Au risque de surprendre plus d’un lecteur, on peut souhaiter que les détracteurs les plus intransigeants comme les partisans les plus fidèles de Nicolas Sarkozy se réjouissent à l’unisson des résultats du premier tour de ces élections municipales. Pas forcément pour les mêmes raisons. Quoique. Même situés de part et d’autre de l’échiquier politique national, les adversaires et les soutiens du Président de la République s’accorderont au moins sur un point : même avec des enjeux locaux dans leur ligne de mire, c’est également une démarche personnelle que les électeurs viennent, en arrière plan, de sanctionner. Et ce, alors que les finalités traditionnelles de ces échéances auraient dû les en détourner. Ce vote d’irritation, « d’impatience » pour reprendre les termes de plusieurs ministres du gouvernement, est assurément le meilleur service que ses amis, alliés et militants auront pu lui rendre.
Il était en effet grand temps : des conseillers qui, effets en miroir prodigués par leur chef, ne résistent plus à l’attrait du « sunny side of the street » et se répandent dans la presse, parfois non sans une arrogance que la détention du pouvoir rend pour le moins superflue, une spirale croissante, pas toujours heureuse dans le timing et quant au fond, d’initiatives présidentielles en roue libre et déconnectées des soucis quotidiens des Français, une cote de popularité qui ressemble davantage à une cote d’alerte, bref autant de bonnes raisons pour se féliciter d’un vote qui intervient à point nommé.
Reste à avoir ce qu’il adviendra de cette consultation, à l’image de celle qu’un haut responsable politique requiert de son éminent conseiller : en fonction de son courage, ce dernier peut uniquement lui dire ce que sa hiérarchie a envie d’entendre. Il peut tout aussi bien lui exprimer son sentiment profond, son intime conviction quitte à prendre le risque de froisser son interlocuteur. La première option, aussi socialement apaisante qu’elle apparaisse sur le moment, ne retarde en fait que le moment crucial de la décision. Plus dérangeante, la seconde demeure bien la seule à susciter un progrès dans la résolution d’un problème. Les proches de Nicolas Sarkozy devraient saisir l’occasion pour longuement y réfléchir.
Certains psychanalystes, et non des moindres, ne manqueront pas de rapprocher cette orientation de ce qu’ils appellent la « loi de la taloche » : gentiment appliquée au destinataire – parfois un enfant ou un adolescent dont les comportements turbulents et répétés trahissent sa recherche de limites – elle provoque en premier lieu une forme de sidération, puis un léger repli sur soi. Cette intervention l’invite également à aller dans une autre direction, favorise l’adoption d’un comportement différent, l’accès au précédent devenu barré, prohibé par la volonté parentale. C’est sur cette rencontre indispensable avec ce « non » que le jeune se construit, progresse, grandit.
Dans l’attente d’un second tour susceptible de confirmer l’orientation du premier, on peut espérer que l’Elysée réfléchisse déjà aux leçons positives à tirer de cet épisode. Entre les signes d’un compromis esquissé avec l’Allemagne sur le projet d’Union de la Méditerranée ou l’éloignement raisonnable d’une perspective de remaniement gouvernemental en profondeur, une nouvelle phase présidentielle semble émerger. Dans son propre électorat, le Président aura peut-être trouvé son maître. Le Pape lui-même n’a-t-il pas un confesseur ?