L’UMP ne devrait pas se réjouir trop rapidement des derniers résultats du vote des militants socialistes qui, malgré des chiffres revus quotidiennement à la hausse ou à la baisse en fonction des Fédérations, n’ont pas finalement réussi à départager clairement Martine Aubry et Ségolène Royal. Certes, pour le moment, la confusion et les rancœurs prévalent largement chez les responsables de la rue de Solférino dont on voit mal comment ils pourraient être à même de se lancer et de réussir une grande entreprise électorale.
Quelle que soit l’issue, mardi, de la réunion du Conseil national – validation des résultats, lancement d’une nouvelle consultation ou élaboration d’une direction collégiale – ce vote qui débouche sur une crise beaucoup plus grave que celle du Congrès de Rennes, pourrait simultanément annoncer un tournant essentiel dans l’avenir du Parti socialiste. Le fait que les militants aient fait mentir les comptages arithmétiques des instances dirigeantes trop certaines de pouvoir s’appuyer sur les résultats des motions, les désistements et les soutiens déclarés, n’en est que le révélateur.
Même si cette gestation lui demandera encore un peu de temps, il est fort probable que le Parti socialiste sorte, d’une manière ou d’une autre, transformé de ces intenses convulsions. Au point de connaître dans un futur proche une révolution copernicienne de même nature que celle amorcée à la fin des années 70 où il avait initié, tirant les échecs de la présidentielle de 1974, une série d’aggiornamenti dans le but d’entendre les appels de sa base et d’apparaître au grand public comme un authentique parti de gouvernement. On se souviendra par exemple des évolutions radicales sur la question du nucléaire dans le prolongement des discussions passionnées menées Tour Montparnasse entre socialistes et experts militaires. Même si le mot inquiète ou irrite au sein du PS, on ne peut s’empêcher d’éprouver le sentiment d’une « tentation sociale démocrate » largement plébiscitée par la base.
Qu’elle plaise ou non aux descendants de Jaurès et de Blum, et en dépit de traditions différentes, cette orientation correspond aux tendances depuis longtemps amorcées par les formations socialistes européennes. Ces dernières sont parvenues à se délester d’une bonne part de leur idéologie radicale contre la reconnaissance d’un « principe de réalité » à forte dimension économique. Qu’ils se nomment, « blairisme », « zapatérisme » ou même « schröderisation », ces infléchissements ne garantissent pas la prise ou le maintien au pouvoir mais ils en représentent une condition difficile à éluder. Le choix récent de la SPD allemande en faveur du vice-Chancelier Frank-Walter Steinmeier contre Kurt Beck comme candidat aux prochaines élections générales outre-Rhin vient largement illustrer ce pari.
Si pendant les débats, les deux candidates au poste de Premier Secrétaire du PS n’ont pas réellement innové sur les idées, évoquant tout à tour « rassemblement », « rénovation et « ancrage à gauche », force est pourtant de constater derrière l’apparente similitude des discours – et sans trop d’efforts d’imagination -, deux conceptions très divergentes pour exprimer et représenter la « gauche française ». Les responsables de l’UMP l’ont bien compris qui se réjouissent un peu vite de l’arrivée possible de Martine Aubry, « meilleur argument du parti du Président » pour reprendre les réflexions pertinentes de Manuel Valls. Mais le répit dû à la cacophonie socialiste pourrait bien être de courte durée. Qu’elle en revendique ou non la paternité, l’ancienne candidate aux élections présidentielles de 2007 vient de lancer une dynamique dont elle n’est certes pas assurée de constater elle-même l’heureux aboutissement mais qui est susceptible de faire entrer les Socialistes français dans une ère nouvelle. Une ère qui pourrait bien profiter, un jour prochain, à un autre socialiste dont l’étrange silence dans ces moments cruciaux n’a probablement rien à voir avec son éloignement géographique.
