Nice-Premium : Comment définiriez-vous la Nissartitude ?
Jean-Marc Giaume : Pour moi, c’est tout simplement le fait d’aimer profondément cette terre, d’être passionné, amoureux de sa culture, de sa ville. Un attachement qui est sentimental, et non politique et idéologique. La Nissartitude comprend bien sûr de grands auteurs nés à Nice, comme Richard Caïraschi, digne représentant de l’humour niçois, et d’autres qui ne sont pas nés à Nice. Mais tous ont en commun leur amour pour cette ville. Un jour, j’ai rencontré Aimé Césaire en Martinique : nous avons discuté pendant plus d’une heure. Je me suis rendu compte qu’il affrontait les mêmes difficultés que moi, pour faire connaître la culture martiniquaise. Défendre la Nissartitude, c’est défendre une partie du patrimoine européen et mondial.
NP : Cette année, vous êtes passé de la présidence de la Fédération des associations du Comté de Nice à un poste à la mairie de Nice. Qu’est que cela a changé pour vous ?
JM Giaume : J’ai présidé la Fédération pendant 12 ans, en intervenant de manière très importante dans les domaines de la mémoire et de l’histoire régionale. Cette année, Christian Estrosi m’a proposé de mettre mon expérience au service de la population, pour en faire profiter l’ensemble de la ville de Nice, J’ai tout de suite accepté. Cela a été ressenti comme une évolution logique dans mon entourage. Aujourd’hui, je suis à la tête d’une équipe pluridisciplinaire, qui a été spécialement créée pour cette mission. Nous mettons en place un plan pluriannuel, dans lequel nous planifions les manifestations pour les 5 années à venir. Ces projets concernent autant l’archéologie que l’animation de quartiers… Ce qui m’intéresse, ce n’est pas seulement de créer des musées : je veux organiser une culture vivante, lui donner un apport continuel, et associer tous les Niçois à la manifestation.
NP : Christian Estrosi a affirmé sa volonté de convaincre un maximum de personnes de venir à Nice. Comment garder une forte identité locale au milieu de milliers de non-Niçois ?
JM Giaume : Que l’on soit né ici ou pas, on peut aimer profondément Nice. Il y a de nombreuses portes d’entrée sur la culture niçoise : la langue, la cuisine, le théâtre… Chacun peut y prendre ce qui lui plaît, ou le tout, ou rien. Par ailleurs, le fait de connaître ses racines doit être un vecteur d’échange. Il ne faut pas voir la culture niçoise comme une tradition réservée à ceux qui sont là depuis longtemps. Elle est un outil d’intégration, de compréhension et d’ouverture sur le monde.
NP : Justement, comment agissez-vous face aux extrémistes et aux identitaires, qui défendent eux aussi la culture niçoise ?
JM Giaume : Je ne m’occupe que de l’action, pas des personnes. Je veux monter des projets concrets, sans me préoccuper de grands discours politiques. La question que je me pose toujours est : que faire pour transmettre la culture niçoise ? Je ne vois dans ce domaine que la stigmatisation et la caricature qu’il faille éviter à tout prix.
NP : Quels sont les grands évènements que vous préparez cette année ? Y a-t-il de nouvelles fêtes au programme ?
JM Giaume : Nous avons associé de jeunes créateurs à la fête des mai, cette année. Ce sera un grand moment de rencontre : nous voulons faire quelque chose de très, très beau. Les nuits celtiques, aussi, serons une occasion de montrer la culture niçoise, même si leur nom ne l’indique pas. La prochaine manifestation que nous organisons a lieu ce samedi, au port : il s’agit de la Fête de la Saint Pierre. En ce qui concerne les nouveautés, elles consisteront surtout à défendre la langue niçoise. Il s‘agit d’une opération grand public, avec des interventions dans les écoles. Les enfants sont les Niçois de demain : c’est à eux de s’approprier la culture niçoise.
NP : Comment profiter du carnaval de Nice pour montrer la culture niçoise à un maximum de monde ?
JM Giaume : Il faut avant tout sortir des clichés : montrer que Nice, c’est autre chose que le carnaval et les chaises bleues. Notre culture est en réalité riche et complexe. Le carnaval représente une occasion à ne pas rater pour exporter notre culture. Que les Niçois aiment la culture niçoise, c’est bien ; qu’un touriste l’aime, c’est mieux : ils deviennent des ambassadeurs.
NP : Vous essayez de faire inscrire la route royale du Comté de Nice au patrimoine de l’Unesco, cela depuis des années. Où en est votre action ?
JM Giaume : Ce projet se fait sur le long terme. Il nous faut déjà au moins 4 à 5 années pour rassembler l’iconographie et les témoignages, et ainsi monter le projet. Le dossier est lourd, mais les résultats sont là : en février, nous avons été reçus par l’ambassadeur de France à l’UNESCO. Cela prouve bien que le projet a une certaine valeur. Mais il nous faut encore du temps.