La voix est basse, très calme. Il parle lentement, les mots sont choisis avec application. Des mots pour décrire l’indescriptible, d’abord. Puis, très vite, parce qu’aujourd’hui c’est ça l’important, des mots pour raconter le travail, les entraînements, et les rêves de médailles olympiques.
Clavel Kayitare concoure au 100 mètres et 4X100 mètres. Aux JO d’Athènes, il a été médaillé d’argent. Un exploit qu’il compte bien réitéré à Pékin.
Du Rwanda à la France
Clavel a 8 ans quand il débarque en France, en 1994. Il quitte le Rwanda en urgence, gravement blessé. Toute sa famille a disparu pendant le génocide, sa jambe droite est brulée, le genou déchiqueté par une grenade.
Le 5 juin, à l’aéroport d’Orly, Antoine et Nadine Léonard-Maestrati accueillent un enfant, celui qui porte le numéro 13 et dont ils ne savent rien encore, pour quelques semaines. Le temps de se faire soigner, que la guerre cesse. Les semaines deviennent des mois. A la suite du choc, Clavel oublie totalement sa langue maternelle, et le couple Léonard-Maestrati décide de l’adopter.
Commence alors pour l’adolescent une longue et difficile rééducation. Une vingtaine d’opération tentent de lui rallonger la jambe. Pendant 4 ans, il est prisonnier des béquilles et des fauteuils roulant. Aujourd’hui, il porte un fixateur qui lui rallonge sa jambe de 21 centimètres.
Antoine Léonard-Maestrati est réalisateur. Avec l’accord de Clavel, il réalise un documentaire sur l’histoire de son fils. « Clavel, l’enfant n°13 » est diffusé en avril dernier, sur France 3. Pour les besoins du film, Clavel accepte de retourner au Rwanda. Ce que le temps n’a pas guéri, le voyage le fait.
« C’est important de parler de cette histoire, insiste Clavel. Il faut dire ce qu’il s’est passé au Rwanda en 1994. Je ne veux pas qu’on l’efface. Ça fait parti de notre Histoire. C’est comme si en France on choisissait de ne plus parler d’une guerre. »
« J’ai deux racines »
Clavel a toujours été très sportif. En 2000, il est sacré meilleur buteur de la coupe de France de football du championnat handisport. La même année, il est invité aux Jeux Paralympiques. Et pour lui, c’est la révélation. Lui aussi, il veut courir.
La première compétition à laquelle participe Clavel est le championnat de France espoir en salle, en 2001, sur 60m. A sa grande surprise, il la remporte. Puis tout s’enchaîne très vite, jusqu’à cette première médaille olympique, en 2004.
« Mais à chaque JO, on reprend tout à zéro. On se prépare pendant 4 ans, et il faut s’attendre à tout. Alors, j’enchaîne les stages, je m’entraîne 17 à 18h par semaine, et je croise les doigts. Je veux apporter à la France une médaille. »
Une médaille pour la France, mais dans son cœur le Rwanda n’est jamais loin. « Dans mon coeur, j’ai deux pays : mon pays d’accueil, et mon pays natal. C’est comme un arbre qu’on déplace. Il garde une partie de ses racines d’origine. Et bien moi, j’ai deux racines. »
Avec un pointe d’humour démentie par le sérieux de son regard, il promet que dans deux semaines, il courra aussi pour le Rwanda, mais que c’est en France qu’il veut revenir. « C’est comme ça, il ne faut pas oublier d’où on vient, ni où on va… »
Cette vidéo est issue du site Web TV Nice