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22 novembre 2024

Aymeric Gibet (capitaine du Belem) : « être le capitaine, c’est comme être pilote de chasse »

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Aymeric Gibet, 40 ans, marin nantais formé à Marseille, est le commandant du célèbre voilier français, le Belem, depuis 2016. Après un voyage entamé en 2011, il est passé du grade de second capitaine à capitaine lors de son retour quatre ans plus tard. Monsieur Gibet nous fait le plaisir de partager son expérience professionnelle.


Interview du commandant d’un trois-mâts qui a plus de 120 ans d’existence.

Pourquoi avoir choisi le Belem ?

Ce n’est pas forcément un choix. J’ai fais l’école des officiers de la marine marchande à Marseille. Là-bas, on nous forme pour naviguer sur n’importe quel bateau (pétrolier, paquebot, porte-conteneurs…). Le Belem est le seul navire à voile enregistré à la marine marchande. Quand on m’a proposé le commandement du navire en 2016, je n’ai pas hésité.

Quel est votre meilleur et pire souvenir à bord du Belem ?

J’en ai plusieurs. Il y a surtout des beaux moments. Par exemple, les mariages qui ont lieu à bord du navire, ou encore l’émotion d’un stagiaire qui, après une certaine période passée au sein de l’équipage, nous quitte en larmes. Dans ces moments, on est tous très fiers de notre équipe et du bâtiment. Au moment où le bateau arrive à quai sous les applaudissements, le Belem et son équipage sont acclamés.
Avec des situations difficiles ou particulières dues à la météo, ou encore la pression commerciale, on a toujours des doutes lorsqu’on manœuvre le voilier. Moi, j’ai une pression permanente quant aux possibilités d’une erreur majeure sur le second plus vieux navire naviguant au monde.

Le Belem est-il comme une deuxième maison pour vous ?

Oui, comme tout marin d’ailleurs. Je passe six mois de l’année à bord du Belem. J’y ai mis les pieds pour la première fois en tant que professionnel en 2005. Je suis monté en grade au fur et à mesure et j’en suis aujourd’hui à ma cinquième année de commandement. Je connais très bien le Belem, j’y ai beaucoup de souvenirs.

Qu’est-ce que ça fait d’être le commandant du plus vieux voilier de France ?

Être commandant c’est avant tout une grande responsabilité. On est responsable d’un équipage, d’un navire et de son système de fonctionnement. Le Belem est un navire qui a 124 ans d’existence et bien entretenu. Il est fait pour perdurer durant les siècles et il faut le préserver avec son patrimoine pour les générations futures. Le faire naviguer sur les flots le fragilise d’une certaine manière, c’est pourquoi des travaux sont nécessaires pour garder le Belem en bon état.
En ce qui concerne sa valeur, il est important de restaurer ses parties historiques, des choses qu’on ne peut pas voir sur d’autres navires. Au niveau du budget, cela nous revient assez cher mais c’est le seul moyen pour bien entretenir le bâtiment et être en sécurité à bord.

Comment se tient l’équipage ? Y a-t-il des liens sociaux ?

À bord d’un bateau, il n’y a aucun problème de hiérarchie. N’importe quel marin vous dira qu’il faut faire avec la météo, le bateau et son commandant. Ici, quand les gens nous demandent quelque chose concernant le Belem, nous nous faisons un plaisir de transmettre l’information même si elle est répétitive. Lors de visites publiques, on reçoit 1 200 visiteurs au quotidien. Par conséquent, on s’attend à ce qu’on nous pose les mêmes questions tous les jours.
Il est notre devoir d’être patient et de répondre honnêtement et respectueusement à la demande des touristes. Même chose pour les stagiaires et apprentis marins qui nous vouvoient au départ et finissent par nous tutoyer à la fin.

Qu’est-ce que ce navire à de particulier à part son âge ?

Un voilier est toujours particulier. Les voiles remplacent les moteurs. Il arrive un moment où les moteurs sont éteints durant le voyage et les voiles se chargent du reste, dépendamment des conditions météo (vent, tempête…).
Le devoir de transmettre l’information du navire aux « terriens » est tout aussi particulier. Sans oublier toutes les escales. Personnellement, je ne connais pas un seul bateau de commerce de la Marine marchande qui fait escale à Marseille, Cannes, Bordeaux, Nantes… Ce sont des escales uniques pour nous. Quand on arrive à quai dans une nouvelle ville, le Belem et son équipage sont accueillis comme des rois.

Quelle est la partie la plus symbolique ou historique du bateau ?

Le Belem a beau être connu comme le plus grand voilier français, il reste petit par rapport aux autres grands voiliers internationaux. A lui seul, il paraît de grande taille mais par comparaison, c’est une autre histoire. Le navire n’est pas imposant par sa coque mais sur les flots, il est mis en valeur par sa voilure.
Pour moi, la mature et la hauteur des mâts rendent le Belem impressionnant.

Avez-vous un message à faire passer, notamment aux plus jeunes qui rêvent d’avoir votre poste ?

Je comprends que devenir commandant d’un navire fait partie des rêves d’enfant les plus fous. Moi-même, en 1987, j’ai visité le Belem avec mes parents. En être le capitaine, c’est comme être pilote de chasse. Je sais que ça fait rêver les enfants et c’est un métier largement accessible mais auquel on ne pense pas trop.
C’est un métier qui demande beaucoup de sacrifices dans sa vie privée. Il est possible que, une fois engagé sur les flots, vous ne voyez plus vos proches pendant un long moment (six mois).
Quand on veut, on peut ! Devenir commandant d’un navire n’est pas un projet trop compliqué. C’est une fonction exigeante non pas dans son accession mais plutôt dans la rigueur de travail. Les vraies épreuves commencent lorsqu’on a atteint le poste.

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