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24 novembre 2024

Les plateformes VOD menacent-elles les salles de cinéma ?

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Depuis quelques années, le succès des plateformes de vidéos à la demande telles que Netflix, OCS, Prime Video ou encore Disney + est grandissant – le nombre d’abonnés Netflix dans le monde a doublé entre 2018 et 2020, dépassant les 220 millions d’abonnés. Face à ce phénomène, une question se pose dans la tête de tous les cinéphiles : ces plateformes VOD sont-elles une menace pour les salles de cinéma, et en particulier pour les cinémas d’art et d’essai ?


Nous avons rencontré Maryam Rousta Giroud, directrice du cinéma et des studios de la Victorine, afin qu’elle nous donne son avis sur la situation.

Nice Premium : Craignez vous une réelle baisse de la fréquentation des salles de cinéma d’ici quelques années, du fait du succès grandissant des plateformes telles que Netflix ou OCS ?

Maryam Rousta Giroud : Ces derniers temps il y a eu une réelle baisse de la fréquentation de tous les établissements culturels en France, mais plutôt à cause de la situation sanitaire. Bien sûr que les plateformes peuvent avoir un impact sur la fréquentation des salles, mais rien ne peut remplacer le sentiment d’immersion que l’on ressent quand on est dans une salle de cinéma. D’ailleurs, à la cinémathèque de Nice nous remarquons une augmentation de la fréquentation. Cette hausse s’explique par deux facteurs : bien évidemment par la programmation et par les tarifs particulièrement attractifs que nous proposons.

Très honnêtement, je ne suis pas du tout pessimiste sur l’avenir du cinéma et des salles de cinéma. Dans l’histoire du cinéma, à chaque fois qu’il y a eu l’apparition d’une nouvelle offre de diffusion cinématographique – par exemple lorsqu’il y a eu l’arrivée de la télévision – il y a des périodes d’ajustement, mais on se rend compte que la fréquentation des salles continue. D’ailleurs, avant la crise sanitaire et malgré la présence des plateformes, il n’y avait jamais eu autant de fréquentation de salles de cinéma en France.

«Tout est une question d’adaptation, d’ajustement, de proposition de programme qui font que vous pouvez perdurer dans le temps et cohabiter avec les nouvelles offres de diffusion cinématographique.»

NP : Pensez-vous que le cinéma d’art et essai soit à l’abri de la menace des plateformes VOD (qui proposent davantage des grosses productions) ou au contraire, pensez-vous qu’elles vont s’intéresser de plus en plus à ce type de cinéma ?

Maryam Rousta Giroud : Pendant la crise sanitaire, Netflix a proposé pas mal de films de cinéma d’auteur français et de cinéma de patrimoine français. Ce qui est certain c’est que lorsque vous avez une offre patrimoniale, vous vous démarquez de l’offre générale. Concernant la cinémathèque de Nice, on constate une hausse de la fréquentation du fait de cette offre patrimoniale. Je trouve que l’offre de Netflix s’est beaucoup diversifiée y compris vers le cinéma d’auteur, et malgré cela, on résiste tout de même très bien. D’ailleurs c’était très émouvant pendant la soirée des César lorsque certains intervenants ont insisté sur le fait que la sensation que vous avez dans une salle de cinéma, vous ne la retrouverez jamais sur votre petit écran ou chez vous.

C’est vrai aussi que les cinémathèques ont un rôle très important à jouer aujourd’hui et à l’avenir parce que ce sont des institutions qui proposent de redécouvrir l’histoire du cinéma et ça, ça reste quand même une offre très importante.

NP : Les cinémathèques ne sont pas forcément des lieux très fréquentés par un public jeune, qui est justement très habitué à ces plateformes VOD. Comment essayez-vous d’attirer ce jeune public ?

Maryam Rousta Giroud : C’est une action importante que l’on a initié à la cinémathèque de Nice et qui est d’ailleurs menée par le CNC (Centre National du Cinéma et de l’Image Animée, ndlr) au niveau national. Le CNC a engagé beaucoup d’actions pour attirer un public jeune vers le cinéma.

À la cinémathèque de Nice on a lancé plusieurs initiatives dans cette direction. On a développé le dispositif «ambassadeur lycéen cinéphile» : on a lancé un appel à candidature et aujourd’hui, une quinzaine de lycéens participent avec nous à la programmation et nous leur diffusons des séances privées.

De la même manière, on a engagé une action avec des élèves du master de management art et culture. Ils organisaient une exposition intitulée «L’échappée», et dans le cadre de cette exposition, ils ont voulu un partenariat avec la cinémathèque de Nice. Nous avons alors choisi ensemble une programmation adaptée. Pour chaque film qu’ils avaient sélectionné, nous leur avons proposé un film de patrimoine, de manière à les amener vers ce type de cinéma.

J’ai à cœur de faire participer à la programmation un public plus jeune pour qu’il se sentent totalement concernés par notre offre, qu’ils puissent participer à la programmation et assister à la diffusion. Ce que l’on espère c’est que cette offre réponde à une majeure partie du public.

NP : Aujourd’hui on remarque que de grands réalisateurs réalisent des films pour des plateformes VOD qui ne sortiront donc jamais en salle. (Par exemple, en 2019, pour aller voir le dernier Scorsese, ce n’était pas au cinéma qu’il fallait aller mais sur Netflix). Pensez-vous que ce phénomène va devenir de plus en plus présent, favorisant davantage les plateformes VOD au détriment des salles de cinéma ?

Maryam Rousta Giroud : Bien sûr que des grands noms du cinéma vont réaliser des films pour des plateformes VOD, mais je pense que ça ne va jamais les empêcher de réaliser par ailleurs des films destinés à sortir en salles. Scorsese a quand même fait les plus grands films diffusés en salle. Son cinéma, c’est un cinéma qui se voit sur grand écran, d’ailleurs The Irishman (M. Scorsese, 2019) aurait fait un tabac s’il était sorti en salle. Je pense que ce n’est pas parce que ces grands noms du cinéma vont réaliser pour des plateformes, qu’ils vont renoncer à réaliser des films qui sortent en salles.

NP : Globalement êtes-vous plutôt optimiste quant à l’avenir des salles de cinéma ?

Maryam Rousta Giroud : Vous savez, on n’a pas d’autre choix que d’être optimiste en réalité. Tout est un combat. Ce qu’il faut, c’est qu’on mobilise nos forces pour faire des propositions originales et pour s’adapter à de nouvelles situations, et persévérer dans notre offre à la cinémathèque de Nice.

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