La cuisine niçoise a été inscrite au Patrimoine de l’Humanité de l’Unesco.
Pendant cette période peu propice aux sorties conviviales , l’association qui a géré cette candidature , propose des recettes qui peuvent être préparées à domicile et goutée en famille ou entre amis.
Mais aussi un peu d’histoire et un rappel des traditions avant et après les recettes !
– La salade niçoise fait partie des Mythes niçois.
Le sujet est passionnel et on va défendre la « vraie » salade niçoise comme une institution …, même si cela ne veut pas dire qu’elle est immuable car elle a évolué dans le temps. Chaque quartier, chaque village, chaque famille a eu sa propre version de la « vraie » recette, en fonction de ce qui poussait chez elle suivant la saison. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de règles, et déjà, si on appelle notre salade « niçoise », c’est parce qu’elle ne contient … que des produits niçois. Tout bon Niçois sait qu’il n’y a dans la salade niçoise aucun ingrédient cuit (sauf les œufs durs bien sûr). Certes, le grand Escoffier y a introduit les patates bouillies et les haricots … mais il est né avant 1860 à Villeneuve Loubet qui était alors … dans le département du Var ! 😉
– Mais qui a inventé le terme de « salade niçoise » ?
Tobias Smollett qui décrit longuement notre cuisine vers 1760 n’y fait aucune allusion. La première recette publiée que j’ai pu retrouver est celle du livre d’Henri Heyraud « La cuisine à Nice », en 1909. Et encore, il la place entre la monégasque et la piémontaise, en trois lignes : jeunes artichauts en quartiers, olives noires, piments crus, tomates en quartiers, filets d’anchois. Plus tard, lorsque nous sommes devenus plus riches, on a ajouté des anchois, des artichauts, des févettes, des cebettes, du petit poivron vert, du basilic, des radis, voire du céleri. Si tous les niçois s’accordent sur ces ingrédients, on commence à se disputer, même entre nous, à propos du concombre, du mesclun, des œufs durs ou du thon. Justement, c’est à ça que l’on reconnaît la salade des niçois : nous savons qu’il existe des variantes acceptables, et les non-nissart ne le savent pas. Ils n’ont pas idée de la colère qu’ils provoquent en mettant du maïs, des cornichons ou du riz dans la salade niçoise. Mais, la première mention écrite de « salade niçoise » qui l’a réellement faite (re)connaitre est celle d’un écrivain. Dans « La douceur de vivre », tome 17 des « Hommes de bonne volonté » Jules Romain note en 1918 (donc avant le livre de cuisine d’Escoffier) qu’il a mangé chez le restaurateur Bonifassi une « salade niçoise » à Falicon. Nous vous offrons celle reconnue par le label cuisine nissarde et validée par son Comité technique.
• La Salade Niçoise La Salada Nissarda recounouissuda – Préparation : 20 minutes –
Le marché pour 8 personnes : 500 g de tomates, 100 g de cebettes, 100 g de petits cœurs de céleri branche, 400 g de petits artichauts violets (en saison), 160 g de petits poivrons verts pour la salade, 250 g de radis longs dit 18 jours, 50 g d’olives noires de Nice 200 g de thon à l’huile d’olive, (et/ou) 8 anchois au sel (ou 16 filets), 20 g d’ail, 100ml d’huile d’olive 4 œufs, 8 à 12 feuilles de basilic (selon goût), Sel fin & poivre – Variantes : 100 g. de mesclun, Vinaigre de vin rouge, 200 g de concombre, 400 g (avant écossage) de févettes (en saison)
Lavez les légumes. Nettoyez les radis en les gardant entiers avec leurs feuilles tendres. Garnissez un large plat, préalablement frotté à l’ail, avec les tomates coupées en quartiers (et pas en tranches), égrainées si besoin, et très légèrement salées. Émincez finement le blanc de céleri et la partie tendre (cœur) des artichauts, les poivrons verts et les cebettes. Ajoutez les févettes (en saison). Le dressage se fait à plat, en disposant les légumes sur les tomates et en soignant la présentation, salez. Il n’y aura pas de problème de service car ce n’est pas une salade qu’on mélange. Ajoutez le thon en laissant les morceaux assez gros (et/ou les filets d’anchois), le basilic ciselé, et décorez avec les œufs durs coupés en quartiers, et les olives noires de Nice. Versez l’huile d’olive au dernier moment, le poivre moulu. Au moment de servir, veiller à bien répartir tous les ingrédients dans chaque assiette.
Remarques : – Le mesclun, c’est niçois. Et pourtant, il n’est pas obligatoire pour une recette familiale. Il est parfait pour les restaurateurs et la présentation. – L’assaisonnement : la tomate est déjà acide et le vinaigre n’est pas une nécessité. Si on en met, c’est très peu, et du vinaigre de vin (pas de balsamique bien sûr). On dit à Nice : la salada va ben salada, gaire de vinaigre, e touplen d’òli ! ou encore que pour bien assaisonner une salade niçoise, il faut la faire saler par un sage, vinaigrer par un avare, et huiler par un prodigue.
• Le pan bagnat Lou pan bagnat Préparation : 15 min Cuisson : 8 min (œuf dur)
Saison : été Le marché pour un pan bagnat : Ingrédients par pain : 1 pain rond au levain ou de campagne (de 15 à 20cm de diamètre) 2 tomates (dont 1 bien mûre qui servira à imbiber le pain), Cebettes, Petit poivron vert à salade, 1 œuf dur, Févettes (en saison), 1 petit artichaut violet : on ne conservera que le cœur émincé (en saison), 2 ou 3 radis, 5 ou 6 olives de Nice, 2 feuilles de basilic 40g de miettes de thon à l’huile d’olive, (et/ou) 1 anchois au sel (2 filets) 20 à 30 ml d’huile d’olive, 1 filet de vinaigre, 1 gousse d’ail, Sel fin et poivre du moulin
Coupez le pain en deux en laissant un volume plus important à la partie inférieure qui contiendra la garniture et retirer le surplus de mie. Frottez l’intérieur du pain avec de l’ail (selon goût). Imbibez les deux parties avec la tomate la plus mûre coupée en deux et préalablement salée, le vinaigre, ajouter le sel fin puis le poivre et l’huile d’olive. Installez les ingrédients dans la partie inférieure du pain : tomate coupée en tranches, radis et cebettes émincés, œuf dur coupé en rondelles, févettes et cœur d’artichaut émincé, miettes de thon et/ou filets d’anchois, basilic ciselé et olives. Rectifiez l’assaisonnement (sel poivre et huile d’olive). Fermez avec le couvercle en appuyant bien sur ce dernier pour tasser les ingrédients à l’intérieur du pan bagnat. Vous pouvez entourer d’un film alimentaire et mettre au frais au moins une heure avant de servir. N’oubliez surtout pas d’emmener de grandes serviettes blanches pour vous essuyer les mains et le visage après avoir mangé.
• Et pour alimenter la conversation pendant ce festin, quelques repères historiques et gastronomiques – La tomate, fruit ou légume ?
On a l’habitude de distinguer les légumes, qui se mangent salés, des fruits qui se consomment sucrés. Or le terme « légume » regroupe des parties du végétal très variées qui n’ont pas de rapport entre elles : les racines (carotte, radis…), les feuilles (salades), les fleurs (artichaut…), et les fruits (tomate, concombre…). La tomate est donc … un fruit. – Fruit masculin ou féminin ? Rappelons d’abord que le Niçois aime tellement la tomate qu’il la décline… au masculin. Et oui, en niçois on dit « lou toumati ». Allons bon, pour ne pas m’attirer les foudres des lectrices, rappelons également que le condiment le plus indispensable, « la sau », le sel, est bien au féminin ! –
Petite histoire de la tomate.
Belle carrière pour ce légume-fruit qui a mis deux siècles pour conquérir l’Europe et qui est aujourd’hui le deuxième légume le plus consommé dans le monde après la pomme de terre. La tomate est originaire des vallées montagneuses des Andes péruviennes où les incas la cultivaient avant Christophe Colomb. A l’état sauvage, elles n’ont absolument rien à voir avec les tomates que nous connaissons aujourd’hui. Elles sont de la grosseur d’une cerise et jaunes. Lorsqu’elle entre en Europe, après 1500, c’est déjà sous une forme plus grosse et plus ronde. Les premières traces de sa consommation se trouvent en Italie où on la nomme « pomme d’or » et parfois aussi « pomme d’amour ». Elle s’implante à Nice au XVIIème siècle. On en fit d’abord une plante décorative pour ses fleurs et ses petits fruits rouges. Le cardinal de Richelieu en visite à Toulon en reçut quatre pieds en cadeau de bienvenu ! Longtemps considérée comme une plante toxique, elle appartient à la famille des Solanacées comme la belladone, le datura, la mandragore ou … le tabac. Il faut attendre 1731 pour qu’elle soit reconnue officiellement « comestible » par le botaniste écossais Philippe MILLER qui lui adjoint l’adjectif « Esculentum », qui signifie comestible. Il faudra attendre 1778 pour qu’elle soit référencée dans le fameux catalogue Vilmorin-Andrieux à la rubrique des plantes potagères. Avant cette date elle n’était classée que comme plante ornementale. Malgré cela, presque un siècle plus tard dans nos bons vieux livres de jardinage (le Bon Jardinier 1919), on pouvait lire : « la tomate ne serait pas utile en cuisine ». Sa première utilisation culinaire se limite strictement à celle de ses origines sud-américaines : la confection d’une sauce. Très cuite, au moins trois heures, pour lui enlever « ses vertus vomitives » comme le déclaraient les spécialistes de l’époque.
Alex Benvenuto, historien de la culture niçoise et membre-promoteur de l’association