La Conseillère municipale, Dominique Estrosi se livre à Nice Première. Entre professionnalisme et émotion, elle nous parle de son quotidien.
Nice Première : Quelles sont vos qualités et vos défauts dans le travail?
Dominique Estrosi : Je suis persévérante. J’aime aller jusqu’au bout des choses. Mon but est de finir ce que je fais. Cela peut être un défaut comme une qualité.
Même chose pour mon franc-parler. Je n’ai pas la langue de bois, défaut qui a beaucoup et souvent coûté à la classe politique. Une classe politique discréditée et montrée du doigt par les citoyens. Car à Droite comme à Gauche, le discours est un discours très « politiquement correct ». Résultat : les Français ne leur font plus confiance.
Je suis également déterminée, et surtout passionnée.
NP : Quels sont vos rapports avec le maire Jacques Peyrat ?
DE : Ils sont francs et loyaux. Il m’est déjà arrivé de lui dire que je n’étais pas d’accord avec lui. Je pense que ce ne serait pas un service que d’être « courtisanne » du « oui » à tout prix. Donc je n’hésite pas à manifester mon opinion. Pour autant, c’est lui le maire, à la fin c’est lui qui tranche.
NP : Quels sont vos rapports avec l’opposition municipale ?
DE : Je respecte l’opposition. En démocratie, c’est la moindre des choses. Ils ont été élus par une tranche de la population. A travers eux, une partie des Niçois est représentée. Le fait de ne pas les respecter reviendrait à dire que l’on ne respecte pas les Niçois qui les ont choisi. Cela n’empêche pas d’avoir une vision différente des choses.
NP : Qu’est ce qui vous a conduit à faire de la politique ?
DE : J’ai un père qui a été adjoint au maire de la ville de Nice. J’ai donc toujours baigné dans ce milieu. Mon mari fait de la politique également. Donc ce n’est pas quelque chose de nouveau qui m’est tombé dessus. De plus, il se trouve que j’aime ma ville. Je me suis toujours intéressée à ce qui s’y passait. Après mes études de droit je suis directement entrée à la mairie au cabinet du maire de 1981 à 1985. Faire de la politique n’était donc pas une révélation.
NP : Comment êtes-vous devenue Conseillère municipale ?
DE : Jacques Peyrat m’a demandée si je souhaitais le rejoindre. A l’époque, je suivais et j’assistais mon mari. J’ai franchi le pas en acceptant.
De l’ombre je suis donc passée à la lumière en devenant une femme politique. Je me suis alors fait un prénom à côté de mon nom. Aujourd’hui, les Français me reconnaissent en tant qu’élue et pas uniquement en tant qu’épouse d’un homme politique.
NP : Que représente pour vous votre poste ?
DE : Je suis contente d’excercer cette profession car j’aime ma ville. Je vois que mes responsabilités peuvent apporter quelque chose de mieux à mes concitoyens. En particulier dans les quartiers difficiles dont je m’occupe. Cela fonctionne grâce à la proximité.
En tant que Conseillère, je vais souvent dans ces zones pour être au contact avec les habitants, leur montrer que je suis là. Dans les bons moments comme dans les mauvais. Et ils me le rendent bien. Je n’ai jamais eu de problème jusqu’ici. Certes, je n’ai pas la possibilité d’intervenir dans tous les cas. Mon rôle consiste alors, à leur expliquer ce qui est réalisable et ce qui ne l’est pas.
J’essaie de prendre en compte toutes les demandes, tous les dossiers. Chacun compte à mes yeux. Certains prennent plus de temps que d’autres à être traités car les demandes sont nombreuses. Les journées ne durent que 24H, il devient impossible de tout traiter immédiatement. Quoi qu’il en soit, je tiens à ce qu’il y ait un suivi.
NP : Qu’aimez-vous dans votre fonction ?
DE : J’aime aller au contact des gens. Ce qui m’ont vus le ressentent. Dans les quartiers sensibles il y a une véritable solidarité qui existe. Une solidarité que je ne vois pas ailleurs. Il y a des gens de talents. D’autres sont dévoués envers leurs quartier. C’est une force considérable. Pour moi, c’est très enrichissant, très enthousiasmant.
J’ai beaucoup appris. Et finalement, ces gens ne demandent pas grand chose. C’est beau de le savoir. De nos jours, la société est très égoïste, très individualiste, et conteste toujours tout. Maintenant, le défi dans ces quartiers consiste à rétablir la confiance avec les habitants. A certains endroits, ils ont vu des élus leur promettre monts et merveilles et pas forcément les réaliser. Normal qu’ils soient méfiants! Mais si on joue franc-jeu, si on les associe à tous les niveaux, tout se passe bien.
Par exemple, quand on lance un projet : si dès le départ on les inclus, on les fait participer au projet, ils le respecteront, ils ont seront fiers, ils le valoriseront, donc nous avons tout à y gagner. Forcément cela demande plus de disponibilité, plus de présence, une volonté certaine et il faut aimer ca. Si on se force, les gens en face le ressentent et cela ne dure pas longtemps.
Pour moi, ma passion est toujours intacte après cinq ans. J’aime faire en sorte qu’un dossier arrive à son terme. J’ai réussi déjà à en enclencher beaucoup. Je suis réellement motivée par autant de relations sociales. Ma délégation me permet de toucher à tout. Les domaines sont variés. C’est passionnant. On ne tombe jamais dans la routine. J’ai beaucoup appris sur le tas.
NP : Pouvez-vous nous racontez une anecdote qui vous a marqué dans votre carrière.
DE : C’est du quotidien. Ce sont des petits événements, des personnes, qui me touchent. Récemment aussi, cela m’est arrivé. C’était au collège Jules Romain, dans le quartier des Moulins. La principale m’a invitée à la dédicace d’un livre de jeunesse. Il y avait les mamans honorées d’être présentes. Les jeunes chantaient du rap et parlaient de leur quartier en le valorisant. C’était émouvant. Et puis, l’auteur a lu son livre aux jeunes. Ils étaient émerveillés et attentifs. Au bout d’un certain temps, ils ont éxpliqué qu’ils n’aimaient pas lire mais qu’ils étaient intéressés par l’histoire. Ils ont alors demandé à l’auteur s’il n’était pas possible de la faire en cassette. C’était vraiment sympathique.
NP : Comment concilliez-vous votre vie professionnelle et votre vie de mère ?
DE : Je n’ai pas la contrainte d’avoir des enfants en bas âge où j’aurais, par exemple les sorties scolaires à gérer. Mes filles sont grandes et donc plus autonomes. Ce qui ne veut pas dire qu’elles n’ont pas besoin de moi. C’est important que je les vois, même s’il est vrai que j’ai moins de disponibilité.
En ce moment, ma fille aînée prépare un concours. Si elle a des difficultés elle sait qu’elle peut compter sur mon aide… Même si je ne lui suis pas toujours d’un grand secours. J’essaie d’être là. Je ne dis pas que je suis une « surfemme ». Mais comme je suis davantage sur le devant de la scène, forcémment, cela demande une meilleure organisation. Je pense que j’y arrive.
Il n’est pas rare de sortir ensemble pour faire du shopping ou pour se promener. On se réserve aussi des week-end en montagne. Quand je peux déjeuner avec elles, je le fais. Donc l’un dans l’autre, ça se passe pas trop mal.
NP : Y-a-t-il eu des changements depuis que que votre mari est ministre ?
DE : Forcément. il est encore moins disponible qu’avant. Du lundi au vendredi, il est à Paris. Et comme je reste sur Nice, et je compte bien y rester… Mais cela fait partie des choix de vie.
NP : Que pensez-vous des femmes en politique ?
DE : Les femmes sont peut-être moins obnubilées par ce qui peut se passer dans quelques années ou par une carrière coûte que coûte. Moi, je suis contente d’excercer les reponsabilités qui m’ont été attribuées. Et je ne vise pas plus haut.
Quant à la parité, j’y suis opposée. Les quotas c’est péjoratif pour une femme. Je reconnais tout de même que, sans la parité, il n’y aurait toujours pas de femmes dans la politique. Par contre, il ne faut pas tomber dans un effet de mode. C’est à dire, penser qu’il faut mettre des femmes partout. Il faut qu’elles prouvent leurs compétences. Mais je crois qu’elles sont suffisemment combatives, courageuses et pragmatiques pour être à la hauteur de leur mandat.
A partir de là, une femme est capable de s’occuper de n’importe quel domaine au même titre que l’homme. Je trouve même mieux de mettre une femme dans une délegation où l’on ne l’attend pas. Car la fibre humaine et sociale, la sensibilité est différente des hommes. C’est d’ailleurs cette différence qui fait que probablement, les choses se passent mieux. Cela ne veut pas dire que l’homme est incapable. Certains hommes possèdent ces qualités. Mais c’est avant tout la personnalité qui compte.
NP : Citez trois femmes politiques qui vous ont marqué.
DE : Margaret Tatcher est étonnante. Car à l’époque où elle a excércé son mandat de premier ministre en Angleterre, elle a fait bouger les choses dans un univers uniquement masculin. Sincéremment chapeau.
Michèle Bachelet m’a surprise. Son parcours est atypique. Je ne sais pas comment elle se débrouillera, mais pour être arrivée aussi haut, elle m’interpelle.
Michèle Alliot-Marie est une poigne de fer également. Elle a été la première femme à être président de parti. Et maintenant, elle est ministre de la Défense. Pareil pour Ségolène Royale. Malgré que nos opinions divergent, je suis impréssionnée par son parcours. Elle a été la première présidente de région. Toutes les deux ont de l’élégance et représentent bien les femmes d’aujourd’hui.
NP : Vous vous occupez de la vie associative. Que pensez-vous des espaces associations ?
DE : Avec plus de 4000 associations à Nice, ces équipements publics étaient devenus nécessaires. Ils ont été crée pour simplifier la tâche aux présidents d’association. Ainsi, ils peuvent s’occuper pleinement de leur objet et non pas de toutes les formalités juridiques et administratives.
NP : Quels sont les futurs projets dans le domaine associatif prévus par la ville ?
DE : Dans le quartier Pasteur, on va créer un équipement public de proximité qui va à la fois accueillir une ludothèque et un espace pour les associations. A Bon Voyage, une construction est en cours. Il s’agira d’un centre socio-culturel. Les associations du quartier pourront bénéficier de salles pour se réunir.
NP : Votre fonction touche également le domaine du logement. Nice enregistre une multitude de logements vacants. Quelles sont les solutions?
DE : Nous cherchons activement des solutions. Nous proposons aux propriétaires bailleurs des subventions. Nous leur accordons des prêts à 0 et 1%; A l’heure actuelle, c’est bien parti. Nous sommes en plein dans l’action. On ressentira les résultats dès cette année. Mais véritablement en 2007-2008.
NP : A Paris, l’année dernière, plusieurs locataires sont décédés dans des incendies dûs à l’insalubrité et à l’absence du respect des règles de sécurité. Nice ne risque-t-elle pas de tels drames? Concrètement, que faites-vous pour éviter cela ?
DE : Il est vrai que nous ne sommes pas à l’abri de telles catastrophes. Depuis ces accidents, la ville est davantage attentive à ce problème. Mais à Nice, la mairie n’est pas propriétaire de tous les appartements. Dans ce cas, elle ne peut ni agir , ni forcément le savoir. En revanche, si l’appartement appartient au domaine communal, des actions sont mises en place. Lorsque l’on reçoit une plainte d’un locataire, le service de prévention des risques urbains va immédiatement sur place pour constater l’état des lieux.
En cas de constat d’insalubrité ou de péril imminent, ce service prévient le maire qui prend un arrêté. Puis nous tentons de reloger les familles. Quand on occupe des fonctions à responsabilité, il faut se donner à fond, travailler avec acharnement et bien le faire.
NP : Vous dites tenir à coeur votre travail. Mais avez-vous des projets pour l’avenir ?
DE : Si un jour, je ne suis plus Conseillère, je ferai autre chose. Mais je n’ai aucune idée de ce que cela pourrait être. Je n’y pense pas. Car aujourd’hui, je suis complètement dans mon mandat, dans mes responsabilités.
Dans la période où je suis « aux commandes » sans rien avoir de prétentieux, je me consacre à faire bouger les choses, à faire avancer les dossiers. Dossiers qui jusqu’alors avaient peut-être pris un rythme de croisière, dont on ne s’était pas forcément trop occupé.
De toute façon, nous ne sommes pas là pour occuper un poste at vitam eternam. Je sais que l’on m’a confié ce travail pour un temps seulement; tout a une fin.
Pour autant, si je peux continuer à apporter ma contribution en tant qu’élue, à cette ville, cela me plairait énormément. Maintenant, quant à savoir ce qu’il en sera d’ici deux ans, que décideront les Niçois, serait-je présente sur les prochaines listes municipales? Il est trop tôt pour le savoir.