Coincé de plus en plus entre les Ayatollahs étrangers de l’extrémisme religieux et les Fouquier-Tinville d’un laïcardisme pseudo républicain, il est bon parfois de se retrouver autour de véritables amis. Ce fut certainement le cas de ceux, Juifs, Chrétiens et Musulmans, qui avaient répondu présents à l’invitation lancée par l’Association d’Amitié Judéo-Musulmane des Alpes-Maritimes et par son dynamique président, le Docteur Marouane Boulouednine.
Sous l’appellation « soirée de la fraternité », le théâtre Lino Ventura, situé en plein cœur du secteur « sensible » de l’Ariane, accueillait en effet jeudi dernier de nombreux acteurs de la société civile: des représentants associatifs, à l’image de Martine Ouaknine ancienne présidente du CRIF Sud-Est, membre du bureau de l’AJM06 et candidate sur la liste municipale de Christian Estrosi sur Nice. Ou bien des figures religieuses comme celle du Père Patrick Bruzzone, curé de la paroisse St Pierre de l’Ariane, aux activités sociales très marquées dans ce quartier. Nombre d’élus locaux et nationaux Rudy Salles, Eric Ciotti, Patrick Allemand, Dominique Estrosi, Roger Roux avaient fait le déplacement pour soutenir cette heureuse initiative, articulée autour de la projection d’un film franco-tunisien de Férid Boughédir tourné en 1996, certes un peu ancien mais ô combien symbolique : « Un été à la Goulette ». Cette histoire raconte, à la veille de la guerre israélo-arabe de 1967, la cohabitation paisible et intelligente de trois familles de confession différente, juive, chrétienne et musulmane dans un même immeuble de la banlieue balnéaire de Tunis. Mais il n’en annonce pas moins le choc prévisible de la guerre et celui, plus diffus entre une évolution des mœurs et des formes de radicalité religieuse. On y entend, tout un symbole, l’inoubliable chanson de la diva libanaise Fayrouz « Habaitak » (« je t’ai aimé… ») comme un écho douloureux et nostalgique de cette région du monde d’avant l’ère du chaos.
Dans sa présentation de la soirée, le président de l’AJM06 Marouane Boulouednine donna le ton : mentionnant le principe d’une « République une et indivisible », il a souhaité faire de l’AJM06, « une passerelle entre toutes les communautés ». Et de rappeler cet « inoubliable moment », « le Iftar, cette rupture de jeûne lors du dernier ramadan en présence des représentants de toutes les religions, priant ensemble ». D’où, à ses yeux, cette soirée conçue comme la continuation de cet esprit au travers d’un film, « porteur d’un message de tolérance ». « Soyons fiers, s’est-il exclamé, de cette laïcité qui existait déjà du temps de Al-Andalous, autour du juif Maïmonide et du musulman Averroès ». Invité à prendre la parole, le Consul général de Tunisie à Nice, son Excellence Mohamed Lamine Meherzi, fit pour sa part référence à la « Charte de Carthage », signée à la maison « Beit al Hikma » (Maison de la Sagesse) en avril 1995, laquelle rappelle que la « tolérance n’est pas une attitude spontanée mais une vertu patiemment acquise ».
Les différents élus présents dirent ensuite quelques mots : Rudy Salles, en tête puisqu’il s’agit de sa circonscription, a tenu des propos humains sur la « nécessité de bâtir un espace méditerranéen où sont partagées des perceptions identiques de la vie ». « Comme en Tunisie, en Israël et en Turquie, a-t-il poursuivi, d’où « son soutien au projet d’Union méditerranéenne lancé par Nicolas Sarkozy ». Plus officielle, l’intervention d’Eric Ciotti, un peu moins à l’aise que son prédécesseur, n’en fut pas moins très politique, campagne électorale oblige : rappelant que « la tolérance demeure en France, la liberté de croire comme celle de ne pas croire », il s’est félicité de la « publication d’un calendrier où toutes les fêtes, religieuses ou pas, sont répertoriées ». Patrick allemand représentant Michel Vauzelle a lui aussi évoqué le projet d’Union de la Méditerranée et vanté les activités de l’AJM06, qu’il a qualifiées de « remarquables car s’inscrivant dans le concept de laïcité ». « Mais, a précisé l’élu socialiste, il n’y pas trente-six manières d’interpréter ce concept ». Et de citer, en guise de précisions, « l’école de la République et la force de l’équilibre » avant de terminer par une note personnelle puisque sa mère « dont il ne parle jamais » a passé dix-huit ans dans la cité balnéaire où se déroule l’action du film. Le représentant du Préfet a rappelé, pour sa part, la « mobilisation de l’Etat pour ce quartier de 12 000 habitants sous la forme de différents contrats d’intégration et de cohésion sociale. « Le talent, a-t-il insisté sous forme de conclusion et d’appel aux jeunes du quartier, n’a ni nationalité, ni couleur, ni religion ».