Alors que le projet de Grand Stade à Nice est en bonne voie, une seule question est sur toutes les lèvres : mais comment s’appellera-t-il ? Aprés le portrait de Giuseppe Garibaldi, voici celui de Catherine Ségurane.
Catherine Ségurane. Ce nom est bien connu de tous les niçois. Elle fait partie de l’histoire de la ville de Nice et symbolise aux yeux de la population la résistance et la détermination. Son nom fait référence à son acte de bravoure lors du siège de Nice en 1543.
La femme qui sauva Nice
A l’époque de Ségurane, Nice était rattachée à la Savoie. Or, François 1er, en conflit avec les Ducs de Savoie, s’était fixé comme objectif de leur prendre Nice pour leur faire un affront digne de lui. Dans sa quête, il s’est allié aux turcs pour augmenter sa puissance militaire.
C’est donc au mois de juin 1543 que les premières forces franco-turques ont attaqué Nice puis assiégé et même bombardé notre cité.
Un premier assaut fût donné le 2 août 1543. Un second assaut épuise Nice le 15 août. Pourtant, contre toute attente, la situation s’inverse, le drapeau turc finit par tomber, et c’est la débandade chez les assaillants. Il faut un troisième assaut le 8 septembre qui rencontre une sérieuse résistance pour décourager définitivement les assaillants franco-turcs.
Les deux dates clefs de la résistance ayant été le 15 août et le 8 septembre, jours dédiés à la Vierge Marie, il n’en fallût pas plus pour que les niçois attribuent à leur victoire une dimension miraculeuse. Ne dit-on pas que, le 15 août, elle apparut aux Niçois, couvrant la ville de son manteau pour y recueillir les boulets ennemis? Mais de ce siège une personne, une autre femme, a marqué les esprits, Et cette femme, c’est Catherine Ségurane.
Cette dernière se serait distinguée du haut des remparts, en haranguant les niçois, les exhortant à reprendre l’offensive pour défendre la ville. Mais surtout, elle gagna sa notoriété en assommant elle-même un turc d’un coup de battoir à linge, et en lui prenant son étendard. Certaines versions diffèrent légèrement et évoquent le fait qu’elle aurait repousser les assaillants en se retournant et en leur montrant son postérieur !
Mythe ou réalité?
Mais on peut aussi se poser la question de l’existence véritable de cette femme. Plusieurs points sèment le doute dans les esprits les plus avertis. Premièrement l’évocation de ses faits d’armes n’a lieu que quelque cinquante ans après la fin du siège. Venant s’ajouter et se substituer à l’intervention du 15 août de la vierge marie, celle d’une Niçoise du peuple, une lavandière devient la version colportée par la légende et donc par l’histoire. Cette femme, c’est l’historien Honoré Pastorelli qui en parle le premier, et son texte est repris, développé tout au long du XVIIème siècle. De plus, le personnage peut avoir existé mais son existence n’est pas prouvée,
Mais le plus symptomatique des points qui mettent en doute la véracité de cet épisode historique est celui-ci : un chroniqueur qui a vécu le siège, Jean Badat, n’évoque pas l’intervention de Catherine.
Ce doute n’empêche pas la Ville, à l’époque, de faire placer son effigie sur la porte Pairolière, comme pour décourager les agresseurs. Les écrivains lui donnent aussi une épaisseur humaine : elle apparaît comme une sorte de virago, laide (la femme mal faite, dit-on d’elle), forte, courageuse, simple et qui retourne à l’anonymat une fois son acte d’héroïsme accompli.
Quoiqu’il en soit, véritable ou pas, son intervention reste à jamais gravée dans la mémoire collective du peuple niçois. Issue du culte de l’idéal féminin exalté par l’épopée de Jeanne d’Arc et l’art courtois du XVème siècle, Catherine Ségurane reste le symbole émouvant du courage des Niçois et des Niçoises lors de ce siège dramatique. Son personnage nous rappelle, à nous Niçois, que notre ville jadis était maîtresse de son destin et que certains se sont attachés à nous priver de notre liberté, de notre langue et des traditions séculaires qui étaient notre plus grande richesse. Une bonne leçon à retenir dans un moment où certaines libertés sont bafouées et mises en danger dans notre société.