cette soudaine intrusion dans leur intériorité, qui plus est d’essence projective et non passéiste, ils sèchent. La différence n’est pas de pure forme. Aux seules études universitaires dûment sanctionnées par des diplômes, obsession encore répandue chez nombre d’entrepreneurs nationaux, les compagnies étrangères font intervenir la dimension plus personnelle de l’engagement. Elles tentent de cerner, de jauger chez le candidat la nature et l’intensité de son désir, celui de s’investir dans une mission tout comme celui de persévérer pour réaliser les objectifs. Reflets possibles de profondes différences culturelles de part et d’autre de la Manche et de l’Atlantique : 88% des membres du patronat français sont « sur-diplômés » contre à peine 66% pour leurs homologues britanniques et américains. Diplômes qui, comme le faisait un jour remarquer un professeur réputé de stratégie internationale des entreprises à Sciences Po, n’impliquent en rien une garantie de « sur-performances » ! On ne s’étonnera pas, dans ces conditions, d’apprendre que les meilleures écoles de commerce américaines sélectionnent leur candidat en fonction de leurs capacités à décrire, analyser et savoir retirer l’expérience positive d’un échec.

C’est probablement inspirée par cette philosophie que la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Valérie Pécresse a récemment annoncé le lancement d’un plan doté d’un montant cumulé de 730 millions d’euros sur cinq ans et destiné à redéfinir le cahier des charges du contenu de la Licence universitaire.

A lire le document d’orientation intitulé « Plan pluriannuel pour la réussite en Licence », on comprend qu’il s’agit véritablement de renforcer la « professionnalisation » de ce diplôme au travers de trois axes applicables dès la première année : « savoirs fondamentaux » où réapparaît la mise en valeur des « compétences » et pas seulement celle des connaissances en vue de « lutter contre les inégalités sociales ». Diffusion, ensuite, d’une méthodologie de travail, notamment celle dont le défaut se fait sentir dans les matières « d’expression écrite et de communication orale ». Assurance, enfin, d’un « encadrement », souhaité explicitement par de nombreux étudiants, au besoin par le biais d’un suivi, voire d’un « tutorat » pour ceux le plus en difficulté. Tout un système que les IUT, placés par la Ministre au cœur d’un dispositif rénové et assoupli de passerelles entre études générales et plus professionnelles, connaissent bien depuis trois ans : celui d’accompagner par une « orientation active », l’étudiant dans son « projet professionnel et personnalisé ». Autant de bouleversements peut-être encore plus essentiels que la Loi sur l’autonomie des Universités. La Ministre semble l’avoir compris : les changements dans le fonctionnement au quotidien et qui reposent sur les humains pèsent parfois davantage qu’une grande et ambitieuse réforme.

De même que l’individu, dans les nouvelles conditions de travail, retrouve progressivement la prééminence au sein de l’entreprise, l’étudiant, dans ce programme, revient effectivement au premier plan des préoccupations universitaires. Sinon pour quelle raisons la Ministre évoquerait-elle « le coût humain et socio-économique » des 52% d’étudiants qui échouent en fin de première année ? Et d’insister sur le fait que les licenciés professionnels trouvent un emploi dans les mois qui suivent leur formation. C’est bien le moindre lorsqu’on sait aujourd’hui, qu’un salarié d’entreprise place presque à égalité le salaire reçu et la « reconnaissance » induite par son labeur. La mobilité facilitée entre filières courtes « professionnalisantes » et filières plus générales de l’université s’inscrit dans une même perspective : en suivant un étudiant tout au long de son cursus, les professeurs ne manquent pas d’enregistrer les mutations fondamentales de jeunes, précisément à cette période de post-adolescence où pour eux, tout est tentative, expérimentation et tâtonnement. Elèves qui se découvrent ou se confirment une passion, modifient leurs priorités et développent des facultés qui leur permettent de reprendre un parcours plus ambitieux.

Quant à ceux qui s’inquiètent des conséquences d’une mainmise des entreprises sur l’Université, notamment au prix d’une dévaluation des matières non scientifiques, qu’ils se rassurent : les institutions financières de la City recrutent encore fréquemment des historiens ou des philosophes !

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